Le travail du fer à Passy

 

Il y a quelques temps déjà, monsieur Daniel Thomas a bien voulu m'ouvrir ses archives familiales et j'y ai trouvé des éléments concernant l'histoire du quartier voisinant la place de Mexico ( ex rond-point de Longchamp ).

Georges Thomas, fils d'un notaire du Mesnil-Saint-Denis, naquit le 4 août 1843. En 1864, il entre à l'Ecole impériale des Arts et manufactures ( future Ecole Centrale ) d'où il sortira 10° en 1867. Engagé volontaire à Chartres, il est affecté le 15 septembre 1870 au 3° régiment d'artillerie à Alger ; il sera interné quelques mois en Suisse avec l'armée du général Bourbaki, cette armée de l'Est ayant été oubliée par la convention d'armistice.

De retour en France, il entre dans la maison de Construction métallique de messieurs Baudet et Denon, 62 rue du Rocher. Le travail à produire est considérable et le salaire maigre : 125 francs par mois. En 1875, il change d'employeur et entre chez Préault Frères, Serrurerie et Constructions en fer, au 60 rue Boissière. En 1879, une grande opération immobilière a lieu dans le périmètre Lauriston - Longchamp - Saint-Didier - Sablons. Les frères Préault y participent activement ce qui sera l'origine de leur fortune. Ils en profitent pour transférer leurs ateliers du 60 rue Boissière au 120 rue Lauriston (l'établissement est autorisé par arrêté du 11 avril 1882 - dossier N° 9505). Fortune faite, les frères Préault vendent leur affaire à Georges Thomas, associé à M. Barbot.

Concurrente de Gustave Eiffel, la société Barbot et Thomas, spécialisée dans la construction métallique, s'occupe principalement d'édifices importants. Citons notamment : la gare Saint-Lazare, l'hôtel Terminus, la restauration de l'Hôtel de Ville de Paris qui avait été incendié par la Commune le 24 mai 1871, la société Marseillaise de Crédit au 4 rue Auber, le Palais du mobilier pour l'exposition universelle de 1900 aux Invalides (détruit après), la gare des Invalides, des travaux à la Sorbonne et le pont ferroviaire de Coutras près de Libourne en octobre 1910.

C'est en 1909 que la société est reprise entièrement par Georges Thomas et devient la Société Georges Thomas et Fils. Les ateliers sont toujours au 120 rue Lauriston où l'on peut voir un grand terrain plat avec quelques baraques et un immense pont roulant sur deux rails. Pressentant la crise de 1929, Pierre Thomas, le deuxième fils de Georges Thomas ( Henri, l'aîné a été tué en 1917 au Chemin des Dames ), dissout l'affaire et fait construire en 1930, toujours au 120 rue Lauriston, un grand garage avec vente de véhicules au rez-de-chaussée, emplacements de parking et bureaux au premier et troisième étage et atelier de réparation au deuxième étage, le tout gardienné jour et nuit.

Pierre Thomas restera président directeur général de ce garage jusqu'à sa retraite en 1962. Il cède alors ses actions à la SAFI : Société Anonyme France Indochine. L'immeuble sera par la suite revendu plusieurs fois puis divisé et vendu par lot à un peu plus de 200 copropriétaires.
Qui, aujourd'hui, passant devant ce petit bout de la rue Lauriston, imagine les ateliers de construction métallique qui ont contribué à la restauration de l'Hôtel de Ville de Paris ?

Avant l'installation de cette société à Passy, il y avait déjà une autre entreprise travaillant le fer que décrit l'"Annuaire de Passy de 1858 " : celle de Monsieur Tronchon, qui peut être considéré comme le père de la serrurerie artistique.

Ces ateliers sont installés au 9 avenue de Saint-Cloud ( avenue Victor-Hugo ). On y fabrique " ces jolis chaises et fauteuils qui remplacent ces misérables chaises de paille que la pluie et le temps rendaient, peu de temps après, impossibles." La gamme de produits est beaucoup plus large puisqu'elle comprend : jardinières, bancs, chaises, gondoles, fauteuils, canapés, pavillons, marquises, serres, passerelles, volières et même faisanderies, serrurerie artistique, grosse serrurerie et grillages mécaniques.

© Hubert DEMORY

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