Champs catalauniques

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Attila se trouve sur la hauteur d’une colline en pente douce sous trois bouleaux. Le vent du matin agite les feuilles. Autour, jusqu’à l’horizon on voit des champs avec de petits bois et taillis. La reconnaissance rapporte que les troupes d’Aetius arrivent par cette route. Attila a mis son armée, les Gépides d’Ardaric et les autres infanteries germaniques dans le centre. Le roi Valamir commande l’aile gauche, composée principalement de la cavalerie ostrogoths. Le khan Ellak est le commandant de l’aile droite comprenant les guerriers du peuple Ak-at-seri et les troupes des autre peuples de la Hunnie orientale. Derrière les troupes se trouvent une ancienne fortification circulaire gauloise renforcée par des camps supplémentaires protégés par les chariots disposés en cercle. Dans ces retranchement sont laissées des troupes sûres pour la protection des butins de la guerre et de la cavalerie qui pourrait se retirer là pour le repos et la remise en ordre.

D’abord, sont apparus les éclaireurs wisigoths et alain. Ensuite arrive toute l’armée ennemie dans l’ordre de combat. Les légions romaines et l’infanterie alliée sont au centre. Contre les troupes de Valamir se trouvent les Wisigoths de Théodoric. Les Burgondes de Gondioc et les Alains de Sangiban s’installent contre Ellak. L’infanterie romaine est rangée en carrés protégés par des murs de grands boucliers et par de longues lances contre les attaques de la cavalerie.

Les deux armées changent lentement leurs formations. Les Romains et les Gépides se rangent les uns contre les autres dans un des flancs protégé par la Marne. Les Francs et l’infanterie des autres alliés des Romains restent au centre avec les Alains et les Burgondes. Attila prépare ses Huns à attaquer d’abord la cavalerie alaine et burgonde. Il concentre toute son infanterie germanique contre l’infanterie de l’adversaire. La cavalerie d’Ellak doit couvrir les flancs et l’arrière de l’infanterie des alliés et compenser ainsi la supériorité numérique de l’infanterie d’Aetius. Les Ostrogoths et les Wisigoths restent les uns contre les autres. Le temps passe. Personne ne veut commencer l’attaque le premier. Attila attend afin d’avoir moins de pertes parmi ses guerriers. Aetius ne veut que tenir bon, il ne pense même pas à une attaque absolument impossible de l’armée d’Attila. Tous les deux ont dormi peu, ils se souviennent des années de leur amitié. Ils se connaissent depuis quarante six ans et sont amis depuis presque quarante ans. Maintenant le destin les fait se rencontrer sur un champ de bataille !

Déjà trois heures de l’après-midi. Autour de l’empereur hun se réunit une foule épaisse de commandants attendant l’ordre. Soudain Attila décide d’encourager ses fidèles compagnons d’arme fatigués d’une attente étrangement longue et se décide à commencer enfin la bataille contre son ancien ami. D’une voix pathétique il dit :

- Après tant de victoires glorieuses sur une telle quantité de peuples, nous sommes maintenant proches de la conquête du monde, ce serait stupide et ridicule pour moi de tenter de vous encourager par des mots comme si vous étiez des gens ne sachant pas se battre. Laissons ces propos aux généraux débutants, qui s’adressent à une armée inexpérimentée, de telles paroles sont indignes de moi et de vous. En effet, qui sait mieux que vous faire la
guerre ? Que peut-il y avoir de mieux pour un courageux, que la vengeance avec l’arme à la main. Plusieurs de vous ont versé leur sang pour la protection de la Gaule à la demande d’Aetius, qui nous a trahi et nous le punirons ! Nous nous jetterons maintenant sur l’ennemi : ce sont les plus courageux qui attaquent les premiers. Nous méprisons cet attroupement de peuples différents, qui ne s’entendent pas entre eux : ils ne sont unis aujourd’hui que par la peur.

Attila tend sa main vers l’adversaire :

- Regardez, comment avant la bataille ils se serrent craintivement les uns contre les autres sur les hauteurs, bientôt nous les pourchasserons de là. Pour les Romains est insupportable une moindre blessure ou même une éraflure. Pendant que, cachés derrière leurs boucliers, ils resteront entassés en masses immobiles, attaquez les Alains, les Burgondes et les Wisigoths. Vainquons vite leur cavalerie, coupons ainsi les nerfs et les tendons de l’armée ennemie.

Les yeux des commandants s’allument, ils serrent fort leurs lances et les manches de leurs épées.

- Jetons-nous sur l’ennemi avec la fureur et le courage ordinaires pour vous. Vous êtes des Huns : montrez votre résolution et la supériorité de votre arme. qu’un blessé tue son adversaire et celui, qui n’est pas blessé, les extermine. Ceux, qui sont destinés à vivre, survivront, mais ceux, à qui il est destiné de mourir, n’éviteront pas la mort, même sans guerre. L’ennemi ne supportera pas notre attaque !

Attila sort son épée du fourreau et la lève vers le ciel. Les trompettes sonnent. Les commandants reviennent à leurs détachements. Attila crie :

- Ce sont les plus courageux qui attaquent les premiers ! Les Huns, en avant !

