Scène de ménage.


 

Elle m’avait fait un plan, avec les routes, les numéros, et tout le bastringue. Y a si longtemps que je suis pas venu que j’avais oublié plus ou moins où ils créchaient. Ça fait combien de temps, au fait ? Je sais plus, mais on peut dire que ça fait une paye. Et, si j’avais pu, ça aurait pu durer encore plus longtemps, parce que ça me gonfle, leur invitation, ça me gonfle vraiment. Si je pouvais, je me tirerais tout de suite. Ce serait facile, je reprends la bagnole, je fais demi-tour, et on n’en parle plus. Si elle m’appelle pour me demander pourquoi je suis pas venu, je lui dirai que j’ai eu un empêchement, une panne de voiture ou un truc comme ça. Et si elle me propose une invitation pour un autre jour, je trouverai bien une excuse à la con pour refuser ou pour remettre à plus tard.

Bon, alors ! J’y vais ou j’y vais pas ? Personne peut m’obliger à faire ce que j’ai pas envie de faire, après tout. Bon, c’est vrai que j’ai dit oui et que j’aurais pas dû. Mais quand même ! Alors ? J’y vais ? Bon, allez ! J’y vais. C’est mon problème à moi : quand je dis oui, c’est oui, j’aime tenir parole. Et puis, ça va peut-être bien se passer après tout. Ils ont peut-être changé. Je sais pas. On verra. De toute façon, je peux pas me défiler. Je suis sûr que ça va être la brouille si j’y vais pas, y m’en voudront à mort. Et puis, faut dire que, même si j’en ai pas l’air, je les adore ces deux-là.

Lui, Michel, c’est mon pote depuis toujours. On s’est connus à l’école. Qu’est-ce qu’on a pu faire comme conneries ensemble ! On piquait du pognon dans les troncs des églises pour s’acheter des réglisses, on vidait les poubelles dans les boîtes aux lettres des gens. Dans les immeubles des bourges, on entrait en évitant les bignolles, puis on sonnait aux portes et on se cachait à l’étage au-dessus pour entendre les bonnes femmes râler quand elles ouvraient leurs portes et qu’elles voyaient personne. Après, on se tirait en courant et en se foutant de leurs gueules. Ah oui, on s’est bien marrés, tous les deux. Quand y avait une connerie à faire, on la ratait pas. Et à l’école, on était rien qu’à nous deux, le gang des cancres. On emmerdait les profs avec nos boules puantes. On leur balançait des papiers armés d’aiguilles et quand les pointes tombaient sur leurs crânes dégarnis, ils poussaient des cris. Et quand c’était des profs femmes du genre collet-monté avec chignons et longues jupes serrées et même pas fendues, on leur foutait des ordures ou, quand on en avait, des photos cochonnes, dans leurs cartables, et on se marrait rien qu’en pensant à leurs trognes quand elles allaient déballer ça devant une classe pleine de gosses ou devant le dirlo. Comme on était pas cons, on s’est jamais fait prendre. Mais, à cause de nous, la classe s’est payé un paquet de retenues. Ah oui, c’était sympa, on était jeunes et on savait encore rigoler. C’était le bon temps !

Elle, Mado, je l’ai connue après, quand on avait grandi. C’était la copine d’un autre copain. Elle était vraiment bandante, et j’avais un peu le béguin pour elle. Mais la copine d’un copain, c’est sacré, et j’ai jamais essayé de me la faire. D’ailleurs, elle aurait peut-être pas voulu. Mais ça m’empêchait pas de la reluquer comme un malade. Elle avait une bonne bouille avec des belles boucles et des yeux coquins. Et sa poitrine était superbe, elle débordait de ses corsages toujours trop petits, et je pouvais pas lui dire un mot (à Mado, pas à la poitrine), sans que mes yeux soient attirés presque sans le vouloir vers le corsage et son contenu. Ça ballottait dans tous les sens quand Mado s’agitait, comme si ça voulait sortir de là, et moi je regardais le bout des mamelons qui pointait sous le corsage, et je trouvais plus mes mots, j’avais envie d’y mettre mes mains pour arrêter ce balancement mais, je sais pas, j’aurais peut-être pris une baffe, ou peut-être qu’elle se serait laissée faire. Je sais pas mais, de toute façon, moi, je dis toujours que la copine d’un copain, c’est sacré, donc je gardais mes mains dans mes poches et, en me tortillant, j’essayais de cacher ma trique comme je pouvais. Bon, je suis sûr qu’elle a quand même dû remarquer qu’elle me laissait pas indifférent, ça la faisait peut-être rigoler de me voir comme ça, mais elle disait rien, elle se laissait mater sans faire d’histoire. Et puis, je crois que ça devait lui plaire pas mal puisqu’elle avait apparemment un stock énorme de corsages minuscules et qu’elle s’agitait beaucoup quand j’étais là.

