Bien et Juste, deux faux amis.
Une éthique économique positive observe les mœurs économiques ; elle peut observer une éthique comme processus personnel d’internalisation d’une morale sociale ; cad faite de normes pour une société donnée. Ces normes peuent être vertueuses, mais aussi . monstrueuses.L’éthique du Bien peut très bien être celle du Mal.
L’éthique économique positive est partagée entre le primat du Bien et celui du Juste. L’éthique économique théorique apparaît quelquefois comme la troisième voie ; elle essaie de concilier ces deux courants pour ses propres besoins.
1-L’éthique peut accorder la primauté du Bien sur le Juste, conformément à la tradition socratique. L’homme est eudémoniste, choisit librement sinon calcule son bonheur et les moyens d’y accéder. La notion de droit est fondamentale : tout homme a des droits dont les obligations sont déduites. Le Juste est un moyen d’accéder au Bien, à condition qu’il n’en résulte pas des contraintes préalables.
Ainsi l’obligation peut être un mal (Bentham)….l’utilitarisme est bien une forme d’eudémonisme, l’homme est au centre du monde. Le Bien est la vie bonne, il n’est pas alternatif au Mal ; il répond au désir (cf. l’éthique de la joie), dimension réduite en économie au besoin.
En économie, on peut donc écrire une fonction d’utilité sans argument moral, par ex. reliant directement les hommes aux " alternatives "….la finalité de la réussite " dans l’au-delà n’étant qu’une conséquence ".
Il existe des morales fondées sur l’autocontrainte, tel le bouddhisme : chacun peut en faire son éthique personnelle. La justice n’est pas une obligation, mais un libre calcul, à l’image du leximin de Rawls : je redistribue librement dans la mesure où j’ai intérêt à un équilibre maximin/ minimax. Selon Roemer, je donne en fonction de la responsabilité présumée de chacun sur sa propre situation, d’un " type " croisant handicap et mérite. L’analyse des préférences libres est première. Le transfert d’argent ou de biens procède plus d’une assurance volontaire que d’une contrainte morale imposée au " Juste ".
2- Le primat du Juste prête à des faux sens. Il ne s’agit pas de la justice, mais du " Juste " au sens du respect inconditionnel de la " loi ". Le juste satisfait aux obligations, il cherche d’abord à les interpréter dans le cadre de textes préalables, éventuellement issus de " révélations " prophétiques. Néanmoins, le juste est un " homme capable " (Ricoeur), capable de s’autodésigner comme responsable de ses actions
La rationalité s’exprime moins dans le choix que dans l’interprétation de la loi dans le cadre des sciences correspondantes. Ainsi l’économie talmudique, l’économie islamique, le catholicisme relèvent de l’interprétation " rationnelle " des textes saints ( Torah, Coran, Bible etc…) et de leurs traditions (Talmud, Sunna, tradition canonique).
On cite souvent Rousseau et Kant ; dans ce cas, la capacité à s’autocontraindre, à édicter en loi universelle sa propre obligation est un principe premier : la loi est première, sous la forme d’un impératif catégorique. Il existe une primauté de l’universel sur les particularités eudémonistes.
Dans ce cas, une fonction d’utilité intègre une contrainte religieuse, politique, ou morale (ou autre), " exorbitante " ; elle ne peut être levée, seulement aménagée.
Les contraintes éthiques viennent de grandes religions ou de morales, la philosophie comme réflexion créatrice de la loi peut être interdite ou déclarée inutile.
Ainsi, les " tables de la loi ", proviennent soit de cadres religieux, soit de créations philosophiques. Ils commencent par plonger l’homme dans un cadre d’obligations dont on dérive des droits. La déontologie, la déontique comme sciences des normes et des énoncés normatifs jouent un rôle central.
3) Les deux points de vue se rejoignent et peuvent être hiérarchisés selon plusieurs modes.
Le Bien nécessite le Juste : l’utilitarisme implique chez Bentham, l’obligation et la punition ( cf le Panoptikon). Le Juste est nécessaire et préalable au Bien dans les principes de Kant, universalité avant relativité, impératifs catégoriques avant ceux qui sont hypothétiques, etc.
La hiérarchisation de John Rawls utilise le principe lexicographique, d’abord, la réalisation complète du principe de liberté et des droits, ensuite vient, sans remise en cause de la liberté, la justice comme équité, puis l’efficacité.
La recherche utilitariste du bonheur, par exemple, sous la forme de l’étude des conséquences des actes rejoint la première optique. L’individu apprécie sous le critère d‘utilité, un acte, une règle, des conséquences, un mode d’existence ; une moyenne des utilités peut être invoquée. L’utilitarisme apporte plus de rationalité que le simple constat antique de la " réussite existentielle " ; il est dans le primat du Bien, même s’il peut devenir monstrueux, impersonnel ou encore induire des choix insupportables des conséquences attendues.
Le processus doit être précisé ; dans une conception révélée, il est condamnable d’apprécier la Loi de façon utilitaire, encore moins de faire des essais comparatifs ( les lectures d’autres Lois sont prohibées, le mélange (cf le mariage mixte) interdit, le reniement puni de mort.
L’économie doit associer une réflexion sur la liberté utilitaire des choix, à des considérations pragmatiques ; pas uniquement celles du droit (par ex ; droit à la vie) dans un onto- centrisme, ou des justices situées ou communautaires. Mais aussi des obligations de certaines religions de masse ( un milliard de musulmans, de chrétiens…)
L’économie a choisi l’anthropocentrisme, l’étude du primat de la liberté et des droits. Abusant du Droit, elle perd ainsi en universalité, rentrant en conflit avec le monde des obligations et de la Loi divine.
Elle peut tout autant que la philosophie être interdite en prétendant créer la Loi, après avoir interdit l’idée d’une économie soumise à la Loi.
L’éthique économique connaît un relativisme moral dans le choix entre Bien et Juste, le Bien n’étant pas l’alternative du Mal mais un vie bonne ; le Juste désignant l’obéissance à la Loi et non directement la Justice et l’Equité.
Le cadre de l'économie positive
"L'économie positive est, par principe, indépendante de toute position éthique ou de tout jugement normatif. Comme Keynes l'a dit, elle concerne " ce qui est ", et non " ce qui doit être ". Sa tâche est de fournir un système de généralisations utilisable pour prévoir de manière adéquate et pertinente les conséquences de tout changement de circonstances. Ses performances peuvent être jugées sur la base de la précision, de l'acuité et de la conformité à l'expérience des prévisions qu'elle permet. En somme, l'économie positive est, ou peut être, une science " objective " du même ordre que la science physique. Le fait que l'économie traite des interrelations humaines, et que le chercheur y fasse plus nettement partie de la matière étudiée que dans les sciences physiques, tout en procurant à ce dernier des données dont le physicien ne peut disposer, rend bien sûr plus difficile pour lui l'atteinte de l'objectivité. Mais ces caractéristiques ne créent pas, à mes yeux, de différence fondamentale entre les deux groupes de sciences. "