***

Au début de la bataille, quand les cavaliers ostrogoths et wisigoths se sont jetés les uns contre les autres, en tenant à deux mains leurs longues lances, le roi Théodoric a été mortellement blessé par un Ostrogoth Andagis de la famille royale Amale. Les Wisigoths n’ont pas tout de suite remarqué la mort de leur roi vite écrasé par la cavalerie.

Salvien est au milieu d’un carré romain, non loin d’Aetius. Il voit l’attaque de la cavalerie hune, comment se heurtent les Wisigoths et les Ostrogoths. Les forces principales de la cavalerie hune se jettent sur les Alains et les Burgondes sans faire aucune attention à l’infanterie romaine. Les carrés romains et gépides, francs et germaniques se rapprochent lentement et commencent à se battre. Les Romains doivent repousser avec les lances les attaques fréquentes de la cavalerie d’Ellak sur leurs flancs et derrière en se protégeant des nuages de flèches par les murs de boucliers. Salvien, officier expérimenté, voit avec surprise les légionnaires portant des cuirasses si détestées par eux et même des casques lourds.

Les Huns mettent en déroute les cavaliers alains et bourgondes et une grande partie de leurs détachements disparait derrière l’horizon en poursuivant les deux armées des alliés romains fuyant en panique. Bien sûr, Attila reste avec l’autre partie de sa cavalerie pour commander la bataille de son camp. En voyant qu’Attila n’est plus entouré par une armée nombreuse, les Wisigoths osent attaquer les Huns. Mais les Ostrogoths, reformés et reposés, après un retrait temporaire dans leur camp, traditionnel pour leur tactique, se jettent avec une nouvelle force sur les Wisigoths. Plusieurs Goths n’ont plus leurs lances restées sur les corps de leurs adversaires ou de leurs chevaux. On se bat donc essentiellement avec les épées. Beaucoup de guerriers huns ont deux glaives, une longue épée dans la main droite et une latte dans la main gauche. Certains se battent avec une arme qui ressemble à une lance à deux extrémités, une coupante et l’autre perforante. Bientôt Attila emmène ses guerriers se reposer et pourchasse les Wisigoths proches du camp par un nuage de flches.

En craignant un coup fort de la cavalerie hune et ostrogothe après le repos, la cavalerie wisigothe se divise en quelques petites armées. Bientôt la cavalerie hune et wizigothe, dispersée en détachements, commence un jeu de poursuite et d’évasion sur tout l’espace immense des Champs catalauniques. Dans le cas extrême, les cavaliers wisigoths se sauvent parmi les carrés romains et sortent de nouveau, quand s’éloignent les cavaliers huns attirés par la poursuite des autres détachements de l’adversaire. Salvien ne voit qu’un petit fragment de la bataille et ne sait pas ce qui se passe ailleurs. Aetius commence aussi à montrer des signes d’inquiétude. Les Romains occupés par l’observation continue des manoeuvres de la cavalerie d’Ellak, rangés dans les carrés impénétrables, font lentement reculer l’infanterie de l’adversaire, moins nombreuse mais bien protégée par la cavalerie, et qui se bat avec une assurance tranquille. Soudain, Aetius profite de l’absence temporaire de la cavalerie de l’adversaire et sort du carré et court vers l’autre carré romain, situé sur un endroit plus élevé et chargé de la protection des détachements de la cavalerie disparaissant dans son intérieur. Certains détachements entrent dans ce carré d’un côté et sortent ensuite de l’autre côté et disparaîssent derrière les collines. Salvien pense : «Les enfants ! La jeunesse verte ! Ils jouent plus qu’ils ne se battent ! Ils attendent la nuit pour survivre.» Ensuite il se souvient que c’était l’ordre d’Aetius de jouer à ces jeux, pour se tenir contre les forces surpassantes de la cavalerie adverse. Dans quelque temps, Salvien passe, lui-aussi, dans le carré voisin et commence à chercher Aetius :

- Où est le patrice !

Un soldat le regarde d’un air fatigué et montre de la main l’autre carré, à peine visible dans le crépuscule qui commence :

- Il est allé dans cette direction.

La nuit tombe, les trompettes hunes se mettent à sonner. L’infanterie germanique se retire en ordre vers les endroits où appelent d’invisibles clairons et des signaux lumineux. Les Romains, n’ayant reçu aucun ordre, restent avec l’infanterie alliée sur place dans les carrés spontanément rapprochés ou montés sur les hauteurs. Les forces principales des Wisigoths préfèrent s’éloigner à une distance sûre et se disperser sur les hauteurs de la chaîne des Monts de Reims qui bordent à l’ouest les Champs catalauniques. Le prince Thorismond profite de l’obscurité pour attaquer avec son détachement un camp hun, mais est blessé à la tête et réussit difficilement à échapper à la captivité.

Où était Aetius tout ce temps ? Il n’apparait que tard dans la nuit accompagné d’un détachement de Wisigoths qui l’ont retrouvé. Aux questions de Salvien et des autres ses officiers qui l’entourent aussitôt, Aetius explique :

- Je me suis égaré dans l’obscurité. Ensuite je suis tombé sur un camp hun. J’ai réussi à me sauver. J’ai dû me cacher souvent dans l’herbe ou parmi les buissons en revenant avant de trouver un campement wisigoth.

Tous sont ébranlés. Leur commandant a failli être capturé ! Dans l’esprit de Salvien et de plusieurs autres officiers vient la même idée : «Peut être, en réalité, Aetius a-t-il rencontré son ami Attila ?»

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