CONCLUSION.

 

VERS UNE ETHIQUE ECONOMIQUE ?

 

 

Une " économie publique ", faite d’interaction sociale, construit une société morale de personnes avec un certain nombre de règles.

La première a trait à l’optimum : chaque personne est capable de préférer une situation d’équilibre à tout autre ; un tel calcul est respectable en soi, sauf à appliquer une règle de planification. L’optimum est fatalement violé dans l’interaction sociale par de multiples externalités, positives et négatives, qu’il est possible de corriger par des compensations afin de rétablir un bien-être.

Ces compensations peuvent s’effectuer soit par la contrainte (notamment la taxation), et dès lors justifient l’Etat, soit par un marchandage volontaire. L’économie publique offrira des services publics décrétés dans le premier cas, des biens publics révélés dans le second. A l’évidence les services publics sont sub-optimaux, mais est-on sur de pouvoir révéler les préférences sur des biens publics ?

Dans ce conflit entre théorie de la contrainte et théorie de l’échange volontaires, il existe des synthèses intéressantes, telle la synthèse de Musgrave (1959), mais surtout la synthèse communautaire. Cette dernière est actuellement popularisée par les mouvements communitariens en Amérique du Nord. Elle est cependant relativisable par la théorie des clubs ; le club liant un nombre d’adhérents avec des normes selon des configurations plus ou moins efficaces et bienveillantes.

Si l’économie publique est faite de règles, celles ci sont-elles compatibles entre elles ? Arrow établit en 1953 que le choix social rend incompatibles, sous certaines conditions, la logique et la morale. Sen montre au début des années 1970 que la décision sociale n’échappe pas à une telle incompatibilité.

Ces paradoxes sont établis par rapport à des normes de vote, mais un tel cadre est insatisfaisant parce qu’il ne pose pas directement les problèmes du marché. Le cadre positif du marché sera rétabli par l’école du " public choice " afin de comprendre les choix sociaux. Le concept de marché permet d’analyser le vote, la compensation entre décideurs (" le logrolling "), compensation d’autant plus tentante que la distribution des voix peut être unimodale en sommet. Le marché est une référence , mais le plus souvent l’ économie publique se caractérise par des situations de monopole et de rente. Ainsi elle peut traiter des cas de corruption, de bureaucratie, de recherche, de privilèges.

Les règles de l’économie publique sont incomplètes si elle s’en tiennent aux cadres du marché et du vote. Des règles de justice doivent être introduites. Mais comment rendre compatibles liberté, justice et efficacité ?

Rawls donne une solution complexe en utilisant les règles de priorité à partir d’une société originelle. Ces règles sont utilisées encore pour résoudre les problèmes de distribution inégalitaire, notamment dans le cas des plus démunis. Cette théorie de la justice est critiquée par les économistes sur son rejet de l’utilitarisme, par les libertariens sur le problème de l’équité et enfin par les communitariens sur le consensus par recoupement. Il en résulte de profondes modifications de la théorie rawlsienne : le sujet de l’économie publique devient une personne, responsable, rationnelle et raisonnable.

L’universalité de la personne a une très grande importance sur le plan éthique et donne cours à de nombreuses discussions. Ainsi une telle personne a droit un revenu universel d‘existence, mais elle doit être aidée en fonction de son mérite et de sa responsabilité. Un tel altruisme calculateur a-t-il un sens ? La responsabilité se calcule-t-elle au cas par cas, ou s’impose-t-elle dans le temps et dans l’espace ?