A U G I E R
" M. Emile Augier est, aujourd'hui, l'écrivain qui fait parler
ses acteurs avec le plus d'autorité. Son langage est vibrant et son style
châtié ; il a l'audace, il a le trait et le mot, et s'attaque hardiment
aux vices et aux ridicules ; il est moderne, il est précis, il est clair,
il est concis, et suit le précepte d'Horace : Festinat ad eventum "
[ il se hâte vers l'événement ] écrivait Charles
Yriarte en mai 1863. Par contre, après la mort d'Augier en 1889, Roman
d'Amat dira de lui : " Le style d'Emile Augier est terne, surtout dans
les pièces en vers, mais parfois on y trouve des perles... Certes, pour
être un très grand homme de théâtre, il a manqué
à Emile Augier, ancien clerc d'avoué, bourgeois démocrate,
républicain honteux, un peu de scepticisme aristocratique, la flamme
de la sensibilité, l'étincelle de l'imagination, le sens du pittoresque
qui, alliés à la froide raison, font éclore le génie.
". Décidément en France il y aura toujours les pours et les
contres ...!
Guillaume, Victor, Emile Augier est né à Valence le 17 septembre
1820 de Victor Augier ( avocat ) et Anna-Honorine Pigault-Lebrun. En 1828, son
père ayant acheté une charge d'avocat à la cour de cassation,
il va à Paris et poursuit ses études, en même temps que
le duc d'Aumale, au lycée Louis-le-Grand. En 1840, il entre à
l'Ecole de Droit et trois ans plus tard il est clerc chez un avoué. Tout
comme Octave Feuillet, qui vient aussi de faire son droit à Paris, il
ne manifeste aucun goût pour le droit. Déjà en 1940 il avait
composé avec Nogent-Saint-Laurent un drame qui fut refusé par
le directeur de l'Ambigu-Comique. En 1844 il présente La Ciguë au
Théâtre Français ; le comité rejette la pièce,
fantaisie antique en vers. Présentée le 13 mai à l'Odéon
elle obtient un tel succès que deux ans plus tard elle est à l'affiche
du Théâtre Français ; le comité a changé d'avis.
En 1846 il est nommé bibliothécaire du duc d'Aumale et en 1848
il rédige avec Ponsard et Reynaud Le Spectateur Républicain, journal
politique. La même année il publie L'Aventurière qui montre
les dangers à introduire dans un foyer bourgeois une femme au passé
trouble. L'année suivante (il a 29 ans) il est lauréat de l'Académie
Française pour sa pièce Gabrielle qui jouit d'une immense vogue
à la Comédie Française. En 1850 c'est Le Joueur de Flûte
pièce qui sera choisie en 1860 pour l'inauguration de la maison grecque
du prince Napoléon : " Emile Augier et Théophile Gautier
vêtus à l'antique, faisaient répéter dans l'impluvium
[bassin situé à l'intérieur des maisons romaines], les
rôles joués par les acteurs de la Comédie Française
" précisera Charles Yriarte dans Le Monde Illustré. C'est
également en 1850 qu'Emile Augier est fait Chevalier de la Légion
d'honneur. En 1851 paraissent Diane, puis l'Habit Vert en collaboration avec
Musset et Sapho opéra avec Gounod. L'année suivante il se présente
aux élections du Conseil Général dans le canton de Bourdeaux
(Drôme) ; bien qu'élu à une très forte majorité
il n'y jouera aucun rôle et même démissionnera en 1855. En
1853, retour à la Comédie Française avec La Pierre de Touche,
en collaboration avec Jules Sandeau, qui montre l'action démobilisatrice
de la richesse dont l'acquisition n'est pas due au travail ; puis c'est Philibert
au Gymnase et Le Gendre de Monsieur Poirier qui obtient en 1854 un immense succès
dans ce même théâtre. 1855 voit La Ceinture Dorée,
en collaboration avec Edouard Foussier, et Le Mariage d'Olympe dont le dénouement
violent effrayait les âmes sensibles et fit scandale mais obtint un grand
succès lors de sa reprise. En 1857 il donne à l'Odéon La
Jeunesse considérée comme sa meilleure pièce en vers. C'est
cette année-là, à 36 ans, qu'il est élu à
l'Académie Française au fauteuil du comte de Salvandy ( 1795-1856,
ancien ministre de l'Instruction Publique, auteur d'ouvrages historiques ).
L'année suivante Augier dévoile la prostitution bourgeoise avec
Les Lionnes Pauvres et est promu Officier de la Légion d'honneur.
En 1859 Emile Augier présente Un Beau Mariage marquant le début
de son orientation vers la comédie sociale et même politique. Le
Fils du Giboyer, en 1862, reste longtemps à l'affiche malgré de
violentes polémiques. En 1864 c'est Maître Guérin et une
brochure politique La Question Electorale où il préconise l'organisation
de plusieurs collèges électoraux procédant les uns des
autres par un suffrage de plus en plus restreint.
" En 1865 Augier habite un appartement au troisième étage
du 3 de la place des Pyramides. L'intérieur est simple : une antichambre
obscure qu'éclaire une lampe pendue au plafond et à gauche la
chambre à coucher. Dans la salle à manger il y a un vaste poêle
en faïence sur lequel est posé un buste en terre cuite d'Emile Augier,
réalisé par Carrier-Belleuse. La fenêtre s'ouvre sur un
balcon d'où l'on découvre les parterres des Tuileries ; cette
vue est un des luxes d'Augier qui adore la campagne et en retrouve là
le rappel quand l'hiver le chasse de Croissy. Le salon sert de cabinet de travail
; à gauche il y a deux bibliothèques contenant des livres d'histoire
( Thiers, Guizot, Augustin Thierry ...), sur les murs sont accrochés
un dessin de Meissonnier avec dédicace, un autre d'Hébert représentant
Pasqua Maria, des Charlet et un portrait du prince Napoléon au bas duquel
est inscrit : " A mon ami et confrère de l'Institut Emile Augier
" ( le prince Napoléon était membre libre de l'Académie
des Beaux-Arts ). Il y a aussi un portrait de Musset et une statuette de Rachel.
Enfin sur une table, non loin de sa table de travail, s'amoncelle une collection
d'énormes pipes en écume de mer dont la teinte brunie trahit de
longs services ; c'est la passion d'Augier." écrira Neuter le 9.12.1865.
En 1868 le prince Napoléon lui propose d'être nommé sénateur
; il refuse d'abord puis accepte en 1870. C'est également en 1868 qu'il
est promu Commandeur de la Légion d'honneur. En 1873 il épouse
à Rome mademoiselle Laure Lambert. Ses dernières pièces
seront Madame Carvelet en 1876 et Les Fourchambault en 1878. Laissant derrière
lui une trentaine de pièces, Emile Augier décède, dans
sa soixante-dixième année, le 26 octobre 1889 à Croissy
en Seine-et-Oise.
Voulant lui rendre hommage, la Ville de Paris donnera son nom à un boulevard
le long du petit train de Paris à Auteuil, parallèlement au boulevard
Jules Sandeau, entre Henri Martin et La Muette.
© Hubert DEMORY