Ouais, vraiment, je les adore tous les deux. À l’époque, on se voyait souvent en bande, on était une dizaine, Mado venait avec son jules, Michel et moi on amenait nos copines du moment. On était jeunes et on rigolait, on allait danser dans les boîtes, on picolait pas mal et on rentrait complètement bourrés en faisant un chahut qui nous valait pas mal d’engueulades de la part des bourges qu’on réveillait. C’était la belle vie, on pensait qu’à s’amuser, et l’avenir on s’en foutait.

Et puis, un jour, ça s’est gâté. Mado a quitté l’autre copain pour se mettre en ménage avec Michel. Et, à partir de ce moment, c’était plus pareil. Ils sont adorables, tous les deux, de vrais anges, mais séparément. Je veux pas me mêler de ce qui me regarde pas mais, à mon avis, ils étaient pas faits pour vivre ensemble. Ça m’arrive de les voir séparément, et même si on a vieilli et qu’on fait plus les cons comme avant, on s’entend encore vachement bien. Mais les voir ensemble, en ménage, c’est l’enfer. Ça fait combien de temps qu’ils sont ensemble ? Je me rappelle plus. En tout cas, je me demande comment ils ont fait pour pas s’entre-tuer pendant ce temps, surtout que le temps doit compter double quand on s’engueule autant qu’eux. Une fois, ils m’avaient invité comme aujourd’hui, et ils s’étaient engueulés comme c’est pas possible pour une connerie, je sais plus quoi, et le pire c’est qu’ils me prenaient comme témoin chacun leur tour : « Allez, Olivier, qui c’est qui a raison, c’est pas moi ? ». « Ecoute pas cette pétasse, Olivier, elle dit n’importe quoi, t’es pas d’accord ? C’est pas une pétasse, cette pétasse ? ». « Oh, mais qu’il est con, ce mec, qu’il est con, tu trouves pas ? ». Et moi, je savais pas quoi dire. Je pense qu’ils se gouraient tous les deux, en tout cas ils m’emmerdaient à me demander ça.

Faut dire que comme fouteuse de merde, elle se pose là, la Mado, c’est une championne, elle a un stock intarissable de reproches, presque autant que de corsages trop petits. Elle pouvait lui en sortir des vertes et des pas mûres en rafale, tellement qu’il en pouvait plus et qu’il était obligé de fermer sa gueule. Ça m’embêtait pour lui parce que je l’aime bien et que, quand on était gosses, on se marrait comme des fous. Mais d’un autre côté, je pouvais pas la contredire, la Mado, elle avait quand même des corsages mieux remplis que mon pote, et ça m’embrouillait la tête, alors je me taisais et je laissais courir. Mais à partir de ce moment, j’ai décidé que j’irai plus les voir, quitte à ne plus assister au spectacle des lolos de Mado qui se balançaient sous l’effet de la colère. Ils pourraient, tous les deux, se mettre à genoux devant moi pour que j’accepte de venir, ils pourraient me supplier, me promettre n’importe quoi, jamais je remettrai le bout de mes godasses dans leur turne de merde.

Et aujourd’hui, je suis là sur cette route à la con et j’arrête pas de me dire que je suis nul d’avoir accepté cette invitation. Ça fait des années que je refuse et puis ce coup-ci je me suis fait avoir, j’ai dit oui. Je sais pas pourquoi j’ai dit oui. Peut-être qu’à force de dire niet, j’ai pas voulu paraître impoli, alors j’ai accepté. Après tout, c’est des vieux copains, on a fait les quatre cents coups ensemble, on s’est pété la gueule tant qu’on a pu. Alors c’est normal, j’ai pas voulu les vexer. Et puis, je me suis dit qu’ils s’engueulaient dans le temps, mais que maintenant, en vieillissant, ils s’étaient peut-être calmés. N’empêche que maintenant je me retrouve comme un abruti, pas du tout sûr que ça va bien se passer mais obligé quand même de tenir parole alors que j’en ai pas envie. Ah oui ! Ça m’emmerde comme c’est pas possible, cette soirée. Enfin, tant pis. Ce sera encore une soirée de foutue. C’est pas la première et ce sera pas la dernière. Et si ça se gâte comme je le pense, je me tire vite fait, et je les laisse s’engueuler sans moi.

