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- Section 2- L'influence des religions sur l'économie. Du Millénarisme à Ibn Khaldûn.
Augustin/Thomas d' Aquin/ Ibn Khaldûn
La querelle sur le lien entre religion et civilisation est permanente, ce qu'illustrent les débats actuels autour de l'ouvrage de Huttington, le "choc des civilisations" avec ses amalgames et ses généralisations. L'utilitarisme tentera de séparer religion et économie ; d’où une économie amorale qui s’oppose à la religion..Une attitude générale de la religion consistera à affirmer le Bien Commun, la dignité de l'homme et la nécessaire moralisation de l'économie. On retrouve jusqu'à Rerum Novarum, une insistance particulière sur la dignité de la personne, dignité qui n'est pas mesurable par l'économie. Un problème récurrent consiste à concilier une religion révélée avec la rationalité, particulièrement chez Ibn Khaldûn.
L' éthique utilitariste est une conception radicale de la personne et de la société économiques dans le contexte du XIX ème siècle à la suite d'un processus de désaliénation entamé au XVI éme et XVII éme siècles. La tolérance religieuse en est une des racines les plus profondes. La réflexion économique peut s'affranchir de la morale et s' appuyer sur le seul calcul des avantages et désavantages pour la richesse de l'individu et de la nation, bref selon son utilité économique. La morale est l'objet d'un calcul individuel, d'une "arithmétique" et cette calcumania influence aujourd'hui la théorie économique, par exemple de la responsabilité. Ce rêve de société sécularisée ne peut éviter le fait que le rôle de la religion est déterminant dans la conception de la société et de la personne , et donc le type d’activités économiques. Les débats entre les interprétations des religions révélées conditionnent notre société et reviennent de façon récurrente sur l’organisation économique. Il existe une querelle sur la formation l’éthique du capitalisme. Certains, à propos de cette origine, ont mis en avant le rôle des protestantismes ( Tawney, Weber), d’autres le rôle de la religion juive ( Marx, Sombart) ou encore le confucianisme ( Morishima). Cette querelle des causes est réglée par Weber lui même en voyant dans cet exercice une utopie ou un " idéal-type ".
Les problèmes suivants sont plus récents : l’interprétation doit-elle être unique ou pluraliste ? On a ainsi un monopole centralisé de l’interprétation ( le Vatican) ou au contraire une concurrence (l’islam, les protestantismes). Il existe ainsi une théorie du marché de la religion avec Offre et Demande ; mais aussi une importance croissante accordée au capital spirituel. Une étude récente de Robert Barro étudie le lien entre foi et croissance ( Pbs ecos, 2882, 2005).
Le problème le plus important est celui de la reconnaissance de la religion comme autocontrainte jouant sur le comportement économique et dès lors sur la société. Quelle société, comment éviter les injustices ?
Trois problèmes sont privilégiés :
- Le communisme millénariste et la réaction d’Augustin. (V° siècle)
La conception de la personne chez Thomas d’Aquin (XIII° siècle)
Révélation et raison chez Ibn Khaldun (XIV° siècle).
-1- Le communisme est-il fatal ? La pensée millénariste fait des ravages dans la chrétienté ;
Répandue parmi les premiers chrétiens, il s’agit d’une croyance au retour du Christ sur la terre, et l’avènement d’un royaume millénaire destiné aux seuls justes .
Apocalypse de saint Jean, XX, 1-2, 4 :" Puis je vis un ange descendre du ciel, tenant à la main la clef de l’Abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon, l’antique Serpent – c’est le Diable, Satan – et l’enchaîna pour mille années. […].
Puis je vis des trônes, sur lesquels ils s’assirent, et on leur remit le jugement ; et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image. Ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années."
Apocalypse de saint Jean, XXI, 1-2,
"Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – le premier ciel en effet, et la première terre ont disparu, et de mer il n’y en a plus ; et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. […] L’un des sept anges aux sept coupes remplis des sept derniers fléaux vint me dire : " Viens, que je te montre l’épouse de l’agneau. "
Joachim de Flore: " celui du Fils, ou de la Grâce, viendra celui de l’Esprit, un temps tel qu’il n’y en a pas eu depuis que les hommes ont existé sur la terre […] Ce sera un temps de bonheur, de joie et de repos. […] Le peuple du troisième état, comparable à Salomon le fils de David, sera rempli de l’Esprit, sage, pacifique, digne d’amour, adonné à la contemplation, et la domination de la terre entière lui sera accordée ".
