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- Au soir tombé, dans les fraîcheurs et les souffles et les
libellules, nous nous sommes mis en route vers le village, nous avons
pris le chemin d’herbes et de libellules. Derrière nous, rampant,
suant, geignant, les lynx avançaient, et avançaient les ours, et les
loups encore et encore : la peur, et les peurs, et les
songes. Derrière nous, les loups, avec les ours, et les ronces avec
les serpents, et les dragons avec les dragons, sont entrés dans la
maison – et la maison a dégrafé pour eux son corsage de moellons,
elle leur a offert son sein de source.
- Nous sommes entrés dans la nuit : elle nous offrit son
sein de lune. Ma Reine a bu le lait de lune et, sous ses pieds nus,
les herbes froissées mouraient en nous bénissant d’odeurs et
encore, sous ses pieds nus, des gravillons couraient, tels que des
insectes dérangés, tels que des enfants dans une cour d’école.
Nous sommes entrés dans la nuit : j’ai effleuré son sein
de lune, j’ai sucé sur mes doigts une goutte de lait de lune.
- Nous avons entendu les loups orphelins appeler la lune. Nous avons
entendu les ronces supplier les sources, et les rocs meurtrir les
sources, et les soifs – chacune et toutes – dans le concert des
faims, au pied du ciel immobile, du ciel clos, du ciel sans souvenir
et sans responsabilité pour autre chose que son étendue dénuée de
mystère et de présence.
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