Courte-paume et racquets

 

On dit du jeu de paume que c'est "Le jeu des rois et le roi des jeux". Cela est totalement exact. Louis X le Hutin mourut à Vincennes le 5 juin 1316 d'avoir bu trop froid après une partie de paume, François I° fut le plus robuste joueur de son temps, quant à Henri II il reste le meilleur joueur de tous les rois. D'autre part, tous les jeux actuels de raquettes ou de battes sont des variantes du jeu de paume.

Au XII° siècle, pour se divertir, de jeunes moines façonnent une boule de chiffon (l'esteuf) et, utilisant le sol, les murs et les poutres du cloître, s'exercent à la relancer avec la paume de la main. Les étudiants en jouent dans la rue, utilisant les auvents ou les toits à défaut de poutres (ce qui explique le toit de la galerie des salles de paume). Bientôt ce jeu se popularise et l'on crée des salles spécialisées : les tripots, où l'on parie sur le résultat des parties (d'où le sens actuel du mot tripot : maison de jeu).

Peu à peu on cherche à durcir la balle pour avoir de meilleurs rebonds, ce qui entraîne, pour éviter de se faire mal à la main, d'abord l'utilisation d'un gant (toujours d'usage au base-ball ou au cricket), puis d'une batte et enfin d'une raquette ayant la forme d'un avant-bras et d'une paume.

Joué en salle, le jeu de paume est appelé courte-paume ; en plein air, avec des règles un peu différentes compte-tenu de l'absence de murs, c'est la longue-paume, dont le dernier terrain de Paris est situé dans les jardins du Luxembourg, et comme on y utilise des balles très légères elle est l'ancêtre du badminton. Signalons aussi une autre variante : le trinquet (il existe encore deux cours à Paris, l'un rue de la Cavalerie dans le XV° et l'autre au Point-du-Jour dans notre XVI°), qui ne dispose pas d'un filet et qui se joue sur le mur du fond, le fameux fronton de la pelote basque (celui de Paris est également au Point-du-Jour). Notons que le filet n'existait pas à l'origine du jeu de paume : il y avait seulement une corde ; les contestations étant fréquentes pour savoir si la balle était passée au-dessus ou au-dessous de la corde, on pendit un filet sur la corde pour supprimer le doute.

Comme il était d'usage, au moment du service, de prévenir son adversaire en criant : "Tenez Messire !", ce mot passa à l'étranger avec le jeu et fut déformé en "Tenetz" puis en "Tennis" par nos amis anglo-saxons, qui parleront de "real tennis" pour évoquer le jeu de paume et le différencier du "lawn tennis", jeu breveté par le major Walter C. WINGFIELD le 23 février 1874 et qui fera la conquète du monde.

Au début du XVII° siècle on comptait 1.800 salles de paume en France. Au milieu du XIX° siècle, il ne reste à Paris qu'une seule salle, salle détruite en 1861 pour permettre la construction de l'Opéra. En échange Napoléon III fait construire une nouvelle salle, en 1862, aux Tuileries. Mais en 1907 le Jeu de paume des Tuileries devient un musée. R. JAMESON et W. BAZIN, avec quelques joueurs passionnés, décident de créer leur propre salle. Un projet aux Champs-Elysées ne pouvant aboutir, ils créent la Société du Jeu de Paume, achètent un terrain rue Lauriston et chargent l'architecte Jules VIEUX des travaux. D'après le permis de construire, accordé le 25 janvier 1908, le bâtiment comprend à l'entresol une salle de billard et des bureaux, au 1° étage deux salles de 9,36 mètres de large par 28,40 mètres de long avec deux salons en façade, et au 2° étage l'espace des salles, qui ont 10,85 mètres de hauteur, avec en façade 7 cabinets de toilette, une salle d'hydrothérapie et une salle de bains.

Dès 1926, les membres ont l'idée de supprimer une des deux salles de jeu de paume pour créer quatre salles de squash-racquets ; cela est réalisé en 1927. Ce sont les seules à Paris jusqu'à ce que le Cercle Interallié en crée deux vers 1970. Avec ces salles arrivent de nouveaux joueurs qui ne participent pas au capital de la "Société du Jeu de Paume" (qui deviendra la "Société Civile Immobilière du Jeu de Paume"). Il faut donc créer une association, loi 1901 ; et c'est ainsi que la "Société Sportive du Jeu de Paume et de Racquets" voit le jour le 12 février 1929. Les membres fondateurs sont Spencer EDDY (président), Jacques WORTH, le marquis du VIVIER, Francis ROCHE et Eldrige WATSON. Le 28 décembre 1942, cette association est agréée par le ministre secrétaire d'Etat à l'éducation nationale pour l'enseignement du jeu de paume et du squash-racquets.

Un joueur de paume est appelé paumier et le professeur maître-paumier. Le rôle du maître-paumier est essentiel pour le jeu de paume : outre donner des cours, c'est lui qui arbitre et organise les tournois, fait le cordage des raquettes (dont la seule usine de fabrication est en Angleterre) et, surtout, façonne les esteufs. L'esteuf, la balle du jeu de paume, est constitué d'une petite boule de liège autour de laquelle on enroule environ onze mètres de bandelette de tissu de 13 millimètres de large, puis on ficelle solidement le tout, pour lui conserver sa forme sphérique, avant de l'envelopper dans deux morceaux de feutrine dont la trace des coutures est à l'origine du dessin des balles de tennis. M. Laredo MASIP, l'actuel maître-paumier depuis 1961, précise que jadis on utilisait des chutes de tissus prises chez les tailleurs et qu'il fallait judicieusement mélanger les matières pour avoir une balle de taille standard et de 62 grammes. (Littré, dans son dictionnaire, donne comme étymologie d'éteuf ou esteuf [on ne prononce pas le f sauf s'il est suivi d'une voyelle] "ainsi dit à cause qu'il est fait d'étoffe, garni d'étoffe"). D'autre part, la feutrine devant être changée tous les quinze jours, ce sont plus de 50.000 esteufs qui ont été cousus à ce jour par madame MASIP.

Il ne reste plus que trois salles de courte-paume en France : celle de Bordeaux-Mérignac, celle du château de Fontainebleau et celle du 74 ter, rue Lauriston à Paris, salle que connaît bien le prince Edward d'Angleterre pour y être venu jouer contre M. MASIP en 1992. Mais il y a toujours autant de passionnés pour faire vivre ce patrimoine sportif et culturel dans un esprit d'amitié et de convivialité exceptionnel. Adhérer à cette société est possible moyennant une cotisation annuelle d'environ 700 euros (300 pour les moins de 25 ans). Pour ce prix on peut pratiquer ce sport historique, demandant réflexes, force mais aussi finesse d'esprit et stratégie, de 9 h. à 21 h., tous les jours même le dimanche, et peut-être se prendre pour Henri II en rêvant dans l'un des deux saunas de l'association.

L'Histoire du jeu de paume de Paris 1908-2008 (36 pages) a été publiée par la Société Sportive du Jeu de Paume et de Racquets, 74 ter, rue Lauriston, 75116 Paris.

© Hubert DEMORY

Esteuf fabriqué par M. Masip, maître-paumier

 

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