Place et rôle de la Géométrie de la poursuite

Extraits du livre de Grigori TOMSKI, Géométrie élémentaire de la poursuite, Editions du JIPTO, 2005 

 

 

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Extension de la géométrie classique

Dans notre adaptation de la terminologie et de la notation de la géométrie d’Euclide à l’usage actuel, nous avons remplacé le mot «droite» dans presque toutes les propositions reproduites par «segment» car les Grecs ne considéraient des droites «illimitées» que de façon «potentielle», sous le nom de «droite», ils n’entendaient jamais que des segments.
Rappelons que les trois principaux postulats de la géométrie d’Euclide décrivant l’utilisation d’une règle et du compas idéaux:
1. De tout point à tout autre point, on peut tracer un segment de droite avec ces points comme extrémités.
2. Tout segment de droite peut être prolongé indéfiniment et continûment.
3. Etant donné un point, on peut décrire un cercle de rayon quelconque avec comme centre ce point.
Pour Euclide les segments et les cercles constituent ainsi des objets de base, il introduit ensuite et étudie des figures rectilignes contenues par des lignes brisées, composées des segments : triangles, quadrilatères et multilatères ; ainsi que des cercles tangents et qui se coupent.
Dans la géométrie de la poursuite, nous étudions les trajectoires des «poursuivants» et des «fugitifs» qui sont des lignes brisées ou des enchaînement de plusieurs cercles tangents. Nous définissons en termes géométriques les stratégies ce qui constituent la particularité de la géométrie de la poursuite. Par exemple, les différentes stratégies du «poursuivant» P décrivent les règles de construction (avec une règle et un compas idéaux) de la trajectoire de P en fonction du déroulement de la construction de la trajectoire du «fugitif» (ou des «fugitifs» et, éventuellement, des autres «poursuivants», s’ils existent). Ainsi dans la géométrie élémentaire de la poursuite, nous considérons les trajectoires qui sont, en fait, des objets de géométrie classiques : les lignes brisées, les enchaînements des cercles tangents, etc. Mais nous ajoutons aux transformations et relations de la géométrie classique (rotation, similitude, etc.) l’infinité des transformations et des relations, générées par les différentes stratégies. Ces stratégies sont les algorithmes définis en termes géométriques.
On évalue ensuite les résultats garantis par les stratégies étudiées d’après les différents critères. Par exemple, dans les jeux de capture rapide, on compare les longueurs des trajectoires du «poursuivant» jusqu’au moment de la capture. Dans les jeux avec la «ligne de la vie», on vérifie si toutes les trajectoires du «fugitif» , correspondantes à sa stratégie étudiée, atteignent cette ligne. Cela constitue un gisement abondant de nouveaux sujets de recherches géométriques.
Nous avons montré dans ce livre que ces recherches peuvent être effectuées même sans aucune connaissance des autres domaines des mathématiques sauf la géométrie élémentaire classique.

Eléments utilisés

En effet, nos nouveaux résultats exposés dans ce livre ne sont basés que sur la planimétrie classique. Nous avons utilisé l’inégalité triangulaire (propositions 20 du livre I d’Euclide), le théorème de Pythagore (propositions 47 du livre I) et deux propositions équivalentes à la Loi de cosinus (12 et 13 du livre II), le théorème de Thalès (proposition 2 du livre VI), plusieurs propositions du livre III sur les propriétés des cercles, la proposition 1 du livre X qui est la première proposition relative à la notion de limite, etc. Ces résultats (environ 50 propositions), si bien vérifiés pendant des siècles, constituent donc le fondement solide de la géométrie élémentaire de la poursuite car :
« Si un théorème est largement connu et utilisé, sa démonstration, fréquemment étudiée, si des démonstrations alternatives ont été inventées, s’il a des applications et des généralisations connus dans les domaines voisins, alors il est considéré comme un «fond rocheux». En ce sens l’arithmétique et la géométrie euclidienne sont des fonds rocheux.» (Ph. J. Davis et R. Hersh, L’Univers mathématiques, Bordas, 1985, p. 344). La géométrie euclidienne peut être exposée, par exemple, sur la base du système d’axiomes d’Hilbert mais ce système, débarrassé des repères intuitifs, est trop formel et difficile pour les débutants. Ainsi on n’essaye pas de mémoriser toutes les démonstrations, mais leur étude est très utile pour l’initiation au raisonnement mathématique.
Notons que l’inégalité triangulaire et le théorème de Thalès sont devenus progressivement des propositions si familières qu’ils sont parfois utilisés comme des axiomes. Ainsi l’inégalité triangulaire sert à définir la notion de distance dans les espaces métriques abstraits.
Les «Eléments» d’Euclide continuent ainsi de jouer leur rôle, souligné par Maurice Cavering :
« C’est dans les Eléments que les théorèmes qui s’apparentent le plus aux principes, qui sont les plus simples et qui ont le plus d’affinité avec les premières hypothèses, sont rassemblés dans l’ordre convenable ; les démonstrations des autres propositions s’en servent comme de théorèmes bien connus et prennent appui sur eux : Archimède dans ses écrits Sur la Sphère et Cylindre, Apollonios et tous les autres se servent manifestement des résultats démontrés dans cet ouvrage, comme de principes reconnus ...
Il résulte donc de l’ensemble de ces considérations que l’ouvrage d’Euclide justifie son titre, non seulement par l’ordre auquel sont soumis les propositions qui y figurent, lequel se veut synthétique,
mais aussi parce que l’ensemble de ces propositions est conçu comme le réservoir de connaissances fondamentales dans lequel il faut puiser pour établir d’autres résultas ... » ( Euclide, Les Eléments, vol. 1, introd. générale par M. Caveing, trad. et commentaire par B. Vitrac, PUF, 1990, p.86-87).
Effectivement chaque mathématicien constitue son réservoir de connaissances fondamentales qu’il utilise pour ses recherches. L’accumulation accélérée de ces connaissances se passe actuellement pendant les années de la formation mathématique supérieure et des études doctorales.
Pourtant ce livre montre bien qu’il suffit de connaître les éléments de la géométrie élémentaire classique pour commencer au collège ou au lycée de vraies recherches mathématiques ce qui doit être intéressant pour les enfants doués en mathématiques, leurs parents et enseignants. C’est pourquoi, pour ces enfants et pour tous les amateurs des mathématiques, nous avons formulé les problèmes de la théorie des JIPTO mathématiques :
Problème du «poursuivant». Trouver une stratégie du «poursuivant» qui lui garantit un résultat convenable.
Problème des «fugitifs». Trouver une stratégie des «fugitifs» qui leur garantit un résultat convenable.
Notons que, dans notre classement officiel, nous avons décrit 2480 versions principales du JIPTO.
Les enfants doués sont capables de comprendre les éléments de la géométrie classique très tôt. Citons « La vie de Monsieur Pascal écrite par Madame Périer, sa soeur » qui rencontre la découverte par Blaise Pascal (1623-1662), à onze ans, de la géométrie d’Euclide ...