Aetius

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

 

Arles

Début de l’année 427. Salvien arrive à Arles. Le voyage de Ravenne à la capitale de la Gaule a duré environ dix jours. Salvien rencontre d’abord Marc qui lui trouve un appartement et le présente aux officiers et fonctionnaires utiles pour sa mission. Certains d’entre eux sont ses anciens camarades qui ont servi avec lui sous le commandement de Constance. Quelques jours après, Marc le présente à Aetius qui rencontre l’officier de liaison de la régente assez gentiment :

- C’est très bien que ce soit vous qui soyez chargé de cette mission. Maintenant, après votre voyage en Hunnie, vous comprenez mieux les guerriers barbares. Le palais impérial est rempli de jeunes courtisans qui se prennent pour des officiers et qui ne sont absolument pas capables de comprendre toute la complexité de la situation. Avez-vous visité la Germanie ?

- Non. Je n’ai rencontré les Goths que sur les champs de batailles et chez les Huns.

- Il vous faut alors aller à Toulouse et passer quelque temps dans le royaume des Wisigoths. Il est dangereux de visiter maintenant le pays des Francs, la situation là-bas est loin d’être calme. Je partirai dans trois semaine pour la frontière nord. Vous pouvez m’accompagner jusqu’à Orléans. Je vous laisserai chez les Alains sur le bord de la Loire.

Salvien accepte volontiers cette proposition. Aetius lui demande :

- On dit qu’Oreste a accepté la proposition d’Attila de passer à son service et la régente l’a autorisé à partir chez les Huns avec sa famille.

- Je l’ai vu récemment. Il m’a dit que c’était plus difficile de convaincre son père Tatulle et le comte Romulus, son beau père, que la régente.

- Romulus s’inquiète naturellement pour sa fille. Tatulle est mon compatriote de Pannonie et Oreste a dû voir les Huns depuis son enfance. Parle-t-il hun ?

- Il ne parlait pas, mais nous avons appris les phrases les plus courantes pendant notre voyage.

***

Aetius a invité Salvien au dîner chez lui. Le passage de l’ambassadeur romain au service des Huns est devenu naturellement le thème principal des conversations. La femme d’Aetius et les officiers posent à Salvien beaucoup de questions à ce sujet. Afin de changer le thème de discussions, Marc remarque :

- Pourquoi vous étonnez-vous, quand tous les fonctionnaires et tous les officiers de l’Empire chinois sont passés au service des Huns !

Stupéfaits, les gens s’arrêtent de parler. Content de l’effet de sa déclaration, Marc sourit et précise :

- Je parle de la fondation en Chine de la dynastie impériale des Taougastes ou Tabgatchs qui sont en parenté avec les Huns que nous connaissons.

Litorius, l’officier d’Aetius le plus gradé, remarque :

- Il serait bien d’initier les Huns à la civilisation romaine comme sont initiés actuellement les Gaulois et les autres anciens peuples barbares de nos provinces.

Postume, un autre officier, fronce le sourcil :

- Attention ! Je ne considère pas mes ancêtres comme des Barbares !

Conciliant, Litorius s’excuse et dit :

- J’ai aussi des Gaulois parmi mes ancêtres. Cela ne m’empêche pas de reconnaître que les Gaulois n’avaient pas d’écriture, d’architecture élaborée et n’avaient pas une organisation étatique digne de ce nom.

Postume réplique vivement :

- Les Grecs considéraient les Romains comme un peuple barbare. Ce sont eux qui ont initié les Romains à l’écriture et à l’architecture. Les Gaulois ont appris aux Romains, par exemple, à fabriquer des tonneaux qui sont plus commodes et plus solides que les amphores grecques et romaines.

Avitus, un officier gaulois très érudit, ajoute afin de détendre l’atmosphère :

- Pline écrit que les ambassadeurs de Carthage, qui ont été reçus dans plusieurs nobles familles romaines, s’étonnaient beaucoup de voir partout le même service de vaisselle en argent. En fait, toutes ces nobles familles se prêtaient un seul service en argent pour les grandes réceptions.

Tout le monde rit, les mains se dirigent vers les coupes en or, décorées par le célèbre émail gaulois et remplies des meilleurs vins narbonnais. Aetius remarque :

- A cette époque, comme Attila m’expliquait il y a presque vingt ans, le premier Empire hun a atteint le sommet de sa puissance et de sa grandeur. La noblesse portait les plus belles soies chinoises, buvait et mangeait dans des vaisselles d’or incrustées de pierres précieuses et semi-précieuses. Les Huns avaient leur écriture et leurs fonctionnaires faisaient chaque année le recensement de la population pour des buts administratifs. Ils ont des traditions impériales plus anciennes que nous.

Compétent, après son voyage, dans ce domaine, Salvien ajoute :

- Le khan Modoun, fondateur du premier Empire hun, à mon avis, a effectué une réforme religieuse. Notre empereur Aurélien aussi, il y a un siècle, encourageait les Romains à croire au Soleil invaincu et expliquait que tous les autres dieux ne sont que les différentes expressions de ce dieu unique. Mais Tangra hun est plus proche du Dieu chrétien. Ce qui me frappe particulièrement, c’est que les Huns croient que le pouvoir du khan suffit, s’il est juste et si son état est puissant, car dans ce cas son pouvoir est certainement donné par Dieu. L’insoumission au khan est aussi l’insoumission à Dieu qui n’intervient alors que très peu dans les affaires terrestres. C’est une religion qui est née dans un Empire vraiment puissant. La réforme d’Aurélien a échoué tandis que la religion tangraïste continue à contribuer à la consolidation de tous les peuples hunniques.

Surpris par cette déclaration, Aetius le regarde avec intérêt. Puis il se tourne vers les autres invités qui sont aussi impressionnés et surpris. Enfin, la femme d’Aetius propose :

- Parlons de choses moins sérieuses. On dit que la fille de l’impératrice Eudoxie s’appelle aussi Eudoxie. Les gens de Constantinople ne sont apparemment pas très imaginatifs ...

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