Valentinien III

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Attila en Italie

Après la bataille des Champs catalauniques et le départ d’Attila de la Gaule, à Ravenne, malgré tous les efforts d’Aetius, la tristesse et l’alarme remplacent de nouveau un soulagement de courte durée. Le patrice n’a pas réussi à obtenir la main de la princesse Eudoxie pour son fils Gaudentius. Le chroniqueur Prosper d’Aquitaine note qu’en 452 «Les habitants, terrifiés d’angoisse, étaient hors d’état de se défendre». Au printemps, Attila attaque l’Italie avec une grande armée, composée cette fois principalement de Huns. On savait, que Ravenne poussait Constantinople à des actions communes contre les Huns. C’est pourquoi, dans l’armée d’Attila en Italie n’étaient que des volontaires gépides et ostrogoths. Le gros des armées de ces principaux alliés germaniques d’Attila, vivant sur les Balkans et au nord de la mer Noire, restait pour protéger la frontière du Danube.

L’empereur Valentinien convoque Salvien :

- Vous êtes une des rares personnes avec qui je peux parler sincèrement. L’année dernière j’ai donné à Aetius seulement un quart des légions italiennes. Maintenant, quand Attila commence à envahir l’Italie et assiège Aquilée, je suis obligé de donner à Aetius toute l’armée italienne. On ne peut plus agir autrement. Mais aujourd’hui, Aetius me propose de quitter Ravenne et de me retirer à Arles ou encore plus loin dans la profondeur de la Gaule. Que faire ?

Salvien éprouve de nouveau de la pitié pour le jeune empereur :

- Il a une poigne forte ! En Gaule vous serez entouré par ses troupes et serez en son pouvoir. Vous savez bien sa perfidie, sa soif du pouvoir et sa cruauté.

Valentinien soupire :

- Oui, je me rappelle parfaitement, comment il a éliminé ce pauvre Boniface.

Ses yeux se remplissent des larmes :

- Grand Dieu, pourquoi dois-je dépendre toute ma vie de cette personne ! Quand cette situation pénible se terminera-t-elle !

Salvien dit d’une voix ferme :

- Vous ne devez pas partir pour la Gaule ! Mais vous ne pouvez pas non plus rester à Ravenne, si je comprends bien la stratégie d’Aetius. Vous devez évacuer votre cour à Rome.

Valentinien essuie ses larmes et demande :

- De quoi parlez-vous ?

- Aetius abandonnera très probablement le nord de l’Italie et, peut-être, Ravenne, au pillage des Huns, en sachant que la cavalerie hune après quatre mois de campagne doit obligatoirement rentrer aux steppes. Alors il simulera de nouveau une offensive. D’ailleurs, il ne peut faire autrement. S’il livre bataille plus tôt, alors les Huns furieux de cet empêchement l’écraseront et toute l’Italie sera perdue.

L’empereur se calme un peu :

- Merci pour ce conseil. Je ferai ainsi. Je me retirerai à Rome avec ma Garde et demanderai à Aetius qu’il ne laisse pas passer les Huns au sud du Pô.

Ensuite son visage prend de nouveau une expression anxieuse :

- Mais que faire, si Aetius est en complot avec Attila ?

Certainement, Salvien ne pouvait pas dire à son parent : «Alors, tout est fini !» et il essaie de le calmer :

- Oui, on soupçonne qu’il a rencontré Attila sur les Champs catalauniques pendant la nuit. Mais les preuves directes sont absentes. Quand il a disparu et réapparu j’ai aussi commencé à le soupçonner, mais le lendemain il a dispersé mes doutes par son courage et son don de commandement.