Concordia veteris et Novi Testamenti, fin du XIIe s.
Le triomphe des pauvres
Mais c’est surtout au niveau populaire que resurgit avec une nouvelle vigueur le thème d’un millénium incarné dans le temps de l’histoire. Les mouvements réformateurs des XIe et XIIe siècles, érémitiques, monastiques et réguliers, en réaffirmant les exigences de l’ascèse et de la pauvreté comme nécessaires pour se préparer à l’attente du Jugement, avaient pu fortifier la conviction d’une sorte d’élection principielle des pauvres, prédestinés à devenir les héritiers d’un royaume où le terrestre ne le céderait plus entièrement au céleste : " Bienheureux les pauvres car le Royaume de Dieu est à eux " (Luc, VI, 20).
Le millénarisme est l'utopie d'une société juste qui influence autant la révolution anglaise (les niveleurs) que les socialistes dits vulgaires. La pensée scolastique(sous l'autorité spirituelle de l'église ) fait face à ces déviations tout en reprenant certains thèmes : par exemple, L' idée d'un bien commun approprié par les puissants, le bien- être des économistes ?
Ce communisme primitif est dénoncé par Augustin au V° siècle, dans La Cité de Dieu. Le règne du Christ est en cours et les justes, seront reconnus dans la Jérusalem céleste. " Quant à ce jour et à cette heure, nul ne les connaît, pas même les anges, pas même le Fils, mais le Père seul " (Mt, XXIV, 36).
Comment concilier révélation et rationalité ? Augustin au 5° siècle privilégiait la révélation et laissa la place à une contestation largement issue de la pensée arabe, en particulier d'Avéroes. Le problème sera résolu par Thomas d’Aquin au 13° siècle et aussi par Ibn Khaldun au 14° siècle : Quelle est la place de l’homme, comment résoudre la question anthropologique ?
L’interrogation d’Augustin est célèbre et reprise par Hannah Arendt : Qui suis-je, que suis-je mon Dieu ? Dans la cité de Dieu, Augustin marque la différence entre la création de l’homme (initium) et la création du monde ( principium). Avant l’homme, il n’y avait personne d’où le rôle de l’action et de la parole et de la question " qui ? ". L’homme se révèle comme sujet au milieu des autres et avec lui commence la nature.
2) Thomas d’Aquin : la dignité de l'homme.
(1225-1274) Noble d’origine italienne, Thomas séjourna à Paris et fut l'élève du philosophe scolastique allemand Albert le Grand, qu'il suivit à Cologne et qui lui fait apprécier le Politique d'Aristote. Saint Thomas fut un auteur extrêmement fécond. Ses deux œuvres les plus importantes sont Summa contra gentiles (1261-1264; Somme contre les gentils, 1956), virulent traité destiné à convaincre les intellectuels musulmans de la vérité du christianisme et Summa theologica (Somme théologique, 1265-1273), en trois parties ("Dieu", "La vie morale de l'homme" et "Le Christ") dont la dernière demeura inachevée. La Summa theologica a connu de nombreuses rééditions.
Le principal mérite de Thomas d'Aquin consiste à faire une synthèse entre la pensée chrétienne et la pensée païenne des grecs, en particulier d'Aristote. Il reprend l'idée du bien commun ; ce bien commun est le but du Prince auquel ses sujets sont soumis. Dans une monarchie tempérée, mélange d'aristocratie et de démocratie, les gouvernants sont faits pour les gouvernés.
