LES RECITS DE SOUVENIRS ET LA GUERRE DE 1870

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Article

Typologie des récits selon la date d'énonciation

Typologie des récits selon les intentions

Un souvenir pour mobiliser dans le cadre d'un poème

Jessica Payne et les témoignages

A lire aussi


 

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Première guerre européenne à mobiliser massivement des appelés à une époque où la démocratisation de l’instruction avait augmenté la population apte à écrire, le conflit franco prussien de 1870-1871 a donné lieu à une abondante production de récits évoquant le vécu des auteurs. Correspondances, carnets de guerre, souvenirs d’une opération ou de toute la campagne, mémoires…etc. : sous les formes les plus diverses près de 1350 documents publiés ou encore inédits peuvent être actuellement recensés pour le seul camp français. Cet important corpus de textes a été l’une des toutes premières sources à laquelle se sont référés les historiens de la période. Non seulement ils sont plus attrayants que les austères séries d’archives que ces derniers ont mission d’éplucher mais ils ont aussi été plus vite offerts à leur curiosité. Faute de pouvoir recourir aux archives de l’armée fermées au public jusqu’en 1901, nombre de ces témoignages ont même servi de base au premier récit national sur le conflit. A ce titre, les « récits de souvenirs » ne sauraient être sous estimés tant ils ont pu conditionner la mémoire collective des Français jusqu’à la veille de la Grande Guerre.

Toutefois, beaucoup de textes publiés sous le titre de Souvenirs n’en sont pas véritablement ; a contrario, d’autres ignorent cette qualification qu’ils mériteraient pourtant. Le titre d’un ouvrage ne peut suffire à l’identifier comme « récit de souvenirs ». Seul leur contenu permet de discerner ces derniers. Encore faut-il s’entendre sur ce que recouvre la notion.

 

Les récits de souvenirs et la guerre de 1870

 

Peut être considéré comme « récit de souvenirs » tout discours (oral ou écrit) rapportant une série de faits ou sentiments passés tels que le narrateur pense les avoir personnellement vécus. Ainsi posée, la définition paraît simple. Les mots soulignés par la mise en italique doivent, cependant, être bien compris.

1°) Comme énonciation d’un vécu, il est couramment admis que le « récit de souvenirs » n’est pas l’énonciation de ce qui a été ; il est seulement exposé de ce qui a été perçu par le narrateur ;

2°) En tant que texte rapportant une série de faits ou sentiments, le récit n’est pas la présentation d’un souvenir isolé tournant autour d’une même et unique circonstance (un flash imprimé dans la mémoire, par exemple). Il énonce, au contraire, plusieurs souvenirs appartenant à une chaîne de faits s’inscrivant dans la durée (que celle-ci soit d’une journée ou six mois, peu importe) ;

3°) Le « récit de souvenirs » expose un point de vue personnel. Il n’a pas vocation à rapporter le point de vue d’un tiers ou d’une communauté humaine ; s’il le fait, il n’en dit que ce qu’il croit être l’opinion d’autrui, nullement celle-ci ;

4°) Enfin, le récit rapporte ce que le témoin pense avoir vécu. S’il sait que son récit n’est que sa version personnelle des faits rapportés, il croit néanmoins qu’elle est conforme à ce qu’il a perçu à chaud alors qu’il n’en est rien. De fait, il rapporte uniquement ce qu’il s’imagine avoir vécu au moment où il en parle, autrement dit le souvenir qu’il en a au présent de la narration.