Elle m’a dit quoi au fait ? Troisième étage, première porte à droite ? Ça doit être là. Bon, courage. Je sonne. Madeleine m’ouvre.

- Hello, Olivier.
- Salut, Mado.
- Entre. Ça tombe bien que tu sois arrivé de bonne heure, on va pouvoir discuter en prenant l’apéro.
- Michel est là ?
- Ouais, dans la cuisine. Il surveille les plats. Ils ont pas besoin d’être surveillés, d’ailleurs, mais ça l’occupe.
- Heu...
- Allez, retire ton manteau, je vais l’accrocher sur le cintre. Assieds-toi sur le canapé, là devant la table basse. J’apporte les bouteilles et les verres.

Elle amène tout le tintouin et, pendant ce temps, je lui dis par politesse :

- C’est chouette ici, c’est... confortable. Ça faisait longtemps que j’étais pas venu.
- C’est vrai que tu te fais un peu rare. C’est pas faute de pas t’avoir invité pourtant.
- Bah, c’est comme ça. J’ai plein de travail et ça m’occupe pas mal. J’ai plus le temps de m’amuser maintenant.

Je mens bien quand je veux. Elle a pas l’air de s’en rendre compte, ou elle s’en fout. Elle me demande :

- Tu veux quoi ? J’ai du porto, du whisky, du martini, de la vodka, du gin, de la tequila, et puis... c’est tout. J’ai aussi de l’eau.
- Pas d’eau, merci. C’est pas bon pour mon estomac. Un gin, ça ira.
- Tu veux des glaçons ?
- Ouais, si t’en as.
- J’en ai. J’ai tout ici. On te voit si peu que j’ai fait des réserves, tu risquerais de pas revenir si y manque quelque chose. Je reviens avec les glaçons. En attendant, mets-toi à l’aise. Si tu veux de la musique, les CD sont là, ou tu peux allumer la télé. Fais comme chez toi.

En la voyant s’éloigner, je remarque qu’elle est toujours aussi sexy. Elle a un beau petit cul qui se trémousse. Elle s’est pas enlaidie, la garce, et elle a une forme du tonnerre. D’ailleurs, en causant, j’ai pas pu m’empêcher de zieuter son corsage comme je le faisais dans le temps. Il est aussi petit qu’avant, avec à l’intérieur une poitrine toujours aussi top, et peut-être même encore plus. Et puis sa petite jupe... elle est pas bien grande non plus, sa petite jupe, surtout quand on la compare au contenu. Bref, elle est encore vachement bien, la Mado. Il en a de la chance, Michel, d’avoir une belle poupée comme ça, à domicile, tous les jours, prête à l’emploi. Quand il en a envie, il demande, et c’est tout, après c’est le départ pour le paradis.

Elle revient avec les glaçons. Mazette, elle me fait encore le grand jeu. La poitrine ballotte comme avant, le corsage va finir par craquer... c’est chouette, je retrouve mes sensations de jeune homme. Heureusement que je suis assis, elle peut pas voir l’effet qu’elle me fait, elle se foutrait de ma gueule. Quoique... je sais pas... Pour penser à autre chose, je lui dis :

- Je vais aller voir Michel, y doit s’ennuyer tout seul dans la cuisine.
- Mais non, y s’ennuie pas. Si y veut, y peut venir. Mais y boude.
- Heu... y boude ? Pourquoi ? C’est peut-être ma présence qui l’embête ?
- Mais non, c’est pas toi. D’ailleurs, heureusement que t’es là, y va peut-être se décider à montrer son nez. Allez, bois ton gin et t’occupe pas de lui. Y viendra quand y voudra. Et si y veut pas venir, qu’y reste où il est.
- Mais...
- On est bien là, tous les deux. On a pas besoin de lui. Allez, bois ton apéro. À ta santé.

