Le cimetière de la rue Lekain à Passy

 

Le 18 mai 1672, Notre-Dame de Grâce de Passy devient enfin une paroisse régulière ; en conséquence Passy peut avoir son propre cimetière et ne plus être contraint d'aller dans celui d'Auteuil situé auprès de cette église. Madame Chahu, qui a tant oeuvré pour l'érection de la paroisse de Passy, donne un petit terrain de 110 toises [418 m²] à l'angle de la rue de l'Annonciation et de la rue Lekain. La première inhumation y a lieu le 7 juin 1672 : Anne Méteyer, fille du greffier en l'élection de Paris et prévôt de Passy. 418 m² pour une population d'environ 400 personnes, Passy avait vu grand pour son cimetière et pour l'avenir!

Mais au XVIIIème siècle la population s'accroît, de plus de nombreux malades viennent de Paris à Passy pour y respirer le bon air et contribuent cependant à augmenter le nombre des inhumations. Rue Lekain, il n'y a pas de fosses communes, chacun est enterré en pleine terre, avec une séparation de 2 pieds [60 cm] entre chaque cadavre, à une profondeur de 6 pieds imposée par les règlements. Peu à peu des exhalaisons incommodent les voisins qui, l'été, ne peuvent plus ouvrir ni fenêtres ni portes. Comme ce phénomène est général dans toute la banlieue, et devant les risques d'épidémie, Louis XVI décide le 10 mars 1776 d'une part qu'il est interdit, sauf exception, d'inhumer dans les églises et d'autre part que tous les cimetières trop petits doivent être agrandis et ceux placés dans l'enceinte des habitations transférés au dehors. Mais cela va entraîner des frais considérables pour la fabrique et les marguilliers de la paroisse qui feront tout pour que cette charge soit supportée par le syndic de la commune.

Entre temps, les choses ne s'améliorent pas à Passy, et le 29 août 1800 le docteur Dussault, maire de Passy, est contraint de prendre l'arrêté suivant : "Considérant que le cimetière est si petit et si peu profond que les cadavres enterrés exhalent une odeur dangereuse pour les habitants du quartier ; que les réclamations faites depuis dix ans étant infructueuses, il est urgent d'y remédier ; arrête : il sera répandu la plus grande quantité possible d'eau de chaux vive sur le sol. A l'avenir tout corps enterré sera recouvert de chaux vive aux frais des familles". Mais ce n'est pas suffisant et l'on craint une épidémie de peste pour l'été 1801. Il faut transférer d'urgence le cimetière à l'extérieur du bourg de Passy. Un petit terrain étant offert, le conseil municipal du 4 février 1802 décide le changement et la fermeture du cimetière actuel.

Pour payer le mur de clôture du nouveau cimetière [place du Trocadéro], la municipalité décide de vendre le cimetière de la rue Lekain. Le 27 avril 1803, Passy est autorisé à le vendre au prix minimum de 2.921,25 F sous réserve pour l'acquéreur d'attendre 10 ans avant de pouvoir réaffecter la destination du terrain. Le 1er octobre 1803, Marguerite-Madeleine Delessert, veuve de Jean-Antoine Gautier, achète ce cimetière 3.100 F couvrant ainsi les 3.032 F nécessaires pour le nouveau mur.

En 1910, la plus grande partie de ce cimetière est supprimée pour permettre la construction de la "Maison de retraite Delessert", laquelle sera bâtie avec des briques provenant de la raffinerie. Le cimetière ne fait plus que 50 m² environ et comprend toutes les sépultures Delessert.

En 1958, la Fondation Delessert-Bartholdi, qui est propriétaire de ce terrain, décide de construire un immeuble et de nouveaux bâtiments pour l'Eglise Réformée de l'Annonciation. Mais il faut déplacer les sépultures Delessert. Le 13 mars 1959, M Rodolphe Hottinguer donne son accord et le 28 mars achète trois concessions côte à côte dans le cimetière de Passy. Le permis de démolir la maison de retraite étant obtenu le 29 novembre 1960, il est procédé le 27 février 1961 à l'exhumation et au transfert des ossements des 12 membres de la famille Delessert. On trouve aussi beaucoup d'autres ossements qui sont incinérés. Enfin on prélève la pierre tombale du célèbre compositeur Piccini qui est confiée à la Société Historique d'Auteuil et de Passy le 6 février 1961.

© Hubert DEMORY

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