***

Les Huns ont pris toutes les villes principales de l’Italie du nord. Seule Aquilée avec sa forteresse très puissante a résisté longuement. La princesse Honoria a disparu sans laisser aucune trace. Les rumeurs les plus folles circulent sur son destin. C’est pourquoi Attila a commencé à penser qu’elle a probablement été tuée et a durci la guerre. Effrayé par les rumeurs sur la férocité des Huns, les villes cédaient le plus souvent sans résistance, les habitants se dispersaient dans la panique. L’armée romaine restait timidement sur le bord sud du Pô en observant sans rien faire les fumées des incendies sur l’ autre bord. Ni l’empereur d’Orient Marcien, courageux dans ses propos devant les courtisans, ni le jeune roi wisigoth Thorismond ne s’empressaient au secours des Romains. Les rois barbares, qui ont obtenu une indépendance de fait, et les paysans insurgés se limitaient dans le meilleur des cas aux prières pour le sauvetage des Romains. La démonstration de la force et la discipline des Huns a poussé une fraction importante de la population de la Gaule, souffrant de la crise, à réfléchir à une possibilité de vie plus sûre et à la réduction de la charge fiscale, si Attila devenait leur empereur en cas de mariage avec la princesse Honoria ou à la suite de sa conquête. Les Wisigoths ont commencé la guerre contre les Alains du roi Sangiban, leurs alliés d’hier, et se préparent à une nouvelle marche sur Arles afin d’obliger les Romains à des concessions encore plus importantes.

Dans un des palais de Milan, Attila trouve avec surprise et indignation un tableau sur lequel sont dessinés les empereurs romains assis sur les trônes, et les rois scythes tombés à genoux devant ceux-ci. Sa vengeance à cette manifestation de la vanité romaine est subtile et sage. Il invite un peintre et lui ordonne de changer les personnages et les rôles, de dessiner sur la même toile Attila, assis sur le trône, et les empereurs romains obéissants devant lui, mettant sous ses pieds des sacs plein d’or symbolisant les tributs qu’ils lui payaient.

Après ces corrections, il organisait le vernissage du nouveau tableau. Tous les habitants de Milan ont dû passer devant ce tableau. Les spectateurs étaient frappés par le réalisme terrible de cette nouvelle version.

***

A Rome la peur devant les Huns se transforme en panique. L’empereur Valentinien et plusieurs nobles Romains sont prêts à se sauver à bord des navires vers Constantinople. Mais cette solution ne serait que temporaire. Après la victoire sur l’Empire romain d’Occident, Attila mettra sûrement de nouveau à genoux l’Empire romain d’Orient ou le supprimera . Dans cette situation, tous veulent des négociations avec les Huns. Où est-elle la princesse Honoria ? Il faut la marier avec Attila ! Mais alors que deviendra le pauvre empereur Valentinien ? Peu importe, ne pensons pas à lui à un tel moment terrible ! L’essentiel, c’est de rester vivant, on verra ensuite que faire !

L’empereur Valentinien se décide à envoyer une délégation aux Huns. Il faut essayer d’éviter le pire, demander à Attila ses conditions, aller avec des cadeaux, être prêt aux revendications humiliantes, accepter le paiement du tribut annuel. Le Sénat vote unanimement les négociations et désigne comme ambassadeurs les deux sénateurs les plus respectés. La réunion des habitants de la Ville éternelle approuve cette décision.

Une nouvelle réunion du Sénat en présence de l’empereur, des ministres et des généraux. Qui présidera l’ambassade ? La question est difficile. Aucune garantie qu’Attila recevra des ambassadeurs dans une telle situation, si favorable pour lui. Peut-être, peut-on envoyer son ancien ami Aetius ? Plusieurs sénateurs et les conseillers de l’empereur objectent violemment. En effet, on ne peut pas prévoir sur quoi Aetius tomberait d’accord avec Attila car il est capable de tout ! Puis on se rappelle qu’en Gaule les évêques Aignan et Loup ont trouvé un accord avec Attila. On dit qu’ensuite Loup a même écrit une lettre à Attila avec la demande de relâcher les otages donnés par la ville de Troyes. Et Attila a renvoyé ces otages ! Progressivement, tout le monde accepte l’idée que la délégation doit être dirigée par le pape romain Léon.

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