J’ai une bonne dose de gin, elle s’est servie une bonne dose de whisky. On trinque un coup avant d’entamer nos verres. Elle me dit :

- Ça va ? Il est bon, le gin ?
- Ouais, ça va. J’en prendrais bien un deuxième pour faire passer le premier.
- Ah, c’est bien, ça. Au moins, toi, t’as pas changé. Pas comme l’autre qui boude dans sa cuisine parce que je lui ai dit qu’y me saoulait avec ses histoires de travail.
- Ah ouais ? Y parle travail maintenant ? Quand on se voyait à l’époque, on s’en foutait pas mal du travail. Maintenant, ça l’intéresse ?
- Ouais, y parle que de ça. Y en a marre d’entendre ces histoires de monsieur truc qui va je sais plus où pour signer avec je sais pas qui un contrat de vente de je sais pas quoi. Je lui ai dit que je m’en contrefichais de ses histoires de contrat et y l’a mal pris. C’est tout. Ça fait une bonne heure que je lui ai dit ça, et depuis je l’ai pas revu. Tu crois pas qu’il est con ?
- Heu...
- C’est pas toi qui serais aussi con. Toi, t’es un malin, je l’ai toujours dit.

Là, elle m’étonne. Elle parle sérieusement ? Je pense plutôt qu’elle commence à être bourrée ou elle me raconte des salades pour m’embobiner. Mais pourquoi me sortir des salades, à moi ? Elle doit bien savoir, je l’ai dit souvent, que pour moi la copine d’un copain, c’est sacré, et que jamais, jamais, je ferais quoi que ce soit avec elle sans l’autorisation du copain en question. Je termine mon verre pour m’éclaircir les idées et, pour essayer de comprendre, je lui dis :

- Heu... Pourquoi c’est lui que t’as choisi, alors ? Pourquoi pas moi ?
- Je sais pas. Je devais être conne, je pense. Faut dire que toi, avec tes principes vieillots, du genre pas avec les copines des copains, et autres conneries, t’es pas facile à aborder.
- Ça dépend par quel bout on me prend... Ha ! Ha ! Ha ! Oh, excuse-moi...
- Toi, t’es un rigolo, au moins.
- Ouais, ça m’arrive.
- Remarque, moi aussi j’ai des principes, et je dis souvent : jamais avec les copains de Michel.
- T’as raison, c’est un bon principe.
- Par contre, avec mes copains à moi, pourquoi pas ? Je trouve ça plus facile, plus sympa, on se connaît déjà, on s’apprécie. C’est pas bestial, c’est amical.
- C’est vrai qu’on est pas des bêtes.
- Mais c’est quand même rare, en fait je suis plutôt une fille rangée, je suis fidèle. Je suis du genre : un seul à la fois. Tu veux un autre verre ? Tiens, la bouteille est là, sers-toi. Pendant ce temps-là, je vais voir ce qu’y fait dans la cuisine. J’espère qu’il est pas en train de saboter mes plats.

Elle s’en va, avec son popotin qui se balance derrière elle. Moi, je me sens tout émoustillé, tout mou. Enfin, quand je dis tout mou, en réalité je suis plutôt dur. Mais y faut pas que j’oublie qu’elle est pas à moi, et la copine d’un copain, c’est sacré. Mais quand même, je me la ferais bien. Je m’imagine déjà avec mes mains qui... Non, y faut que j’arrête de gamberger. Allez, encore un petit coup de gin et je vais essayer de penser à autre chose.

Tiens, elle est pas mal leur télé. Écran plat, c’est géant ! Ça a dû leur coûter un max. Je comprends qu’y parle souvent boulot à la maison, y doit se casser le cul pour gagner assez de fric pour se payer des trucs pareils. Moi, mon petit boulot de merde, ça me prend pas la tête, et j’ai pas souvent occasion d’en parler, mais je gagne que dalle et j’ai pas les moyens de me payer ça. Et ce canapé, il est chouette, confortable, c’est pour les richards. Ils ont dû en faire des choses là-dessus, j’en suis sûr. Je la vois, elle, à poil, jambes écartées, et lui qui baisse son froc et qui la monte, et je vois sa poitrine à elle qui ballotte au rythme de... Ah merde ! J’avais pourtant dit que je penserais plus à ça et voilà que je me joue une scène porno complète dans ma tête. Allons, pensons à autre chose.