L'identité de la personne : " Mais de même que la nature, considérée en soi, est commune, son mode d'existence aussi, car on ne trouve la nature d'un homme qui existe en réalité qu'individualisée par quelque chose de particulier, car il n'y a pas d'homme qui ne soit pas un certain homme, sinon selon l'opinion de Platon qui plaçait des universels séparés. Mais le principe d'un tel mode d'existence qui est un principe d'individuation n'est pas commun ; mais il est différent dans l'un et dans l'autre ; car cet être singulier est individué par cette matière et cet autre par celle-là. De même donc que le nom qui signifie la nature est commun et définissable, — comme homme ou animal — de même le nom qui signifie la nature avec un tel mode d'existence, comme hypostase, ou personne. Mais ce nom qui inclut dans sa signification un principe déterminé d'individuation, n'est ni commun, ni définissable, comme Socrate et Platon. "
La dignité de l'homme lui confère un pouvoir économique sur le créé qui lui est inférieur. Toute activité de l'homme conforme à sa dignité, notamment le travail, est respectable. Etant entendu qu'il existe une hiérarchie du travail (créé inférieur/ supérieur), et des activités : il existe des activités possessives (supérieures) qui produisent des biens et des activités pécuniaires développant des activités artificielles.
La règle directrice aux activités sociales est le Bien Commun auquel les personnes participent dans le respect de la morale religieuse, notamment la justice et la charité. La raison permet de choisir le mode de répartition des biens, notamment la propriété privée au détriment de la communauté des biens. Barèrre, p. 76., car elle est fondée sur des raisons d'ordre social (instinct personne, division des tâches, paix sociale et des raisons d'ordre personnel (intelligence, prévoyance).
La Justice dans la société et dans l'échange est première, conforme à la morale. Le juste prix est déterminé par le Bien Commun de l’acheteur et du vendeur . Il est distingué de la valeur qui correspond à la désidérabilité.
La prohibition du taux d'intérêt est liée à la " stérilité " de l’argent et au fait qu’il n’ y a pas à faire payer le prix du temps. Il n’est admissible qu’en cas de perte subie. La monnaie est objet de méfiance par ce qu'à elle est objet de spéculation.
Le droit naturel, ferait choisir la communauté des biens et le Juste ; mais l’homme est imparfait et la raison indique la nécessité de la propriété privée. Il existe un droit de la propriété dont l’usage doit être réglé par l’Etat pour la paix sociale.
Division des sciences en deux : celles qui relèvent de la raison humaine et la théologie surnaturelle qui allie la révélation à la raison.
En définitive, " la seule époque ayant conçu une problématique pour une science économique humaine à édifier ".(Barrère, p.81)
3). Ibn Khaldûn
Ibn Khaldûn(1332-1406) fut homme d’Etat et historien des conflits et des changements politiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Il a écrit la Muqaddima, une vaste analyse du déclin de la civilisation arabe. Dans cet ouvrage l’ "éthique du Juste " est présentée comme l’obéissance à la loi et l’application des sciences rationnelles à la tradition. Ceci le mène à condamner l’ " éthique du Bien " en tant que calcul de son propre bonheur. Le conflit actuel reflète bien ce dualisme sous de nouvelles formes d’eudémonisme telle que l’utilitarisme. Sa théorie du changement politique et des conflits est toujours d’actualité : le développement économique conduit à la destruction des dynasties au pouvoir ; ce dernier repose sur l’Asabiya, une forme spécifique du capital social. Le pouvoir politique dure trois générations et connaît une évolution faite d’essor, d’apogée et de déclin. Cette théorie des " trois phases " du développement permet de mieux comprendre les conflits que connaît actuellement le monde arabe.
L'éthique de la prédestination est- elle conciliable avec une éthique de la prédétermination ? L'éthique de la prédétermination des musulmans qui concernerait " le destin d'ici bas, au lieu de la prédestination dans l'au-delà ". Ce fatalisme, très idéaltypique, affranchit les guerriers de la crainte. Tout en renforçant le cliché du " Mektoub "!
