J’étais au pied de la montagne. Et il y avait le vent (le vent, il passe sur ma face avec la lumière qui passe sur ma face et le vent souffle sur ma face: or c’est comme dans ma chambre, au réveil: le vent passe sur ma face comme, au réveil, je m’accoude au bord de la nuit de ma chambre, et je sens le souffle de l’appel que Mariam m’adresse, entre les glycines) – et le printemps encore, il était avec moi. Et les arbres également, ils étaient avec moi, leur amitié sous le nom et l’ombre d’arbres: des ailes, en eux, comme mon cœur autour de moi, battantes d’un bruit de battement.
J’étais au bord de la montagne, les pieds dans le ruisseau: le ruisseau, il fait son bruit d’eau, il coule sous son nom d’eau, il remplit son office de murmures et de fraîcheur d’un bord à l’autre de son nom.
Sur la pente de la montagne, au buisson d’une famille d’épineux où je l’avais jetée, ma tunique bouffait: comme une bouche d’enfant qui va rire, et pleurer peut-être, et peut-être demeurer en l’un ni l’autre mais dans l’hésitation entre eux, elle bouffait et battait. Elle demeurait dans le battement – entre sa fonction de bouche à vent et sa fonction de mot blanc hésitant, robe blanche sous le soleil blanc.
Je cherchais de la terre, Mariam, je cherchais la chair de ton nom quand ton nom sera celui d’épouse sous le nom de Mariam. Je cherchais de la terre, mon amour: de cette chose ductile, et souple, et rétive et ténue avec quoi emplir mon nom, sous le peut-être de nos noces où ton père se tenait. Car tout est affaire de noms, Mariam, et, dans le nom, tout est affairé et affairement. Car je te le dis, mon amour: la cruche que je forme, elle est le nom de ta soif avant que tu ne l’étanches, et la jarre que je tourne, elle est le nom de l’hiver avant qu’il ne survienne, quand l’agneau que tu sales y trouve sa place et l’agneau que tu mordras te donnera sa force sous le vent qui te mordra. Et encore, mon amour: la terre, elle est, sous tes pas et sous ton existence qui ne la reconnaît pas, la terre elle est cette chose nécessaire comme le silence, sur quoi les noms peuvent exister et dire leur nom, et se prendre pour leur nom et être cueillis dans leur nom pour être goûtés dans leur existence.
Et moi, moi qui ne suis que le potier qui se vousse sous le mépris de ton père, je suis celui qui se courbe et vis dans la courbure de sa fonction et de son matériau, celui qui tire du silence sa forme de silence pour que l’emplisse la réalité de la voix. Car cette cruche que ton père exigeait de moi, Mariam, ce vase parfait, cette creuse forme sans égale, ce récipient absolu, ce vide si intensément attaché à sa viduité et si violemment agglutiné à sa vacuité, si occupé de sa fonction de contenant, ne vois-tu pas, ma femme, combien il ne pouvait en être autrement: autre chose, de moi, que ce creux et ce recueillement, qui pourrait l’exiger, quand, en même temps, qui, l’exigeant, comprend ce qu’il exige? Combien, pour que la réalité de ta réalité devienne la réalité de nos noces, il fallait que je fisse sans recours et sans secours offrande de cela seul qui permet l’irruption du nom, du contenant de ce don qu’il allait me faire de toi – et quel nom est plus terrible et plus exigeant que le oui?
Mais je soulevais les pierres du ruisseau, je me courbais, je ramassais et rejetais – et je rêvais. Ô Mariam, je bouleversais les pierres et l’eau se troublait sous mon effort (mais ne te troubles-tu pas toi, aussi, quand je suis avec toi dans mon effort d’homme troublé, sous lui, de ton effort de femme?) – et je rêvais.
Il y avait des pentes autour de moi, et des femmes sur les pentes, avec celles d’entre elles qui ont enfant et bouche d’enfant sur le sein gonflé, et autour desquelles le monde se resserre ainsi qu’un anneau et une bouche, et celles à leur côté, autour duquel le monde bavarde par la bouche de leur bavardage. Il y avait des hommes, encombrés du poids de leur poids (car les femmes, Mariam, elles sont vases comme dit le Livre: elles sont jarres où se recueille ce qui est recueilli et ce qui cuit avec ce qui va cuire et mûrir, mais de ce vide qu’elles sont, elles sont pleines et dans la justification plénière – quand, les hommes, ils pèsent, et leur poids les trouble où ils n’habitent pas et, les hommes: ils sont vides de leur présence), et du poids de leur vie vide encombrés, avec encore: le poids de leurs questions pesantes et encombrantes, – ou c’est la sueur de leur barbe qui les encombre, ou même et simplement une mouche, ou un nuage, ou un début de question mêlée d’un ressouvenir de sieste au goût d’oignon cru. Il y avait des gens installés dans leur âge comme un marchand devant son étal, et d’autres glorieux de leur âge comme des soleils de pissenlit. Il y avait des enfants et de plus jeunes enfants encore. Il y avait une foule, avec une foule dédoublée, à ses pieds, d’ombres pleines d’herbes, et de cailloux, et de passages venteux (et peut-être, dans le ciel clair, y avait-il une foule d’anges en foule?) – et moi qui suis potier, je voyais, au coin de mon œil qui ne voyait rien, le passage du vent au vide, et du vide au plein de vent et de la bouche emplie de mots à la bouche emplie de sable apporté par le vent.

Trois brèves légendes: deuxième brève légende - 4