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Extraits Critiques |
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Fruit de quinze années de travail, Le Désert et le Monde
est un long poème qui a pour motif l'anéantissement des maquis du
Vercors, lors de la seconde guerre mondiale. (...) En privilégiant
l'axe épique qui implique la dramatisation de la parole ordinaire,
la glorification des gestes, une prosodie à la fois ample et syncopée,
l'auteur réussit à tisser un grand poème collectif, ancré dans le drame
historique et la trame séculaire de notre langue. Et à travers lui,
c'est tout un peuple oublié qui sort de l'ombre, une parcelle obscure
d'un passé déjà presque effacé qu'il parvient à sauver - de par la
toujours neuve résistance du chant.
(Présentation de l'éditeur) |
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Extraits |
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.I.
1. Hiver 42. Je chante les larmes et les héros bannis...
Puis le vent, la lumière pure, l'espérance.
Eté 44. Une montagne de cendres.
Tout l'espace libre entre ces bornes étroites.
Repeupler le désert, ranimer les noms perdus.
2. Le paysage de la mélancolie : prés rampants, forêts,
Ciel changeant comme un miroir (l'illusion de la pureté).
Pièra, Théo, embrassant cette patrie oubliée.
Mais que savent-ils, aveuglés d'eux-mêmes ?
Une plainte passe d'arbre en arbre.
3. La détresse des jeunes morts. Tournés vers l'abîme
Au sommet de cette solitude démurée.
Mâchant une langue sombre, une nuée embrasée.
Schaefer, Schwehr, Karl Pflaum !
Leur cœur une poignée d'herbes sèches.
4. Au désert les jours brûlent et défigurent.
Les clandestins sont morts.
N'ont pas d'ailes. Ne trouvent pas le ciel.
Les mots même ne les reconnaissent plus.
La fenêtre ouverte dans le soir où les monts s'évaporent.
.II.
Pourquoi malgré moi revenir sur leurs pas ?
Trente ans gardant au coeur cette pierre noire qu'aujourd'hui seulement
j'entreprends d'extraire
Comme s'ils se dressaient toujours sur les roches humides
Leurs vieux fusils pointés sous l'ombre des Focke Wulf
Secrets, taciturnes, préférant au feu des mots les balles réelles
Ou ivres plutôt dans l'air raréfié, parmi les pluies et les bandes d'oiseaux
Mais rien, le silence seul, la montagne énigmatique comme un poème
chiffonné
Vaine la réalité, et vain le songe ?
.XLIII.
Au-delà des toits l'amas des forêts léger papier
chiffonné où bruisse
sous l'encre délavée une langue naïve
Pièra cédant à cette voix qui la tire loin du siècle
s'il faut fuir n'est-ce pas là-haut
dans ce sombre paradis fermé comme un tombeau
humble pays qui convient à la peine
Théo dans la pénitence du désert
comme derrière le tranchant d'une épée
où nous pourrons aimer retirés dans l'humide et les pierres
et oublier le chiffre des années
.I.
Minuit d'Août ils passent le Drac
trait de galets et de mares au-delà les rochers tailladés
et l'ingrate forêt
ils vont parmi les lances agitées la nuit un étroit soupirail
où l'orage tourne comme une ourse
ainsi neuf siècles plus tôt fuyant
au milieu des neiges Bruno...
l'hiver noué dans les pins double armure
où la flèche de Dieu même ne trouvait pas jointure
il quittait le siècle un chant serré entre les dents
plaintes et louanges mêlées
o comme a crû depuis le bruit du monde...
ils montent dans l'épaisseur muette déchiffrant une ligne ancienne
où le sens à nouveau va précipiter
et pénétrer le cœur...
.XIII.
Ils se mettent en route gagnent un pré ras sous des épis de pierre
machoire déchirant la chair orageuse
d'Août ils s'embrassent émissaires
de chaque camp dressent une cité de drap
deux jours les pluies flagellent le lapiaz...
ici est la mémoire un jardin chaotique
ici l'origine
vipères insectes cornus
seule compagnie des hommes rudes espèces seules
à s'acclimater... mais tout l'esprit n'est pas perdu
ils rêvent devisant le monde
sous les toiles ruisselantes...
Que les camps se fédèrent à Durieu le nord et les pluies fertiles
à Thivollet les espaces du sud
solitude dans la solitude n'y
gouverner que l'ombre et les marbres informes et à Clément
le politique... les cartes dépliées à terre
ils se taisent agenouillés
épaule contre épaule leurs souffles mêlés
priant quelque dieu laïc qui jamais
n'aima que les larmes et le sang...
alors tombe le vent le chant lointain
d'un merle frappe la montagne ils
écoutent sous le drap haletant...
.V.
Ils quittent tout de maigres effets sur l'épaule
centaines d'hommes dans la nuit brûlante de présages
ils passent le Drac ses eaux liées en deux tresses
traversent Fontaine des états indécis
ils n'attendaient que ce signal
s'avancent vers les hauteurs
Sur tous les versants toutes les voies où la montagne
se plie et se déplie montant dans la nuit d'été
où luit sur les grandes serres froides
une cicatrice pâle - quel dieu ici
découvre son humanité au seuil de ce jardin privé
où furent interdites les femmes
et les armées...
Tout le jour et les suivants Hervieux sur
chaque mont où le vent s'abat dans chaque œil de rocher
dispose ses hommes Serre Brion
les deux Sœurs 77 pli 4 Pas de l'Arc
et de la Selle .xx. milie Francs
endurant l'attente retranchés dans le ciel
comme derrière le front bosselé d'un géant...
.XLI.
La nuit oscille sur son arête deux torrents épuisés charrient la cendre
elle s'endort tremblant sous la rosée
le ciel des parfaits appuyé sur la nuque
beati quelli ke trovarane...
accueillant en songe celle qui descend o
devinée et tue...
Dur repos qu'à peine l'esprit perce...
une montagne perdue grande et ténébreuse
sous une roche creuse une lande Pièra
tournée vers le ciel nu où passent des pierres
errantes beati ka la morte secunda
nol farra male... d'étranges paroles dans la nuit...
elle rêve en aveugle suffoquant
dans l'herbe baignée de terribles menstrues
.XLIV.
Les voix se sont tues changent les monts et les landes
l'humide le serein glorifient le ciel
dans l'à-pic des cités hâtives dressent leurs échelles...
sous la fenêtre la table maculée où reposent dans l'encre
les liasses abandonnées la mémoire bientôt
n'aura plus de mesure... de rares ombres
descendent parfois se cachant le visage est-ce pudeur
ou l'éblouissement du jour tombant ils frappent à la vitre
épelant un nom qui se perd dans le soir...
Est-ce vous frères lointains voix mêlées de larmes
que cherchez-vous venez-vous étonnés
que reverdissent les forêts que sous l'ombre errante
les rochers ne tremblent... mais rien n'a changé
rien chacun reste sur sa terre vous dans
le froid nous dans les paysages de lumière
ne pleurez pas avez-vous donc
laissé toute espérance ne pleurez pas le monde peut-être
se prépare dans la nuit par une éclatante jeunesse
à vous consoler du désordre et du sang...
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