Ce rapprochement de la religion à la civilisation renvoie à d'autres considérations qui méritent d'être appréhendées. Plus généralement, en parlant de l'apparition des sociétés, par exemple, Ibn Khaldûn évoque l'importance de la religion. L'homme, pour lui, est fait pour vivre en société, ce qui signifie qu'il ne peut se passer d'organisation sociale :
" Dieu a crée l'homme sous une forme qui ne peut subsister sans nourriture. Il lui a donné son désir naturel de nourriture et la possibilité de l'obtenir… En admettant que le grain puisse être consommé cru, un certain nombre d'opérations seraient nécessaires à sa récolte : il faudrait le semer, le moissonner et le fouler pour le décortiquer. Tout cela demanderait des instruments et l'intervention de métiers encore plus nombreux. Un homme seul ne saurait y suffire. Il lui faut donc faire appel à un grand nombre de ses semblables. Les besoins d'une collectivité ne peuvent être satisfaits que par la coopération. Un homme isolé ne saurait résister à un animal, surtout à une bête de proie, ce serait la disparition de l'espace humaine, la vie sociale est donc indispensable à l'humanité "
Si nous faisons allusion à l'éthique comme discipline portant sur ce qui est bien et ce qui est mal ainsi que sur les " obligations et les devoirs moraux ", nous trouverons cette conciliation entre le mal et le bien, voire entre le juste et le non-juste. Située par rapport à la sociologie, l’éthique est à envisager comme connaissance de certaines forces sociales qui se transposent sous forme de règles contraignantes. On peut y inclure la philosophie politique, le droit, les mœurs et les coutumes (N. Nassar, 1967). Ainsi, l’éthique domine la vie sociale dans sa totalité, c’est sa présence qui a joué un grand rôle dans la formation de la sociologie khaldûnienne. Cependant cette conciliation n’est pas tout à fait la même, apportant désormais une autre définition de l'éthique à la khaldûnienne, à savoir la discipline portant sur ce qui est juste et sur ce qui est bien. L’éthique du juste apparaît chez Ibn Khaldûn à travers les extraits du Coran où des discours qui montrent clairement son attachement à la religion, voire à ce qui est juste. Il est clair d’emblée, surtout dans le troisième chapitre des Prolégomènes sur la civilisation sédentaire, qu’Ibn Khaldûn défend l’idée d’une éthique du Juste, de la Loi divine, à savoir l’éthique défendue par la " charia ". Cette éthique fait face au système éthique proposé par les savants (" hukama "), à savoir l’éthique du bien ou de la société. Le problème qui se pose à ce niveau est de savoir comment situer l’éthique de la loi par rapport à l’étude de la société et à l’Etat. Autrement, la question revient à proposer une solution au conflit qui peut émerger suite à la confrontation de deux domaines où la vie sociale et éthique constitue une unité presque interdépendante.
La solution, Ibn Khaldûn la trouve dans l’ " ijtihad " (la résolution). La religion n’est pas que dogme et croyance, c’est aussi un phénomène social et historique. Cette considération, centrale dans la pensée d’Ibn Khaldûn, permet d’échapper aux entraves à la bonne conduite et libère du traditionalisme (Nassar, 1967)). Ibn Khaldûn disait à ce sujet :
"le mal est la plus inhérente des tendances de l’homme, lorsqu’il est laissé à ses habitudes et ne prend pas la religion comme modèle. La plupart de l’humanité est livrée au mal, à l’exception des élus de Dieu. Le mal est représenté, chez l’homme, par l’injustice et l’agressivité ".
Une éthique du Bien est fondée sur la praxis économique comme capacité à concevoir la vie bonne. Cette éthique est une utopie de la désaliénation, allant jusqu’aux anticipations rationnelles et à l’opportunisme en société de nature. Alors qu’une éthique du Juste reconnaît l’obéissance inconditionnelle à la loi. Dans le cadre d’une société de droit, la personne a une fonction d’utilité qui ne peut être strictement opportuniste et doit respecter des règles universelles. Ces règles universelles participent de l’auto-contrainte de la Loi universelle ou de l’interprétation d’une Loi religieuse ; c’est une illusion de croire que cette auto-contrainte n’existe pas dans la pratique. La Loi est un fait social, elle correspond à une praxis et on ne peut lui opposer une utopie hédoniste. La philosophie radicale du 19° siècle s’oppose à une " praxis éthique ", au constat positif que l’action économique, si elle est contrainte, est toujours permissive. Il existe donc un conflit permanent entre l’éthique de la primauté du Bien et celle accordant la priorité au Juste. Ce conflit correspond au schéma d’Ibn Khaldûn avec le passage de la campagne à la ville et le changement d’éthique qu’il implique.
L'Etat faible subit les conséquences d'une fragmentation des éthiques (religieuse, tribale, politique), ce que montre Ibn Khaldûn dans la Muqaddima à propos de la fragmentation de l'éthique face à la Révélation dans le cas de l'Islam. Le pouvoir arabe " farouche " repose, selon Ibn Khaldûn, sur un grand événement religieux.
