Le télégraphe de Passy

 

Sous Louis XVI, un bénédictin de l'abbaye de Citeaux, dom Gauthey, propose à l'Académie des sciences un moyen de transmettre le son dans un tube "pour l'empêcher de se disperser" ( un précurseur à l'invention du stéthoscope qui devra attendre Laennec en 1815 !). Louis XVI vivement intéressé ordonne des essais. Le premier sera réalisé, sur une distance de 780 mètres, en utilisant les conduits reliant la pompe à feu de Chaillot aux réservoirs de Chaillot qui venaient d'être construits en 1782. Le résultat est un succès. Dom Gauthey veut maintenant prouver que cela est également possible sur 500 ou 600 kilomètres, mais le gouvernement juge ce "cordon acoustique" beaucoup trop onéreux et refuse l'expérience. Dom Gauthey s'adresse alors au public mais la souscription échoue. Et comme toujours la pensée est transmise de main de cavalier en main de cavalier...

Le 12 juillet 1793, les frères Chappe peuvent enfin faire fonctionner leur appareil en présence des commissaires nommés par la Convention. Décidée le 14 août 1793, la première ligne, Paris - Lille, entre en activité le 16 juillet 1794. Le télégraphe de départ sera situé au Louvre sur le pavillon de l'Horloge. Il faut avouer qu'en cette époque révolutionnaire on n'hésitait pas à défigurer un bâtiment et nombre d'églises eurent à supporter, sur leur clocher, un télégraphe. La ligne qui nous intéresse est celle de Paris - Brest ouverte en 1799. Le point de départ est l'ancien Garde-meuble royal devenu ministère de la Marine, place de la Concorde. Le deuxième poste est au Mont-Valérien. Vu de ce lieu le télégraphe de la Concorde se distingue mal à cause de tous les bâtiments en fond, on décide donc purement et simplement d'installer sur la façade de l'église des Feuillants un grand carré blanc afin de pouvoir distinguer plus facilement les bras du télégraphe.

En 1802, le gouvernement décide la création de la rue de Rivoli ce qui entraîne la destruction partielle de l'église des Feuillants, conservant la façade avec son réflecteur. Par la suite ce bout d'église devient gênant et il est question, sous Charles X, de le détruire. Abraham Chappe, qui est devenu administrateur de la télégraphie, pense résoudre le problème de la visibilité par l'ajout d'un poste relais, sur la colline de Chaillot, entre la rue de l'Université, où se trouve maintenant le poste central des lignes télégraphiques, et le Mont-Valérien. Le 21 avril 1825, il demande un rendez-vous à Josué Alexis Augé de Fleury, maire de Passy depuis août 1815, pour trouver un emplacement propice. Cet emplacement correspond exactement aujourd'hui au 23 rue Saint-Didier, partie de rue appelée jadis rue du Télégraphe et rebaptisée après l'annexions des villages en 1860, le nouveau Paris se retrouvant, alors, avec trois rues du Télégraphe. Le terrain est acheté 500 francs le 16 mars 1826 et on y construit une tour carrée, d'environ 4 mètres sur 4 mètres, surmontée d'un télégraphe. Le 4 octobre une ordonnance impose l'alignement de la rue de Castiglionne ce qui entraîne la destruction du reste de l'église des Feuillants et de son réflecteur ; mais Passy est prêt à fonctionner.

L'histoire du télégraphe de Passy est de courte durée. En effet dès le 18 mai 1845 le premier message électrique est envoyé entre Paris et Rouen. C'est ainsi que le service télégraphique optique Paris - Avranches, passant par Passy, est fermé en janvier 1852. Le télégraphe de Passy aura servi 24 ans, et il ne reste plus aujourd'hui que cet immeuble construit à son emplacement pour nous souvenir de cette extraordinaire aventure.

© Hubert DEMORY

 

RETOUR