Elle est super, leur chaîne hi-fi. Et elle a tout, tuner, cassette, CD. Et cette moquette, c’est du grand luxe. Épaisse, moelleuse, c’est génial. On peut en faire des choses là-dessus, c’est même pas la peine d’avoir un lit. Je suis sûr qu’ils ont dû le faire là-dessus. Je la vois, elle, retirant petit à petit ses sapes, le corsage, la jupe, les bas, et lui, assis sur le canapé, qui attend et qui zieute, et elle qui continue son déshabillage, le soutien-gorge, la culotte, et qui s’allonge sur la moquette, et lui qui baisse son falzar et qui se lève pour... Bigre, j’ai encore dérapé. Je sais pas ce qui m’arrive, je pense qu’à ça.

Il est joli, ce buffet, c’est rustique. Ça non plus, je pourrais jamais me le payer, c’est trop classe et avec ma petite paye de rien du tout, j’aurais tout juste de quoi m’acheter la clé. Et cette table, qu’elle est belle, c’est du beau bois bien mastoc, bien solide. Ils ont dû le faire là-dessus, j’en suis sûr. Je l’imagine, elle, en train de lui ouvrir la braguette, puis elle lui prend le machin à pleine main et elle l’entraîne vers la table, et quand ils y arrivent, elle s’allonge, dos sur la table, elle écarte les jambes pour laisser entrer l’étalon, elle écarte même sa petite culotte pour faciliter le... Mais je m’égare encore, je vais devenir fou. Pourtant, c’est la copine d’un copain, et la copine d’un copain, c’est...

Mais qu’est-ce qu’elle fait, dans la cuisine ? C’est long. Ils ont déjà dû le faire dans la cuisine, j’en suis sûr. D’ailleurs, ils viennent peut-être de se réconcilier. Là, je l’imagine en train de la prendre, il lui déchire ses fringues, il la renverse sur la table de la cuisine, il balance par terre tout ce qui le gêne, assiettes, couverts, plats. Et elle, elle lui dit mollement « pas maintenant, on a un invité », mais lui, y s’en fout, alors y dit « je m’en fous » et y continue, et d’ailleurs elle aussi, elle s’en fout, alors elle dit « vas-y mon chou, prends-moi et fais-moi jouir ». Et il la déculotte et il se déculotte et il commence à...

- Alors, tu t’es pas ennuyé en m’attendant ?
- Heu... non, non, ça va...
- T’es tout rouge. T’es sûr que ça va ?
- Ouais, pas de problème.
- J’ai été un peu longue parce que je cherchais le boudeur. Il était plus dans la cuisine. Maintenant, il est dans la chambre, y dort. C’est pas plus mal, comme ça, y nous embêtera pas.

Je suis embêté pour Michel parce que c’est mon pote, alors je demande :

- Il est malade ?
- Non, pourquoi ?
- Bah, se coucher à 9 h, c’est un peu tôt...
- Quoi ? Il est déjà 9 h ? Le temps passe vite avec toi. On va peut-être se mettre à table. Tu peux emporter la bouteille si tu veux, ou si tu préfères, y a du vin.
- Non, ça ira, je garde le gin. Les mélanges, ça saoule.
- Okay, moi je prends mon whisky.

Elle nous sert les petits plats dans les grands ou les grands plats dans les petits, je sais plus comment on dit, et c’est pas dégueulasse. Elle fait bien la cuisine, la Mado, et je lui connaissais pas encore ce talent. La dernière fois que j’étais venu, c’était du genre steaks hachés et petits pois en boîte. Apparemment, elle s’est bonifiée avec l’âge. Et elle a encore une bonne descente de gosier. J’en suis à la moitié de ma bouteille de gin et elle va bientôt me rattraper. On cause la bouche pleine, et les verres se remplissent et se vident sans qu’on s’en rende compte comme si y avait quelqu’un derrière nous pour écluser à notre place. À un moment, j’en peux plus, et je lui dis :

- Waouh, j’arrête, j’en peux plus. Ça fait longtemps que j’ai pas bouffé autant.
- Ça t’a plu ?
- Ouais, c’était génial, mais j’arrête sinon je vais éclater.
- Eh bien, c’est tant mieux si ça t’a plu. Tu trouves pas qu’y fait chaud ici ?
- Ouais, un peu.
- J’ai trop chaud. Je vais retirer mon corsage. Ça te dérange pas ?
- Non, non, vas-y, fais comme chez toi.

