Henri de BORNIER

 

Etienne Charles Henri, vicomte de Bornier naît le 24 décembre 1825 à Lunel. Dès 1842, il commence à écrire des poésies et en 1845 il publie ses " Premières feuilles " qui lui valent quelques compliments de politesse. En 1847, il entre comme surnuméraire à la bibliothèque de l'Arsenal ce qui lui laisse du temps pour écrire des pièces de théâtre : " Le mariage de Luther ", " Le lion d'Androclès " en vers, " Une marâtre " en prose, " Dante et Béatrix " en vers, et des comédies : " Le monde renversé ", " Un cousin de passage ", " L'été de la St-Martin "... Il commence à être connu, mais ce n'est pas encore la gloire. Ce qui le fait vraiment connaître c'est " La muse de Corneille ", pièce en un acte et en vers, qu'on lui a commandé, en 1854, pour les 170 ans de la mort de Corneille. Ce sera un succès à l'Odéon.


En 1858, Henri de Bornier, qui a 33 ans, épouse Blanche Gouilly qui n'a que 18 ans mais aura une heureuse influence sur son travail. Pendant 2 ans, il est chargé du classement de la bibliothèque personnelle du prince Napoléon puis revient à l'Arsenal en 1860. A partir de cette époque, il participe régulièrement aux concours de poésie de l'Académie française et en est le lauréat avec : " La guerre d'Orient " (1858), " La soeur de Charité " (1859), " La France dans l'Extrême-orient " et " Isthme de Suez " ( 1863) et " Eloge de Chateaubriand " (1864). Parallèlement il écrit des romans : " Comment on devient beau " (1861), " Comment on devient belle " (1862) et " Le fils de la terre " (1864) et quelques pièces de théâtre dont " Agamemnon " qui, seule, a un petit succès.


Pendant la guerre de 1870, Henri de Bornier sauve courageusement les trésors de la bibliothèque de l'Arsenal, ce qui lui vaudra d'être nommé conservateur-adjoint puis, en 1880, conservateur. La célébrité arrive en 1875 avec une pièce de théâtre, drame en 4 actes et en vers, écrit en 1874, " La fille de Roland " : Ganelon le Traître, qui a livré Roland aux Sarrasins, a été lié sur un cheval fougueux, mais, recueilli par des moines, il a échappé à la mort et, sous le nom de comte Amaury, vit au fond de leur couvent ; s'il n'a pas eu recours au suicide, c'est qu'il a eu de sa femme, nièce de Charlemagne, un fils, Gérald, qu'il garde près de lui pour en faire un chevalier parfait. Un jour Gérald tombera amoureux de Berthe, la propre fille de Roland. La pièce rencontre un immense triomphe et reste à l'affiche de la Comédie française du 15 février au 16 mai 1875 avec Sarah Bernhardt dans le rôle de Berthe. La pièce sera éditée par Edouard Dentu ( le célèbre éditeur, mort à Passy le 13 avril 1884 ). C'est dans cette pièce, acte III scène II, qu'il y a ce vers qui restera célèbre : " Tout homme a deux pays, le sien et puis la France " ; l'Alliance française en fera presque sa devise. L'année suivante Bornier écrit avec Armand Sylvestre : " Dimitri ", un opéra en 5 actes mis en musique par Félix de Joncières. Cette importante oeuvre musicale est exécutée avec succès au Théâtre national lyrique en mai 1876 et vaut à Joncières d'être décoré de la Légion d'honneur. Cette même année, se souvenant de ses origines méridionales, le vicomte de Bornier est élu président de La Cigale, société littéraire et artistique des méridionaux de Paris, charge qu'il assurera jusqu'en 1887.


Henri de Bornier continue à écrire : " Les noces d'Attila " (1880), " L'apôtre " (1881), " Mahomet " (1884), " Poésies complètes " (1894), " Le fils de l'Arétin " (1895) et " France d'abord " qui sera son dernier ouvrage en 1899. En 1885, il prend la parole au Panthéon, au nom de la Société des auteurs dramatiques, lors des funérailles de Victor Hugo. Il est aussi président de la Société philologique française, qui déjà veut simplifier l'orthographe. Plusieurs fois candidat à l'Académie française, il est enfin élu en février 1893 au fauteuil de Xavier Marmier ; l'Académie a préféré cet auteur conventionnel qui exalte les sentiments d'élévation morale, les vertus nobles et le sens poussé du devoir, à son concurrent malchanceux Emile Zola. Mais le 15 janvier 1901 il est atteint de la grippe et meurt à Paris deux semaines plus tard. Son nom sera donné en 1904 à une nouvelle voie qu'on vient d'ouvrir dans le parc du château de la Muette.


Aujourd'hui, il ne reste plus rien de cet auteur dans les mémoires. Propriétaire de vignobles et particulièrement d'un cru renommé, Henri de Bornier s'était écrié, au cours d'un dîner, qu'il était " plus fier de mon vin que de mes vers", ce qui fit dire à Henri Becque : " Il n'a fichtre pas tort !" Seuls les derniers typographes, s'il en reste encore, se souviennent de cette célèbre coquille dont il fut la victime. Lors de l'inauguration d'un buste de Ponsart, à l'Académie, Henri de Bornier composa une pièce en vers, qui fut imprimée la veille de la cérémonie et distribuée aux journaux. Il avait écrit à la fin d'une strophe :

Tu mourus en pleine lumière,
Et la victoire coutumière
T'accompagna jusqu'au tombeau.

Le lendemain, il put lire, à sa profonde stupéfaction :

Tu mourus en pleine lumière,
Et Victoire, ta couturière,
T'accompagna jusqu'au tombeau.

Mais, dira Pierre Larousse, était-ce bien une coquille, quelque typographe malin n'y avait-il pas mis autre chose que de l'inattention ?

© Hubert DEMORY

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