Incroyablement vivante, « la rivière sans nom » a pris la liberté de s’éloigner des sentiers balisés des randonnées officielles. Elle n’est pas un guide touristique régional et encore moins un carnet de voyage à ajouter aux nombreuses publications actuelles liées au terroir et à la ruralité. En empruntant des chemins de traverse, elle s’émancipe d’une vision documentaire et d’un itinéraire chronologique qui nous conduit d’un point à un autre. Comment, dès lors, réussir à s’y frayer un chemin ?

 Les photographies d’Olivier Garros et les peintures de Jacques Godin offrent deux visions très personnelles de ce lieu où l’imagination se plaît à vagabonder. D’île en île, de rive en rive, au fil de l’eau et des saisons, la ria devenue « rivière de Pont-l’Abbé » par appropriation toponymique de la cité bigoudène, apparaît tout droit sortie d’un décor de cinéma.

Au-delà d’une gratuité esthétique, privilégiant l’option du noir et blanc, les regards croisés des artistes, dont la seule finalité est de capter le réel, s’inscrivent dans une approche intimiste, et profondément sentimentale qui lui confère une grande poésie.

Source de « rêverie du promeneur solitaire » et des amoureux, la rivière se révèle à nos yeux, mystérieuse et secrète, dans sa dimension intemporelle.

  Jamais jusqu’à ce jour un tel hommage n’avait été rendu à la beauté de ce site exceptionnel, qualifié autrefois par André Gide de Corne d’Or chimérique et comparé aux bords du Nil par Maxime Mauffra.

 « Sans nom » hier, « de Pont-l’Abbé » aujourd’hui, la rivière est le nouveau royaume des oiseaux. Elle coule des jours paisibles rythmés par le flux et le reflux des marées, demeurant éternellement le lieu métaphorique de la vie et du temps qui passe.

 

 

Patricia Oranin