Le port d'Auteuil au XIXe siècle
Au XVIIIe siècle des bateaux, appelés bachots, assuraient des liaisons régulières sur la Seine. "L'embarquement se faisait près du Port-Royal. On payait 4 sous pour se rendre à Sèvres ou à Saint-Cloud, 2 sous 6 deniers pour Auteuil et 2 sous pour Chaillot et Passy. Pour 5 sols on pouvait embarquer à bord de la galiote de Saint-Cloud qui, de Pâques à la Toussaint, faisait le trajet aller et retour jusqu'au pont de Sèvres en deux heures. De là, on continuait à pied jusqu'à Versailles.", écrit Alfred Fierro dans son Histoire et Dictionnaire de Paris.
Le port d'Auteuil était situé au Point-du-Jour, ce qui explique l'importance de ce hameau. Outre ces lignes régulières et les bateaux de marchandises, il y avait un bac permettant aux passagers de traverser la Seine et d'éviter un long détour pour trouver un pont.
Dans sa réunion du 7 mai 1809, le conseil municipal d'Auteuil décide de réaménager les abords du port. "Le chemin du Bac sera rendu praticable pour aller à la rivière avec des voitures, ce qui deviendra très important pour la culture des terres qui bordent la rivière, ainsi que pour l'arrivage des différents objets nécessaires au dit Point du Jour et même au village d'Auteuil. Ce chemin existe depuis très longtemps mais la descente en est très rapide du côté de la grande route. Les particuliers du Point du Jour, propriétaires des chevaux et voitures, s'engagent au transport gratuit des terres nécessaires pour effectuer le remblai." Le conseil demande une étude au préfet, sachant que ce chemin conduisant à la Seine éviterait les "dégâts des chemins de halage par le passage habituel des voitures à l'usage de la culture des terres et le transport des récoltes".
Le conseil décide aussi d'obliger le passeur du Point-du-Jour à aborder au chemin du Bac. "L'endroit utilisé actuellement provoque des dégâts dans les terres cultivées aux environs de cet endroit, par les passeurs et les personnes allant ou revenant, dégâts sur la berge du halage, en pratiquant des chemins sur la dite berge pour aller rejoindre le bateau, chemins qui sont détruits par les inondations rétrécissant ainsi la berge, forçant les chevaux de la Navigation à entrer dans les terres cultivées". Le conseil demande au préfet "pour qu'il donne des ordres positifs au sieur Bretille, adjudicataire du dit passage, de transporter et de tenir son bateau à l'usage des passagers, dans l'endroit ci-dessus désigné, que sous aucun prétexte il ne pourra le déplacer ailleurs et qu'en outre il sera obligé de soutenir le terrain du halage par des forts pieux enfoncés avec des masses afin que les terres ne puissent s'ébouler par le service du dit passeur". Cela semble avoir été suivi d'effets positifs puisque le conseil n'aura pas à traiter ce sujet avant longtemps.
Il faut en effet attendre une délibération du 9 novembre 1845 pour reparler des berges d'Auteuil. Le maire réclame contre l'autorisation obtenue par quelques riverains de faire du remblai, ce qui aurait pour résultat de déplacer le chemin de halage, de restreindre la berge à des proportions insuffisantes pour le débarquement et de priver la commune d'un abreuvoir. Le conseil approuve le rapport fait par la commission qui précise les mesures qui paraissent devoir être données et le transmet en entier au sous-préfet.
L'activité portuaire d'Auteuil ayant pris de l'importance avec l'accroissement
de la population, le conseil municipal demande le 3 juillet 1844 à l'administration
supérieure d'approuver la mise en place d'un droit de stationnement pour
améliorer la rotation des bateaux. Voici le règlement tel qu'il
est conservé aux Archives de Paris (série Vquater 2, pièce
56) : "
Article 1 - Les bateaux et trains qui stationneront sur la Seine au devant du
territoire d'Auteuil seront soumis à un droit qui sera imposé
à raison de la surface qu'ils occuperont en rivière.
Article 2 - Chaque bateau paiera pour tout le temps accordé pour le chargement
& le déchargement par les règlements d'ordonnance de police
en vigueur, un droit de 3 centimes par mètre carré et les trains
1 centime et demi. Les bateaux vides qui viendront stationner plus de 24 heures
dans les limites sujettes à la perception paieront le tiers du droit
: 1 centime par mètre carré . Les conducteurs de ces bateaux devront
pour jouir de l'exemption du droit, faire constater l'instant de leur arrivée
par le préposé à la perception du droit. Les bateaux de
déchirage paieront le même droit de 1 centime par mètre
carré.
Article 3 - Pour faciliter la perception de ces droits, tout propriétaire
devra présenter au préposé chargé de la recette
son procès verbal de jaugeage ou toute autre pièce pouvant servir
à justifier la surface que pourra occuper son train ou bateau.
Article 4 - Le paiement du droit ne pourra en aucune manière servir de
prétexte aux mariniers pour stationner un temps plus long que celui fixé
par le permis qu'ils auront obtenu de l'inspecteur de la Navigation ou du préposé,
le tout conformément aux ordonnances de police.
Article 5 - Le marinier ou propriétaire de bateaux ou trains qui après
avoir déclaré & acquitté le droit changerait de destination,
sera remboursé du montant de son paiement sauf la retenue d'un droit
fixe qui sera :
Pour toutes barquettes 1,00 centime
Pour bateaux de grandes dimensions 2,00 centimes
Pour coupon de sciage ou à brûler 0,25 centime
Pour une part 1,25 centime
Pour un train 2,50 centimes
Pour 4 coupons & plus réunis 1,25 centime.
Article 6 - Tous les droits seront acquittés par le marinier sauf à
lui à s'en faire rembourser par les destinataires ou propriétaires
au marc le franc de ce qui pourra les concerner personnellement.
Article 7 - Aucun bateau ne pourra stationner, être chargé ou déchargé,
aucun train tiré, ni aucun déchirage effectué sans qu'au
préalable le droit n'ait été acquitté.
Article 8 - Si par force majeur, ou par avaries quelconques, un bateau ou train
se trouvait dans la nécessité de stationner sur quelque partie
de la rive, il ne sera dû aucun droit, mais à son arrivée
le marinier devra faire légalement constater les causes de stationnement
par les autorités locales.
Article 9 - Un arrêté d'administration municipale réglementera
dans ses détails l'exécution des présentes & le mode
de perception. Il sera soumis à l'approbation de l'autorité supérieure."
Enfin dernière information, sur ce sujet, retrouvée aux Archives de Paris : le 13 novembre 1858, le conseil municipal d'Auteuil constate que le chemin de la Galiote, de la route de Versailles au port d'Auteuil, est dans un état de dégradation extrême n'étant fréquenté que par de grosses voitures ; il vote un crédit de 3.150 F car "si on le pave, on aidera au développement du port, qui peut être un jour source de revenus pour la commune". Mais tout changera avec l'annexion par Paris en 1860.
© Hubert DEMORY