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- L’argile contre ma poitrine, ma douce, c’est ton cœur battant
contre mon cœur qui bat avec le corps qui l’enveloppe contre mon
corps qui t’enveloppe. Et le monde ô Mariam, la belle gangue
rétive où je cherche la terre, avec le ruisseau courant où la terre
se cache, et l’eau qui court dans le mot ruisseau, avec les pierres
qui l’habitent et les algues qui y croissent, avec les reflets
encore du soleil qui y filent, le monde, il est la matière dont je
façonnerai l’amour de ton amour. Il y a le plein du monde, Mariam,
il y a son abondance muette et sa résonance: or j’y creuse une
nécessité autre, j’y instaure un autre ordre et sous ma main il
répond par la réponse, non par l’abondance. Il adhère à ma main
par la terre gluante, non par le surplus. Et encore, c’est ainsi qu’au
moment où tu passes dans la cour: tu passes dans la cour, et ton œil
ne me voit pas ou il feint de ne pas me voir, mais ton corps me voit.
Alors nos corps s’ajustent à travers l’espace, ils s’adjoignent
et s’ajoutent l’un à l’autre, ils se justifient l’un de l’autre
et c’est comme si dans la cour vide croissait un grand arbre furtif,
qui fait grand bruit de rires et de riens, et de râles qu’interroge
un oiseau courroucé. Ô Mariam, sache: le plein n’offre rien que tu
ne puisses obtenir d’autre façon, mais ce que tu gagnes par le vide
et l’accueil du vide, par sa propension à se vider même de son
propre trop-plein de vide, rien d’autre ne te l’accordera.
Peut-être il est sage, le vieil Osias fils d’Osias. Peut-être il
sait, dans son désir effréné du plein des jarres, qu’il n’est
plus abondante jarre que celle qui sut d’abord être vide, et posée
dans son vide et de son vide si satisfaite qu’elle en chantait et en
débordait.
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