Modélisation mathématique

Extraits du livre de Grigori TOMSKI, Géométrie élémentaire de la poursuite, Editions du JIPTO, 2005 

 

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 © Editions du JIPTO

On classe d’habitude les mathématiques en «mathématiques élémentaires» scolaires et en mathématiques supérieures universitaires, ensuite viennent les différents domaines des «mathématiques des chercheurs».
Je propose d’appeler « les mathématiques euclidiennes » une partie des mathématiques qui n’est basée que sur la géométrie d’Euclide légèrement retouchée. Nous sommes maintenant convaincus que ces mathématiques ont de grandes perspectives de développement par les mathématiciens professionnels mais aussi par les amateurs de mathématiques, les enfants doués et les enseignants.
Le pas historique décisif dans le développement des mathématiques et de l’enrichissement considérable du langage mathématique fut l’émergence du concept de fonction. Les fonctions et les relations sont utilisées dans les mathématiques euclidiennes mais de façon implicite.
Je me représente les mathématiques comme un langage symbolique dont les notions et les règles sont claires et strictes. En utilisant cette métaphore, on peut dire que la géométrie a été la première grande épopée écrite dans cette langue par Euclide. Nous assistons à la création sur la base de la langue mathématique de langues hybrides, moins strictes, qui sont utilisées pour élaborer des dossiers les plus convaincants possibles dans presque tous les domaines de l’activité humaine. Ce processus est accéléré par le développement de l’informatique. Les philosophes constatent «un phénomène historique majeur» qu’on «entre dans l’ère de la modélisation» qui «modifie profondément la nature même des pratiques sociales dans les champs les plus divers» (Nicolas Bouleau).
L’éducation mathématique doit initier au concept de fonction et à l’utilisation des notions de la fonction, de la correspondance et des autres relations mathématiques dans la modélisation mathématique sur les exemples à la portée des élèves. J’envisage de revenir à cette discussion après avoir écrit le livre « Fonctions et modélisation des jeux dynamiques ». Dans ce livre je décrirai des modèles mathématiques des JIPTO et autres jeux de poursuite, d’abord, avec l’utilisation des relations algébriques simples et des fonctions trigonométriques, puis, en cas général des jeux dynamiques, avec des fonctions à plusieurs variables. Je donnerai ensuite les définitions des différentes stratégies et des classes des stratégies. L’ensemble de ces descriptions constituera un récit sur le JIPTO et autres jeux dynamiques en termes mathématiques. L’exercice de la «traduction en mathématiques» des règles des versions du JIPTO est à la portée de tous et donne un moyen efficace de l’acquisition d’une base solide de la culture mathématique. Cette approche permet d’étudier «en action» les notions des mathématiques de base (équations, fonctions, notions trigonométriques, notions de limite et de continuité, etc.), en les introduisant au fur et au mesure de leur nécessité et en étudiant leurs propriétés réellement utilisées.
On peut appeler les « modèles analytiques » les modèles mathématiques qui ne sont décrits qu’avec l’utilisation des fonctions (y compris de plusieurs variables) et des autres notions mathématiques de base.