« Aucun (souvenir) ne reflète 100% de la réalité » prévient Pascale Piolino, maître de conférence à l’université de Paris Descartes[1]. « Tout souvenir est fiction » dit-elle encore de manière abrupte. Sans reprendre cette formule à la lettre, il faut admettre néanmoins qu’en tant que réminiscences du passé se déclinant au présent de leur énonciation, les souvenirs forment un matériau aussi malléable que fugace. Sources documentaires incontournables, les récits qui les rapportent doivent donc être abordés avec prudence dans la mesure où ils se révèlent être un savant dosage d’impressions premières (images, bruits, odeurs, sentiments…) – noyau dur assez immuable pour conférer une valeur d’authenticité au dit récit – et de convictions secondes, fruits d’informations reçues a posteriori ; un dosage très fluctuant, qui plus est, parce que ces informations reçues après coup ne le sont pas toutes en même temps : elles s’accumulent autour des impressions premières au fil du temps, dans un ordre dispersé autant que capricieux. Cette particularité a pour effet de faire vivre les souvenirs, de les rendre inconstants et de favoriser des corrections successives dans l’esprit de celui qui les porte. Or un tel processus n’est pas innocent : les « récits de souvenirs » se posent en effet comme textes diffusant la vision qu’un narrateur conserve du passé alors qu’ils ne font que transmettre une des versions possibles de ce point de vue. Oublier ce caractère paradoxal d’un travail consistant à fixer comme définitif une histoire qui, par oublis et réinterprétations successives, ne cesse de changer au fil du temps, revient alors à prendre le risque de faux sens et d’anachronismes par rapport à ce qui s’est réellement passé pour le narrateur ; celui aussi de se retrouver en présence de témoignages contradictoires bien qu’ils soient issus de la même main. Certes, dans la plupart des cas, les variations entre deux récits produits par un même auteur sont ténues et sans conséquences historiographiques graves ; mais rien ne permet de l’affirmer a priori et il arrive qu’un même témoin puisse dire quelque chose une fois, son contraire une autre fois. L’analyse des lettres de Charles-Yves Quentel ou celle d’Eugène Priouzeau[2] en donne de bons exemples. Quand on sait, par ailleurs, que 30% des individus sont susceptibles de produire en toute bonne foi des « faux » souvenirs, il y a assez de bonnes raisons pour penser que les « récits de souvenirs » ne sont pas des sources fiables. Pour autant, ils ne sauraient être écartés de toute étude dans la mesure où leurs défauts eux mêmes peuvent être sources d’informations historiques. Il faut seulement définir lesquels !

 

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1870 et les récits de souvenirs selon les positions du narrateur

 

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1870 et les récits de souvenirs selon le moment de leur énonciation

 

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1- Les récits « immédiats »

Les récits « immédiats » énoncent dans les minutes ou les heures suivants un événement l’ensemble des souvenirs que le témoin en garde. Ce premier récit est souvent oral ; sinon ce sont des récits de lettres, des témoignages recueillis par un enquêteur (un journaliste, par exemple), un rapport demandé par un supérieur…etc. De tous les récits (et sous réserve de bonne foi, un témoin pouvant délibérément commettre un faux témoignage), il est celui qui s’avère le plus proche possible de ce qui vient d’être vécu : non seulement l’oubli n’a pas encore produit trop de pertes ; mais les informations acquises a posteriori de l’évènement sont encore assez peu nombreuses pour beaucoup abîmer les premières impressions. Si un doute peut avoir commencé son travail de sape dans l’esprit du témoin, il est encore trop ténu (en général, du moins) pour agir de manière profonde sur le récit.

La notion de récit « immédiat » désigne ainsi des textes dont l’auteur est encore dans une ambiance très proche de celle qui a déterminé sa perception de l’évènement.

 

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2- Les récits « journaliers »

Les récits « journaliers » sont des textes (correspondance régulière, carnet de guerre, journal intime, chronique…) qui rapportent des souvenirs datant du jour même pour les plus rapides, du lendemain en général, voire du surlendemain. De ce fait, ils présentent encore les caractères propres aux récits « immédiats » : richesse des détails, fragilité, confusion. Mais ils sont d’une nature trop différente pour produire des résultats comparables.

 

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3- Les récits « tardifs »

Ouvrages de souvenirs, Mémoires, déposition dans le cadre d’un procès…etc., les récits « tardifs » énoncent les souvenirs plusieurs jours ou des années après le terme de l’évènement source. Ces récits sont donc tous des témoignages énoncés a posteriori. Ils se proposent de raconter une histoire, celle du narrateur ; mais, à la différence du récit « journalier », ils tendent à livrer un discours de synthèse. Fort de la connaissance que le témoin a de la fin de l’évènement, le texte en offre une vision globale. Le recul dont dispose l’auteur et le projet qui l’anime (transmettre une parcelle de la « vérité » historique) confère à ce type de récit une grande cohérence. Qui plus est, ils se renforcent souvent de la publication des archives personnelles du narrateur, documentation d’autant plus importante que celui-ci a occupé de hautes responsabilités. De tous les récits de souvenirs, ces récits sont généralement considérés comme les plus pertinents en termes d’intérêt historique. Leur caractère « tardif » oblige cependant à la prudence.

