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Le docteur Germain Sée fut un éminent médecin et c'est
à juste titre que la ville de Paris voulut honorer ses recherches en
donnant son nom, le 12 mars 1938, à une rue allant de l'avenue du président
Kennedy à l'avenue de Lamballe. Cette ancienne voie de Passy portait
le nom de " rue Guillou", nom qui a peut-être rapport avec Joseph
Guillou , le célèbre flûtiste.
Germain Sée naît à Ribeauvillé ( Haut-Rhin ) le 6 mars 1818, dans une famille d'origine et de religion israélite. Après des études à Metz, il choisit la carrière médicale et s'inscrit à la Faculté de médecine de Paris où il est reçu docteur, en 1846, en soutenant sa thèse sur " Les effets du seigle ergoté sur le coeur et la circulation ". En 1850, il rédige un mémoire sur " La chorée et le rhumatisme ", étude couronnée par l'Académie de médecine et publiée dans le recueil de ses mémoires, et publie en 1851 un ouvrage " De la chorée et des affections nerveuses en général ". En 1852, il est nommé médecin des hôpitaux et fait des conférences de pathologie sur la théorie et la pratique médicales. En 1866, bien que n'étant pas passé par l'agrégation, il est nommé professeur de thérapeutique à la Faculté de médecine, succédant au professeur Armand Trousseau, dont nombre d'hôpitaux portent aujourd'hui encore le nom. C'est à cette époque qu'il commence à publier régulièrement ses " Leçons de pathologie expérimentale ". Sa nomination est, il faut l'avouer, assez mal accueillie par les étudiants, mais le docteur Sée gagne peu à peu leur sympathie par son remarquable enseignement et, précise Pierre Larousse dans son dictionnaire universel, " il acquit une grande popularité à l'Ecole de médecine lorsqu'une pétition, adressée au Sénat par des cléricaux ultramontains en 1868, dénonça ses doctrines scientifiques, ainsi que celles de plusieurs de ses collègues. La discussion qui eut lieu à ce sujet au Sénat eut un grand retentissement et mit le docteur Sée tout à fait en évidence. Le savant professeur se vit l'objet d'éclatantes ovations de la part des étudiants." C'était en mai 1868 ( cent ans avant une autre révolution d'idées). Cela lui vaudra d'être fait chevalier de la Légion d'honneur.
A la fin de l'année 1868, Germain Sée, désormais célèbre, succède au docteur Monneret à la chaire de clinique médicale de la Charité, et, le 27 juillet 1869, il est élu membre de l'Académie de médecine, au fauteuil de Grisolle. Ses écrits font autorité. Citons notamment : " Du sang et des anémies " (1866), et une série de leçons publiées dans le Bulletin thérapeutique et dans le Courrier médical : " L'action physiologique du tabac ", " la Digitale ", " le Chloral ", " l'Opium ", " le Traitement du rhumatisme par le salicylate de soude ", " le Traitement des névralgies par l'antipyrine ", " du Traitement de l'asthme nevro-pulmonaire et de l'asthme cardiaque par la pyridine ", etc. Enfin, en 1870, il publie un ouvrage : " Conférence sur le régime alimentaire pendant le siège ".
Au mois de juillet 1870, nous précise G. Vapereau dans son Dictionnaire des contemporains - 1893 -, le docteur Sée est appelé auprès de l'empereur Napoléon III. Il diagnostique le calcul rénal dont les suites seront fatales en 1873, mais se voit interdire de divulguer ses conclusions classées secret d'Etat ; le compte rendu de cette consultation a été insérée plus tard dans le tome III des " Papiers trouvés aux Tuileries ".
En 1876, Germain Sée est nommé professeur de clinique médicale à l'Hôtel-Dieu, en remplacement du professeur Béhier. Le 26 juillet de la même année il est promu officier de la Légion d'honneur. L'année suivante, il est appelé à Constantinople pour soigner le sultan Mourad, mais arrive après sa déposition. De retour en France, il poursuit ses travaux et ses publications et est promu commandeur de la Légion d'honneur le 12 juillet 1880. Citons parmi ses oeuvres : " Etudes médicales sur l'acide salicylique et les salicylates " (1877), " Histoire particulière des médicaments " (1877), " Du diagnostic et du traitement des maladies du coeur et en particulier de leurs formes anormales " (1878), " Des dyspepsies gastro-intestinales " (1881), " Des pneumonies infectieuses " (1882), " De la phtisie bacillaire des poumons " (1884), " L'épilepsie et le bromure " (1884), " Diagnostic des phtisies douteuses par les bacilles des crachats " (1884), etc.
En mai 1885, le docteur Germain Sée est appelé au chevet de
Victor Hugo mourant. Assisté des docteurs A. Vulpian et Emile Allix,
il l'accompagnera jusqu'à la fin. Voici les bulletins de santé
qu'il rédigea et que cite Le Petit Journal :
Mardi 19 mai 1885, 9 h 30 du matin : " A la suite d'une violente oppression,
il s'est manifesté cette nuit une syncope assez longue. Ce matin, l'état
des forces et de la respiration est à peu près le même qu'hier
soir."
Mercredi 20 mai 1885, midi : " La nuit a été assez agitée
et troublée par deux accès d'oppression. Ce matin on a constaté
un certain degré d'engorgement pulmonaire du côté droit."
Mercredi 20 mai 1885, 19 h. : " On constate ce soir un calme relatif de
la respiration. Le pouls se maintient. Pas de fièvre. Le pronostic reste
grave."
Jeudi 21 mai 1885, 9 h. : " La nuit a été tranquille, sauf
quelques instants d'oppression et de grande agitation. En ce moment, la respiration
est assez calme et les fonctions intellectuelles sont intactes. La situation
est toujours inquiétante."
Jeudi 21 mai 1885, 19 h. : " Aucun changement n'est survenu depuis ce matin
bien que les battements du coeur soient moins énergiques."
Vendredi 22 mai 1885, 9 h 10. :" Situation extrêmement grave."
Vers 11 h 45, après une crise d'agitation, le grand poète s'affaisse avec une respiration de plus en plus faible ; l'agonie commence et s'achève dans un dernier soupir à 13 h 27. Le docteur Sée est alors chargé de l'embaumement du corps, ce qu'il fait dans la nuit du 24 au 25 mai avec l'assistance du docteur Cornil. Prévues le 30 mai, jour anniversaire de la mort de Voltaire (30 mai 1778) les obsèques de Victor Hugo auront lieu le 1° juin 1885, mais ce n'est pas ici notre propos.
Bien qu'âgé de 67 ans, le docteur Germain Sée continue ses travaux et ses publications : " Maladies simples des poumons " (1885), " De l'hypertrophie cardiaque résultat de la croissance " (1885), " Du régime alimentaire : traitement hygiénique des malades " (1887), " Les médicaments cardiaques " (1889), " Traité des maladies du coeur " (1889-1891), " Formulaire alimentaire ancien et nouveau pour les individus sains et albuminuriques " (1892), etc. Et c'est en 1896, à l'âge de 78 ans, que le docteur Germain Sée, créateur de nombreux médicaments, meurt à Paris.
Aujourd'hui, les dictionnaires l'ont oublié au profit de Camille Sée, avocat et homme politique, qui était son neveu et son gendre. Merci à la ville de Paris d'avoir conservé la mémoire de l'éminent docteur Germain Sée.
© Hubert DEMORY