Notons que la modélisation des stratégies marque le début de l’initiation au langage de la théorie mathématique des jeux. La notion des stratégies optimales est claire dans le cas où les intérêts des joueurs sont opposés comme dans le cas des JIPTO de base. On peut montrer facilement que la valeur optimale d’un jeu est la même pour tous les couples de stratégies optimales. Cette clarté disparaît pour les jeux, où les intérêts des joueurs ne sont pas opposés. Il n’existe plus une notion d’optimalité qui soit universellement acceptable. Le langage de la théorie mathématique des jeux contient des notions comme «compromis», «négociation», «promesse», «menace», «punition», «stabilité». Cet enrichissement du vocabulaire mathématique est destiné à faciliter la modélisation des situations réelles de conflit et de compromis. Ces notions sont souvent formulées dans des termes simples.
Le domaine des « mathématiques supérieures » commence par les études des calculs différentiel et intégral, ainsi que des équations différentielles. Sans
notion de l’intégrale il est impossible d’avoir une idée claire des notions couramment utilisées de l’aire d’une surface et du volume des corps avec des formes compliquées. Pourtant cette notion n’a été éclaircie suffisamment qu’au XIXème siècle. Ce fait montre la jeunesse de la langue mathématique qui n’a constitué que récemment un vocabulaire suffisamment riche pour être utilisée maintenant avec une efficacité croissante. C’est pour mieux aider les débutants à comprendre cette partie des mathématiques et pour une initiation plus approfondie à la modélisation mathématique que j’écrirai le livre « Introduction aux mathématiques supérieures et aux jeux différentiels » avec l’explication et l’étude des propriétés nécessaires des notions mathématiques utilisées. La théorie des jeux différentiels étudie les modèles mathématiques de processus réels de la poursuite, souvent d’origines militaires (poursuite d’un avion par un autre, manoeuvres d’esquive d’un avion contre une fusée, etc) et parfois des modèles économiques.
Afin de donner l’exemple d’un domaine des mathématiques des chercheurs, j’envisage d’écrire le livre « Théorie des ensembles et jeux dans les systèmes généraux » où j’exposerai la théorie axiomatique des jeux dynamiques basée sur la théorie des ensembles. Afin d’avoir un exposé vraiment axiomatique, indépendant et le plus accessible possible, j’exposerai dans ce livre les parties utilisées de la théorie des ensembles, de la logique mathématique, de la topologie, etc.
On voit ainsi que l’étude de la géométrie élémentaire de la poursuite aide à mieux comprendre des concepts mathématiques de base, à initier à la modélisation mathématique, facilite l’accès à l’étude de la théorie de l’optimisation et de la théorie des jeux. Un des buts de l’enseignement de la notion de la modélisation mathématique est sa démystification et l’élaboration d'une pensée critique nécessaire. Le faible niveau de la culture mathématique de la grande majorité de la population peut avoir aujourd’hui des conséquences graves. Citons Nicolas Bouleau, auteur du livre «Philosophies des mathématiques et de la modélisation» (Editions de l’Harmattan, 1999) :
« Vis à vis des tromperies revêtues des discours traditionnels, religieux, politiques, commerciaux, le propre de la modélisation est de nous mettre en présence de dossiers épais qui enfoncent leurs racines profondément dans les sciences. Cela peut constituer des armes redoutables pour entraîner la conviction, d’autant plus que l’opinion est particulièrement naïve et ingénue en ce registre ...
Nous nous trouvons sans doute dans une période de transition, démunis devant les modèles simulacres de grande science, sans outils de pensée équivalents à ceux que Platon en son temps construisit. La position du scientifique qui s’astreint à épurer la formulation d’un problème dans un effort vers une rationalité objective est souvent confondue avec celle de l’expert qui, engagé dans une situation sociale où il joue le rôle de maître d’œuvre pour un maître d’ouvrage, utilise la modélisation comme moyen d’expression d’un projet, en visant, éventuellement, la naissance de sentiments et de convictions par intérêt ...
C’est une question de culture et d’éducation. Le métier de modélisation, quoique passionnant, n’est pas enseigné en tant que tel ... On n’imaginerait pas que l’enseignement des lettres soit limité à l’étude du style et de la pensée des grands auteurs, les devoirs de composition française et les dissertations consistant exclusivement à faire des pastiches de Victor Hugo, de Madame de Sévigné ou d’Homère. Or c’est ce qui se passe dans l’enseignement scientifique. La modélisation est pour les sciences l’équivalent de la dissertation, il n’y a pas de corrigé unique. On continue à former des spécialistes empreints de certitudes, alors que l’enjeu est de savoir dialoguer. » («La modélisation comme langage et la question de la connaissance utile», http://www.enpc.fr/HomePages/bouleau/papiers/c38.htm).
Dans la géométrie de la poursuite, il n’y a pas d’obstacle majeur à l’assimilation des objets de modélisation, qu’on rencontre en essayant d’expliquer les modèles mathématiques des processus physiques, économiques, biologiques etc. (qui exigent l’étude préalable des sciences correspondantes).