Le Coran est révélé " sous sa forme récitée, avec ses mots et ses expressions " et non sous la seule forme d’" idées et de mots ordinaires comme dans d’autres religions " ; donc " le rang du prophète Muhammad est supérieur à celui des autres prophètes ". Cette fixation des versets ou encore des couleurs (le blanc et le vert), cette rigidité apparente interdit-elle la rationalité ? La Révélation est transcrite selon différentes langues (au départ la langue Mudarite). Puis, selon des traditions elles-mêmes authentiques ou faibles, au moyen de techniques lexicographiques, rhétoriques, etc. Comprendre les chaînes de transmission est une tâche humaine permettant de faire le lien entre le Coran, la tradition et les principes du droit (" Ejtihed "). Ibn Khaldûn rappelle longuement le rôle des sciences linguistiques, plus ou moins développées, dans la religion. La décadence du Maghreb vient de l’interruption des chaînes d’autorité dans l’enseignement. La compréhension de l’éthique présente du musulman (une éthique pratique de l’obligation) implique une épistémologie des traditions. Les sciences linguistiques, rationnelles, y jouent un rôle central. Mais aussi la dialectique des arguments contraires, elle-même en déclin dans les villes musulmanes. Parmi les sciences religieuses, en référence au Coran, se trouve l’interprétation des rêves, en tant qu’interprétation rationnelle fondée sur la connaissance des règles universelles. Le rêve est en rapport avec la prophétie et la révélation, son analyse dépend d’une connaissance rationnelle, avec éventuellement une projection de l’interprète, les indices étant puisés dans son âme. Les sciences rationnelles qu’Ibn Khaldûn dénombre, telle la logique, ne sont pas contradictoires en elles-mêmes avec la foi. Mais elles sont principalement développées en ville et " leur nocivité pour la religion est très grande ". Surtout si elles affirment que l’homme est capable de percevoir par lui-même le bonheur et de faire la différence entre les actions bonnes et mauvaises. Cette capacité fondée sur la liberté est nocive si elle n’est pas d’abord imprégnée des sciences religieuses. Autrement dit la philosophie rationnelle est compatible avec une foi préalable.
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Le savant et le politique doivent être séparés (Max Weber) et non confondus, tant le savant spécule sur des généralités et le politique calcule sur des objets particuliers. La décadence tient ainsi, dans la rupture de la chaîne hiérarchique au sein de la religion elle-même, au sein des sciences et dans la confusion des rôles entre savant et politique. Ibn Khaldûn pense que le conflit fondamental oppose le primat du Bien (Aristote) au le primat des obligations (Coran,Torah).
" Les Arabes n’obtiennent le pouvoir qu’en s’appuyant sur un mouvement religieux, prophète ou sainteté, ou à la faveur d’un grand événement religieux en général ". À cause de leur caractère farouche les Arabes sont, moins qu'aucune autre nation, disposés à accepter la soumission : ils sont rudes, orgueilleux ambitieux, et veulent tous commander. Il est rare que leurs désirs se rejoignent. Mais la religion, grâce à un prophète ou à un saint, leur permet de se modérer eux-mêmes et de perdre leur orgueil et leur esprit de rivalité. Il leur devient alors plus aisé de se soumettre et de s'unir du fait que leur religion commune efface la rudesse et l'orgueil et refrène la jalousie et l'esprit de compétition. Quand un prophète ou un saint apparaît parmi eux et les appelle à observer les commandements divins, les débarrasse de leurs défauts et leur inculque les vertus, leur permettant ainsi de rassembler toutes leurs forces pour le triomphe de la vertu, ils deviennent unis et obtiennent la domination et le pouvoir. D'ailleurs, les Arabes sont les hommes les plus prompts à accepter la vérité et la bonne voie, leurs caractères ne sont pas déformés par les mauvaises habitudes ni contaminés par les mœurs dépravées, leur caractère farouche peut être facilement corrigé. Il est disposé au bien, puisqu'il garde encore sa nature originelle et déjà, s’éloigne des mauvaises habitudes et des vices qui s'implantent dans l'âme. Comme le dit la tradition prophétique déjà citée : " Tout enfant naît dans l'état originel "