 

1870 et les récits de souvenirs selon l’intention qui les justifie

 

1- Rassurer  

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2- Se souvenir

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3- Rendre hommage

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4- Expliquer, justifier

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5- Mobiliser

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Du traitement historiographique des récits de souvenirs

 

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Sur la guerre de 1870, il n’y a pas non plus de récits de souvenirs meilleurs ou plus mauvais que d’autres, il n’y en a que de mauvaises utilisations. Pris séparément, chacun doit être analysé pour ce qu’il est : un simple point de vue combinant qualités et défauts propres à son type. Confrontés à d’autres récits, en revanche, ces récits témoignent de la manière dont une époque peut parler de son passé, le ressentir, le transmettre. Ils deviennent ainsi essentiels pour comprendre la Mémoire d’une génération. Sur ce point, trois observations spécifiques à 1870 peuvent être avancées.

1°) Si le récit de souvenirs n’est pas un genre littéraire nouveau, il prend, dans le dernier quart du 19è siècle, des proportions sans précédents dont témoigne la masse documentaire disponible. Celle-ci s’explique d’abord par l’importance que la défaite (prolongée par la Commune) a pu prendre dans l’esprit des Français : elle traduit l’impact que l’événement a inscrit dans la mémoire collective. Mais cette explication ne suffit pas : un phénomène semblable existe en Allemagne où le traumatisme de la défaite n’a pas joué. Certes, l’importance de la victoire et de la naissance de l’Allemagne peut avoir eu un même effet ; il semble toutefois que d’autres raisons participent de cette explosion du genre. Cette dernière serait aussi la marque d’une démocratisation des sociétés :

- Démocratisation de la guerre d’abord, la première qui ait fait appel aux « civils en uniforme ». Aux côtés des militaires de carrière qui s’étaient déjà habitués à rédiger leurs carnets de guerre ou à écrire à leurs proches à l’occasion des conflits (de Crimée, Italie ou Mexique, notamment), les appelés du contingent se sont trouvés confrontés à une expérience inédite pour eux. Le percevant d’emblée, beaucoup ont tenu à prendre des notes pour pouvoir la raconter. Ils se sont même d’autant plus prêtés à l’exercice qu’ils partirent avec l’idée d’une victoire assurée : ils seraient bientôt à Berlin et rêvaient de faire partager le bonheur de la victoire à leurs proches ! L’expérience de la guerre fut aussi inédite dans l’implication des civils, qui ne furent pas seulement victimes de l’invasion, de l’occupation et d’exactions diverses comme ce fut le cas en 1814, mais qui, se sentant personnellement impliqués par une guerre présentée et perçue comme celle des Français et non plus d’un Prince, s’engagèrent d’eux-mêmes comme volontaires ou francs-tireurs ; ou furent personnellement pris à parti comme ennemis (et non plus simples « dommages collatéraux ») dans le cadre de représailles, de combats (Bazeilles), de bombardements de ville (Strasbourg), de sièges de forteresse (Bitche, Belfort…). Cette implication des populations en tant qu’actrices de la guerre et les enjeux politiques de celle-ci ont augmenté de facto le nombre des narrateurs.

- Démocratisation de la société, ensuite, en termes d’alphabétisation. Celle-ci avait déjà commencé bien avant la mise en oeuvre des réformes de Jules Ferry. Or, plus de savoir écrire, c’est aussi un plus grand réservoir de mémorialistes.

2°) La tournure prise par les récits de souvenirs et l’évolution du genre tel qu’elle se présente en France sont un reflet du désastre militaire subi en 1870. La victoire aurait peut-être nourri un semblable engouement pour le récit de souvenirs ; la défaite a sans doute accentué sa nécessité dans la mesure où les Français, peu préparés à vivre l’humiliation qu’ils ont connu, ont éprouvé le besoin de comprendre, expliquer et donner sens à celle-ci. Dans ce cadre, les « récits de souvenirs » se sont vite tournés vers la recherche des responsabilités et le procès des coupables, un phénomène qui ne se retrouve pas à l’identique après la Grande Guerre où les récits se sont plus centrés sur les conditions de la guerre : plus que les généraux, en 1918, le « scandale » dont il fallait parler résidait dans la tranchée ; celle-ci était le vécu principal du poilu. La nature différente des conflits semble avoir ainsi produit des récits spécifiques à chacun.

