La première bibliothèque publique du XVIe arrondissement

 

Le baron de Bonnemains, premier maire du XVIe arrondissement, se soucie de l'accès à la culture de ses concitoyens. En 1867, il pense que créer une bibliothèque municipale, accessible à tous, permettrait de partager les connaissances.

Mais pour faire une bibliothèque, il faut beaucoup de livres ! N'ayant pas de budget pour cela, il envoie, le 21 novembre 1867, une lettre personnelle à Jules Janin, à Lamartine, à Girardin, à Victor Hugo et même à l'Empereur, pour leur demander de vouloir bien prélever quelques volumes dans leur importante bibliothèque personnelle.

Le 15 août 1868, le baron de Bonnemains peut enfin fonder, à la mairie de Passy, la première bibliothèque publique de l'arrondissement, dénommée : Bibliothèque Municipale Scientifique et littéraire du XVIe arrondissement.

La bibliothèque se remplit rapidement, uniquement par des dons. En 1869, un apport considérable vient l'enrichir : la collection Vattemare.

Alexandre Vattemare, en charge de la Bibliothèque de la Ville de Paris, a échangé de nombreux livres avec la Bibliothèque de Boston, première bibliothèque publique des Etats-Unis. En 1869, cinq ans après sa mort, le nouveau conservateur de la Bibliothèque de la Ville de Paris veut dégager des rayonnages en transférant ces ouvrages. Bonnemains se propose aussitôt pour réunir cette collection dans la bibliothèque de la mairie, encore installée place de Passy, car l'arrondissement comptait déjà de nombreux citoyens américains. Grâce à cette action, la collection Vattemare fut sauvée des flammes de l'incendie de l'Hôtel de Ville en 1871.

Pour le transfert de la mairie, de la place de Passy à l'emplacement actuel, ces œuvres seront données, en 1877, à la Bibliothèque administrative de la ville de Paris qui en assure, encore aujourd'hui, la conservation. La bibliothèque du XVIe arrondissement est alors installée au premier étage de la nouvelle mairie, dans une salle située derrière la salle des fêtes.

Par testament olographe du 14 octobre 1870, Edelestand Pontas du Méril, philologue, membre de l'Institut, lègue à la bibliothèque du XVIe arrondissement sa considérable bibliothèque personnelle : 5.429 volumes, dont 1.004 concernant le théâtre en France, en Angleterre, en Italie et en Espagne du XVIe au XVIIIe siècle ; 1.088, la poésie de tous les temps et de tous les pays ; 505, l'histoire littéraire ; 535, la linguistique, les langues indo-européennes et les patois ; 600, l'histoire, etc. Suite à ce legs, la bibliothèque comptera 10.040 livres en 1880.

Un autre legs important est celui de Charles Félix Parent de Rosan : 3.991 volumes plus de très nombreux manuscrits, pièces authentiques et lettres autographes. Pour accueillir cette collection il faut aménager une salle spéciale contiguë à la bibliothèque de la mairie.

En 1912, il est décidé le déplacement réciproque de la bibliothèque municipale, qui occupe trois salles sur la rue de la Pompe et compte 19.000 volumes, et des services de police, installés dans la mairie à l'emplacement actuel du CLIS (Centre de Liaison et d'Initiative Sociale) et de l'antenne de la Préfecture de Police.
Le 12 décembre 1913, le Conseil municipal vote 79.000 francs de crédits pour l'échange des locaux. On commence par déposer en vrac, dans la galerie du premier étage, les 19.000 volumes ; mais la guerre survient ; on peut juste réaliser l'installation des services de police, les travaux pour la bibliothèque sont ajournés. Dans l'attente, le secrétaire de la mairie fait entreposer les livres au rez-de-chaussée dans le cabinet de l'officier de paix. En 1917, on ouvre un fonds de prêt provisoire comprenant environ 2.000 livres ; il fonctionnera pendant 5 ans avec une moyenne de 1.200 prêts par mois. D'après un rapport du 28 octobre 1922, les travaux sont entrepris en 1921 et achevés avant la fin de l'année ; la réinstallation des volumes sur les rayons et leur récolement demandent plusieurs mois. Enfin, le 16 juin 1922, la bibliothèque rouvre ses portes.

Georges Pompidou, nommé Premier ministre en avril 1962, veut multiplier les bibliothèques publiques en élargissant leurs missions pour en faire des petites maisons de la culture. Cela ne peut se faire à la mairie du XVIe par manque de place. En 1970, la ville de Paris cède à la Société civile immobilière Les Jardins du Trocadéro la propriété du terrain sis 4 à 8 rue du Commandant Schlœsing sur lequel sont installés les petits réservoirs de Passy, désaffectés le 12 avril 1900 et loués depuis. Dans le contrat, la société s'engage à construire et transférer à la Ville, 3.200 mètres carrés de locaux et 300 mètres de parking permettant la réalisation d'une crèche, d'un centre de protection maternelle et infantile et d'une bibliothèque discothèque de 1.910 mètres carrés utiles ; à ces équipements socioculturels sera intégré un ensemble résidentiel de 119 logements. C'est ainsi que prend naissance la Bibliothèque du Trocadéro. En 1975, les collections de la bibliothèque de la mairie, y compris les fonds Pontas du Méril et Parent de Rosan, y sont transférés.

La bibliothèque du Trocadéro, décorée par l'architecte Jean Nouvel, ouvre ses portes le 3 février 1976. En septembre 1984, la ville de Paris acquiert la bibliothèque du Touring-Club de France : plus de 20.000 documents, dont certains remontent au XVIe siècle, qui étaient au siège, avenue de la Grande-Armée. Il est décidé de les installer à la bibliothèque du Trocadéro. Il faut faire de la place ! C'est ainsi qu'en 1985 les fonds Parent de Rosan et Pontas du Méril sont transférés à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, où ils sont consultables encore aujourd'hui.

© Hubert DEMORY

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