Et la voilà qui retire son corsage. C’est vrai qu’il était petit ce corsage, et à vrai dire, il cachait pas grand-chose, mais quand même, ça me fait un effet que je peux pas expliquer de le voir disparaître aussi vite, moi qui attendais ça depuis une paye. Faut dire qu’elle est belle, la Mado. En retirant son corsage, elle a fait un mouvement que j’ai pas eu le temps de bien voir, mais sa poitrine m’a semblé un instant encore plus volumineuse que d’habitude, et j’ai comme eu l’impression que le soutien-gorge allait craquer malgré qu’y soit du genre solide. En biglant ça, je suis devenu tout..., je peux pas dire ce qui m’arrive, je suis dans un état second comme diraient les gens bien. Moi, je dirais plutôt que je bande comme un fou, mais c’est vulgaire et c’est pas mon genre de parler comme ça. Et elle qui me dit :

- T’es sûr que ça te dérange pas ? T’es encore plus rouge que tout à l’heure. Moi, je me sens mieux comme ça.
- Si tu te sens mieux comme ça, c’est bien. Moi, ça me dérange pas.
- Si tu veux, tu peux faire pareil. Ça fait bizarre que je sois comme ça et pas toi, on se croirait dans un bastringue, toi le client, moi la courtisane. Si tu retirais ta chemise, on serait à égalité comme pour les bouteilles.

Je regarde les deux bouteilles et je constate qu’elle a raison, on est tous les deux à égalité sur ce terrain : la sienne est à moitié vide et la mienne à moitié pleine. Alors, pour la faire mentir, je me ressers illico un verre et je reprends la tête de la compétition. Puis, après avoir bu une longue gorgée, je commence à déboutonner ma chemise. Je suis pas très adroit pour ces choses-là et elle l’a bien vu.

- Tu veux que je t’aide ? Allez, je vais te donner un coup de main, sinon tu vas tout arracher.

Et elle se lève, elle se met derrière moi, et elle commence à me déboutonner la chemise. La bougresse, on voit qu’elle a de l’expérience, elle a fait ça en dix secondes. Pendant ce temps, je sens sa poitrine collée sur mon dos. C’est comme si elle me massait avec ses nichons. En plus, elle a défait ses cheveux et moi, j’aime les cheveux libres, à la sauvageonne. J’aime y fourrer mes doigts, mon nez, et ses cheveux à elle me tombent sur la tête, me caressent les joues, zigzaguent sur ma poitrine, et y sentent vachement bon. J’ai l’impression que je vais éclater. Quand elle arrive au dernier bouton de ma chemise, tout en bas, je sens sa main qui frôle mon machin et là, je crois que je vais sauter au plafond. Heureusement, je me souviens qu’y peut rien se passer entre nous, c’est la copine d’un copain, et...

- Waouh, t’es musclé, je savais pas. Je peux toucher ?
- Heu...

Et sans attendre ma réponse, elle se met à me palper les muscles sur la poitrine, sur le ventre. Et pendant ce temps, elle me dit :

- Ça, c’est du muscle. On t’a jamais dit que t’avais un beau corps ? Tu vas dans une salle de sport ?
- Non, j’ai pas besoin, c’est le boulot. J’en ai déménagé des tonnes de conneries sur mon dos. Y en a qui ont même pas d’ascenseur et nous, les déménageurs, on est obligés de se coltiner cinq ou six étages à pince avec leurs saloperies de cartons sur les épaules.
- Bah, c’est bien, ça t’a réussi. T’es superbe. Ça te dérange pas que je passe un moment à te toucher ? Ça faisait longtemps que j’avais pas vu des muscles comme ça.
- Heu... non, vas-y, c’est gratuit.

Et elle continue à me peloter la poitrine, le ventre, elle glisse sa main sous les aisselles. Et je sens toujours ses seins contre mon dos. Malgré que j’ai plus de chemise, j’ai encore plus chaud qu’avant. Puis elle me dit :

- C’est con de rester sur des chaises quand on a un canapé avec personne dessus. Viens avec moi, on va se mettre à l’aise.

