Le chalet de la rue de la Pompe.

Qui n'a pas remarqué, au carrefour des rues de la Tour, de la Pompe et Decamps, juste derrière la mairie du XVIe arrondissement, le petit chalet rouge au premier étage du 65 de la rue de la Pompe ? Dans le bulletin n° 121 (1961) de la Société Historique d'Auteuil et de Passy, on peut lire : " Non loin de là, dans la même rue [de la Pompe], au numéro 65, il nous est permis de voir, mais pour peu de temps encore, le pittoresque petit chalet de Godillot, datant du début du XIXe siècle. Avec son allure savoyarde, il évoque, en raccourci, le chalet depuis longtemps disparu, où habitait, tout à côté, avenue de l'Empereur (aujourd'hui avenue Henri-Martin), Alphonse de Lamartine. " D'après le voisinage, il s'agirait d'un chalet suisse de l'Exposition universelle de 1900. Cela mérite bien une enquête.

Jadis, la rue de la Pompe longeait le mur de clôture du château de la Muette, mur qui s'arrêtait à ce carrefour. Il y avait donc à cet emplacement un bâtiment abritant des gardes du bois de Boulogne. L'immeuble du 112 de la rue de la Tour, qui fait l'angle avec la rue de la Pompe, semble avoir été construit en 1798-1800. Tous ces terrains, et de nombreux autres, seront achetés par la Société des Terrains de Passy (Elysée Charles X), fondée en 1825, pour lotir la grande plaine de Passy, qui était si déserte qu'on y avait transféré le cimetière, aujourd'hui sur la place du Trocadéro.

Par acte du 17 novembre 1830, de maître Triboulet, notaire à Passy, cette société vend à monsieur Bouillon la parcelle correspondant aux numéros 65 et 67 actuels de la rue de la Pompe, parcelles qui seront revendues, par acte du même notaire, le 18 décembre 1843 à M René Victor Thébault. Il semble qu'il ait loué ces parcelles pour qu'on y exploite un hôtel sous le nom de Hôtel de la Pompe.

Si le " Calepin du Cadastre " de 1852, conservé aux Archives de Paris, ne mentionne rien au 65 de la rue de la Pompe, celui de 1862 apporte des informations intéressantes. On peut y lire : " 65 rue de la Pompe : Maison sur rue en forme de chalet, double en profondeur sur terre plein, d'un rez-de-chaussée, premier étage carré en retraite avec terrasse, en avant deuxième étage mansardé. Construction en moëllon et pans de bois. " Il y est précisé que cet immeuble appartient à madame Malézieux, veuve Cauchemez, sur sol Thébault, également propriétaire du 67. On peut aussi lire la description : " Maison ayant forme de chalet. Rez-de-chaussée : salle de billard. Premier étage : grand salon de restaurant ; accès par un escalier intérieur dans la maison rue de la Tour n° 78. Deuxième étage mansardé : pièce sans feu. Immeuble réuni au 78 rue de la Tour (aujourd'hui 112). "

Il s'agit donc d'une extension de l'hôtel, faite à bon marché vers 1860. L'Exposition universelle de 1855 a-t-elle donnée l'idée de ce chalet ? Ce n'est pas certain parce qu'on construisait souvent des chalets aux abords du bois de Boulogne.

L'actuel propriétaire des lieux, monsieur Molinié, se souvient : " En 1928, il était prévu de faire un rond-point à l'emplacement de ce carrefour, mais cela n'a pas été réalisé. Mes parents ont repris le fonds de commerce en 1931. Je me souviens que pendant la guerre de 1939-1945, les soldats allemands de la Krieg Marine (installée dans les immeubles peints en kaki, boulevard Lannes, face à l'OCDE) venaient chaque soir jouer au billard. La cave donnait sur d'anciennes carrières avec une sortie à l'église espagnole et une autre rue Mignard, aussi était-elle très utilisée par la Résistance. " De la Libération jusqu'à 1976, l'Hôtel de la Pompe logera des apprentis et garçons de commerce du quartier ; il sera ensuite transformé en café - tabac - restaurant.

Dernière précision : c'est en 1954 qu'on a été forcé de couper l'avancée du toit, en trop mauvais état, faisant perdre un petit peu le caractère savoyard de ce chalet.

Amis lecteurs, lorsque vous regarderez ce chalet, rappelez-vous qu'il date de l'époque où Passy et Auteuil furent rattachés à Paris pour former notre XVIe arrondissement (le 3 novembre 1859, c'est-à-dire il y a bientôt 150 ans, puisse nos édiles s'en souvenir). D'autre part, si ce genre de constructions vous intéresse, vous pouvez voir une baraque au premier étage du café situé place du Trocadéro, à l'angle de l'avenue d'Eylau ; elle se remarque peu car peinte en blanc et non en rouge.


© Hubert DEMORY

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