Pape Léon

Extraits du roman de Grigori Tomski "Les amis d'Attila"

Attila et Léon

Attila accepte de recevoir la délégation romaine présidée par Léon I, appelé par les historiens suivants Léon le Grand, devenu Saint Léon de l’église catholique. Il est accompagné par les sénateurs Avientus et Trigetius. Le secrétaire de l’ambassade est Prosper d’Aquitaine.

Le 4 juillet 452. La chaleur est torride. A cinq heures du soir, dans la magnifique tente impériale, commence un dîner donné par Attila en l’honneur du pape romain Léon. Attila, vêtu à la romaine, a décidé que le dîner doit se passer dans une ambiance amicale. Il invite le pape à s’asseoir en face de lui, place Avientus à sa droite et Trigetius à sa gauche. Léon a Onégèse à sa droite et Edecon à sa gauche. En bout de table sont placés les secrétaires des délégations, d’un côté, Prosper, et de l’autre côté, Oreste, qui a accepté pour cette occasion exceptionnelle le rôle de secrétaire de la délégation hune.

Les mets et les vins sont délicats. Afin de diminuer la tension des Romains, Attila commence à parler couramment, en latin et grec, du temps, des années de ses études en Italie, de ses voyages dans les pays lointains. On aborde ensuite des sujets différents et les plus agréables possibles. Attila comprend vite, avec grand regret, que Léon ne parle pas grec, c’est pourquoi, par la suite il ne parle que latin. Léon est charmé par l’empereur hun si éduqué et mondain. Les Romains commencent à espérer pouvoir s’entendre avec lui. Et voilà, Attila propose à Léon d’examiner toutes les questions politiques, en tête à tête, le lendemain.

Après ce dîner si amical, Léon se sent en sécurité relative et commence à se préparer à une longue conversation tranquille. Il éprouve un grand intérêt pour son partenaire, puissant et terrible. En effet, Attila, qui traitait les empereurs romains Théodose et Valentinien comme ses vassaux, pouvait se comporter avec Léon très brutalement. Le pape s’imagine ce que pouvaient faire d’Attila, en cas de sa défaite, les empereurs romains et même les évêques, impitoyables avec les païens, les ariens, les donatistes et les autres adversaires. Léon ne s’endort pas longtemps. En effet, pourquoi Attila est-il si gentil avec lui, pourquoi était-il tellement attentif aux demandes des évêques et aux prières de Geneviève en Gaule ?

***

L’après-midi du 5 juillet, l’empereur des Huns et le pape romain tiennent leur conversation confidentielle. Attila commence naturellement par l’analyse de la situation politique et militaire, catastrophique pour les Romains. Léon soupire involontairement :

- Vous avez certainement raison ! Il est impossible de nier les choses évidentes. La situation pour les Romains est vraiment catastrophique. Je n’ai pas de raisons de douter que vous deveniez bientôt le maître de l’Italie et réaliserez ensuite votre rêve de la création de l’Empire romano-hunnique que vous avez évoqué tout à l’heure. Je ne vous pose qu’une question principale : que sera dans ce cas le sort de l’Eglise et de la population chrétienne ? Les chrétiens jusque récemment étaient poursuivis cruellement par l’état. J’ai peur que de nouvelles épreuves ne les attendent.

Attila remarque :

- Dans mon empire, les chrétiens, comme les représentants des autres religions, se sentent tranquilles. Les centaines de milliers d’Ostrogoths et les autres Germaniques sont chrétiens, sans parler des anciens Romains de la Dacie et de la Pannonie, des Grecs de la mer Noire et des villes balkaniques, occupées par nous. Des millions d’habitants des steppes du Danube jusqu’à la Chine croient aussi en un Dieu unique et tout puissant.

Le pape écoute avec grand intérêt cette déclaration et s’anime :

- Malheureusement les Goths sont ariens. Nous avons des différends importants.

Attila l’interrompt :

- Nous trouvons que plusieurs voies peuvent conduire vers le même Dieu. En plus, je ne pense pas qu’un simple Goths comprenne la différence entre les divers courants du christianisme. Dans tous les cas, je vous promets après la création de l’Empire romano-hunnique le soutien officiel de l’Eglise chrétienne et l’aide à la christianisation volontaire des habitants de l’Espagne et de l’Afrique jusqu’à la frontière chinoise.

Surpris, le pape s’exclame involontairement :

- De l’Espagne et de l’Afrique jusqu’à la frontière chinoise !

Attila sourit :

- Les Huns pensent qu’il sera un jour un souverain sur la terre comme il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel. Alors vous pourrez répandre votre foi parmi tous les peuples.

Léon se souvient que les Francs et plusieurs autres peuples germaniques restent encore païens et continuent à apporter des sacrifices humains, qu’une partie de la population de la Gaule extermine les missionnaires chrétiens. Pour le christianisme encore faible, récemment devenu religion d’Etat, qui n’a pas encore lancé de racines profondes dans la conscience même de la population des Empires romains, s’ouvre une perspective ambitieuse dans situation politique dramatique. Léon revient de son étonnement :

- Vous savez, je suis réaliste, et pas rêveur. Mais votre proposition est extrêmement séduisante. Je réfléchirai.

Attila le regarde attentivement :

- En fait, vous êtes aussi constructeur d’un empire comme moi. Grâce à vos réformes la papauté romaine devient une force politique sérieuse. La cour papale ressemble maintenant à la cour impériale. Les évêques dépendent de plus en plus de vous. Je suis ravi de voir l’évolution de cet empire invisible sans aucunes frontières. Votre création peut survivre même à la disparition éventuelle des deux Empires romains. Je vous trouve l’homme le plus sage de la terre !

Léon est flatté et dit très sincèrement :

- Merci pour la compréhension ! C’est très difficile pour moi, je fais de grands efforts comme vous le faites aussi. Cette ambassade est la toute première grande mission diplomatique de l’église catholique et je voudrais, que mon intervention soit couronnée de succès.

Attila le regarde dans les yeux et dit lentement :

- Je compte que l’Eglise puisse aider à la consolidation et garantir la stabilité du futur Empire romano-hunnique. Je propose de commencer sérieusement à réfléchir sur la possibilité de notre future union sur la base de la communauté d’intérêts. Je peux aider l’Eglise à l’élargissement rapide de sa sphère d’influence. Nous discuterons cette question en détail, quand je viendrai en Italie la prochaine fois.

Le pape tressaille involontairement. L’empereur continue tranquillement :

- Pour moi la victoire militaire n’est pas la chose la plus importante. Pour cette année, il me suffit de gagner votre amitié et votre compréhension. Votre mission sera couronnée d’un grand succès. Je suis d’accord pour quitter l’Italie avec mon armée à la condition de...

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Grigori TOMSKI,  ATTILA ET LEON, 2000

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