Elle me prend par la main et elle m’entraîne. Je suis un peu vacillant, elle aussi, mais on réussit à atteindre le canapé et on s’effondre n’importe comment dessus, cul par-dessus tête comme on dit, à part que dans ce cas-là, c’est vrai, on sait même plus où est le haut et le bas, et je crois bien, mais je suis pas sûr, que je me suis retrouvé avec la tête coincée entre ses cuisses et le nez collé sur sa culotte. Je peux pas dire l’ivresse que j’ai à ce moment, et qui vient pas seulement du gin. J’ai plus envie de bouger, je me sens bien là, surtout que sa tête gigote pas mal près d’un endroit où je suis très sensible. Mais on a beau être heureux dans un petit nid douillet, y faut quand même respirer. Et puis moi, j’aime bien, avant de fourrer mon nez dedans, connaître au moins la couleur de la culotte, et là, je suis trop près, je vois rien, et les cuisses sont si serrées que je respire plus. En reprenant mes esprits, quelques minutes après, je souffle comme une bête, je dégouline de partout, et je me dis qu’il est pas question que je reste dans cette position, ça m’obligerait à faire des choses, et je veux pas parce que, quand même, c’est la copine d’un copain, et ça se fait pas ce genre de chose avec la copine d’un copain. Elle aussi se rassoit correctement sur le canapé.

À ce moment, on se rend compte qu’on a soif, alors on veut picoler quelques verres pour se désaltérer et se remettre les idées en place mais le carburant est resté sur la table. Y faut que quelqu’un se dévoue pour assurer le transport. Elle me dit :

- Si t’allais nous chercher les bouteilles ? Y fait tellement chaud qu’on va fondre.

Je me relève et je vais jusqu’à la table pour prendre les bouteilles. Heureusement qu’elles sont à moitié vides, elles sont moins lourdes. Je reviens vers le canapé et je vois que la belle a pris ses aises en mon absence, elle a étendu ses jambes, elle a relevé sa jupe et elle écarte les cuisses. Je vois enfin la couleur de sa culotte : elle est rose. Moi, j’aime le rose. Mais comme c’est pas correct de regarder les filles à cet endroit, je détourne mon regard et je tombe sur sa poitrine encore enfermée dans son soutien-gorge qui est rose lui aussi. C’est pas correct non plus de mater les seins des filles alors je détourne encore mon regard et je retombe sur la petite culotte rose. Je sais plus quoi faire. Et pour arranger les choses, elle me dit :

- Ça t’embête pas que je me mette comme ça ? Tu comprends, c’est pour aérer mes dessous, j’ai tellement chaud.

Je pose les bouteilles sur la petite table et je vais pour m’asseoir quand elle ajoute :

- T’as oublié les verres. On va quand même pas boire à la bouteille, on est des gens civilisés, nous.

Il a fallu que je retourne chercher les verres et, pendant ce temps, elle s’est allongée sur le canapé, et elle continue à aérer ses dessous en remuant les pans de sa jupe. Moi, quand je vois ça, la jupe qui cache la culotte puis qui se relève et qui montre tout, puis qui cache encore puis qui se relève, ça m’excite comme c’est pas possible. Et elle qui me dit :

- Ah, mais qu’est-ce que j’ai chaud ! Touche-moi, tu verras que je brûle.

Elle m’a pas dit où elle voulait que je la touche, alors je sais pas par où commencer. Je touche son bras.

- Mais non, pas là, idiot. Touche mon ventre. Ça brûle, hein ?

Je touche son ventre et c’est vrai qu’il est brûlant, mais je sais pas si c’est elle qui brûle ou moi. Pour vérifier qu’elle est chaude partout, je mets ma main sur sa poitrine. Là aussi, c’est chaud. Comme j’aime pas faire les choses à moitié, je place mon autre main sur l’autre sein, et là, j’en doute plus, elle est brûlante, et je bande comme ça m’était jamais arrivé. Pour détendre l’atmosphère, je peux pas m’empêcher de lui dire une connerie :

- T’as la peau douce.
- Ah mais, c’est que je l’entretiens mon corps. Du sport, des crèmes, des massages. Touche mes cuisses, elles sont musclées, tu trouves pas ? Ouais, monte un peu plus haut, là... oui là... à l’intérieur des cuisses, tout ça c’est des muscles. Et si tu mets ta main encore un peu plus haut, ouais là, tu verras que ma peau, elle est douce partout. Elle est pas douce, ma peau ?

Tout à coup, je me dis que ce qu’on fait, c’est pas sérieux. C’est quand même la copine de Michel, mon meilleur copain et je peux pas continuer à la peloter, c’est pas dans mes principes, y faut que j’arrête sinon ça va dégénérer, j’en suis sûr. Mais elle, elle a pas l’air de vouloir arrêter. Et moi non plus, j’ai pas vraiment envie d’arrêter. D’ailleurs, de peur que je m’arrête, elle me dit :

- T’as encore chaud ? T’es de plus en plus rouge. Avec ces appartements modernes, on arrive jamais à bien régler le chauffage. Moi, je crois que je vais encore retirer quelque chose. À ton avis, qu’est-ce qu’y faut que je retire pour être à l’aise ?
- Je sais pas.
- Bon, je vais retirer le soutien-gorge. Y me colle à la peau et c’est désagréable. Ça t’embête pas, si je le retire ?
- Heu, non, mais...
- Si tu veux, tu peux enlever ton pantalon. J’ai bien senti qu’y te collait aussi à la peau.

Et d’un geste que j’ai à peine eu le temps de voir, le soutien-gorge est allé rejoindre le corsage. Tout à l’heure, j’étais déjà dans un état second, alors on peut pas s’imaginer dans quel état je suis maintenant en voyant cette poitrine enfin libérée. Je voulais la voir depuis que je connaissais Mado et enfin je la vois à l’état naturel, après des années de patience. Je sens que je vais bientôt craquer, peut-être en même temps que ma braguette. Et pourtant, je me dis que la copine d’un copain...

- Allez, te gêne pas pour moi, retire ton pantalon. Moi, ça me dérange pas, j’aime bien que les gens soient à l’aise chez moi. Tu veux que je t’aide ?
- Heu... c’est pas la peine, je peux y arriver tout seul.

En fait, je tremble tellement que j’en suis incapable. Alors, bonne pâte, elle se dévoue encore une fois. Elle me détache la ceinture en un rien de temps, boutons et fermeture éclair lui ont pas résisté plus d’une seconde, et me voilà sans pantalon et avec un slip qui cache rien de mon état.

- Waouh ! Tu sais que t’es bien monté ? Je veux pas te gêner mais j’en ai rarement vu des comme ça.
- Heu...
- Pour que tu te sentes pas mal à l’aise, je vais retirer ma jupe et ma culotte. Comme ça, on sera à égalité.

Et elle a à peine terminé de dire ça que la jupe et la culotte s’envolent quelque part. Puis, comme elle a plus grand-chose sur le corps, elle trouve ça un peu con, alors elle enlève le reste aussi.

- Voilà, je suis nue comme Eve, le premier jour, avant qu’elle ait pêché. On peut dire que je suis presque vierge...

Pendant qu’elle dit ces conneries, elle me retire mes dernières fringues en terminant par le slip. Et alors mon sexe a joyeusement pointé la tête. Faut dire que, lui aussi, il avait besoin d’air, le pauvre trésor, il en pouvait plus d’être resté enfermé si longtemps.

Bon, à ce moment je suis plutôt emmerdé. Je sais pas quoi faire, parce que Mado, c’est ma copine, et elle est belle, et j’ai toujours eu le béguin pour elle, et finalement je crois bien que je l’ai toujours aimée depuis que je la connais. Mais c’est aussi la copine d’un copain, et non seulement, la copine d’un copain c’est sacré, mais en plus ce copain se trouve dans la pièce à côté, et comme on parle pas vraiment en sourdine, il risque de nous entendre, et de pointer son nez, et de nous voir faire des choses qu’on devrait pas faire, et en plus sur son canapé.

Heureusement, ce soir-là, il devait bien dormir, tout s’est bien passé et je regrette pas. J’ai même la conscience tranquille, j’ai rien fait de mal : c’est Mado qui s’est occupée de tout, j’ai pas pu l’en empêcher, et c’était impec. D’ailleurs, je crois que, si elle veut bien, je reviendrai, si possible un jour où Michel boudera dans sa cuisine. Ce jour-là, elle s’arrangera pour avoir une belle scène de ménage, je lui fais confiance pour ça, elle sait très bien comment faire. Et comme je suis pas du genre à prendre ce qui m’appartient pas, c’est moi qui apporterai les bouteilles.

 


Le 16 juin 2006.

Fabrice Guyot.