3°) Les récits de souvenirs se rapportant au désastre de 1870 ont croisé le chemin d’une historiographie nationale en pleine construction. Outre l’écriture de l’histoire de la guerre franco prussienne elle-même qui, en attendant l’ouverture des archives de l’armée (1901) a largement puisé dans les souvenirs des acteurs, la France élaborait alors le grand récit national qui devait justifier la République et les ambitions internationales de la Nation redressée. Les récits de souvenirs relatifs à 1870 se sont inscrit dans ce contexte : ils étaient l’écho vécu de ce que Lavisse et ses pairs voulaient illustrer. Ils sont ainsi arrivés à point nommé pour donner corps à une identité nationale faite de patriotisme plus ou moins mythique. Dans ce dernier cadre, ils se sont faits support essentiel du discours de la Revanche, nourrissant les récits édifiants que les hussards noirs de la République avaient mission de diffuser dans les écoles, préparant les jeunes esprits à la Grande guerre et favorisant (sans le réussir à 100%) le « consentement » de 1914.

Dans quelle mesure ont-ils donné à la mémoire de la République ses « passés fondateurs » : la souffrance partagée, les luttes héroïques et le passé mythique tels que les décrivent Eric Keslassy et Alexis Rosenbaum ? Une question qui reste à approfondir.


 

[1] Sciences et Vie, juin 2008, p.60.

[2] Jean-François Lecaillon, La mémoire en mouvement. Trois versions de Forbach et Rezonville par Yves-Charles Quentel. Paris 2003 : http://mapage.noos.fr/jflecaillon/Pages/memoire_en_mouvement.htm. Reconstruction du souvenir : le soldat Priouzeau et l’affaire de Chambord. Paris, octobre 2008. http://mapage.noos.fr/jflecaillon/Pages/temoignagedumois.htm

 

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Annexe 1 : typologie des récits selon la date d’énonciation

 

 

Récit « immédiat »

Récit « journalier »

Récit « tardif »

Temporalité

très courte, quelques minutes à quelques heures (le jour J)

soir du jour J au lendemain, voire surlendemain

(24 heures en moyenne)

Au-delà des 48 heures

Supports

interrogatoire, journal, témoignage, carnet de guerre, lettre, rapport…

journal intime, carnet de guerre, lettre, rapport, commentaire de presse, chronique

Livre, discours anniversaires, dépositions lors de procès

Qualités

Spontanéité,

Authenticité en termes d’ambiance,

Richesses des détails,

Peu marqué par des informations a posteriori ou extérieures au témoin

Richesses des détails,

Périodicité de l’écriture (souvenirs mis sur un même plan),

Authenticité en termes d’ambiance,

Clarté du récit qui lui donne sens.

Cohérence du texte,

Livraison de documents d’archives personnelles,

Mise en perspective historique des souvenirs…

Défauts

Confus, incohérences,

Informations mal hiérarchisées

Déformations provoquées par les contraintes de l’énonciation, la recherche de sens ou le projet d’écriture posé a priori (spontanéité affaiblie)

Effacement de nombreuses informations évènementielles (détails oubliés) ou d’atmosphère ;

Énonciations anachroniques (informations importées a posteriori).

Risque d’explication de l’histoire par les souvenirs

A privilégier pour

Évaluation de l’impact de l’évènement sur les contemporains de celui-ci.

évaluation d’une opinion et de son évolution détaillée ; pour la connaissance des réalités du quotidien, des arrière-plans de l’évènement.

pour les archives et anecdotes inédites ;

pour l’histoire de la mémoire de…

 

Annexe 2 : Typologie des récits selon les intentions

 

 

Rassurer

Se souvenir

Rendre hommage

Expliquer

Mobiliser

Moment

Immédiat

Journalier

tardif

tardif

tardif

Destinataires

Les proches

Soi même

Les proches

Soi-même

Public

Les camarades

Les familles

Public

Les juges

Autorités

Public

Opinion

Public

Supports

Lettres

Journal intime

Carnet de guerre

Journal intime

Carnet de guerre

Notes

Discours

Lettres

Livres

Rapports

Dépositions

Livres

Presse

Discours

Livres

Presse

Qualités

Authenticité des sentiments

Faibles remaniements a posteriori

Richesse des détails,

Continuité du témoignage,

Faibles remaniements a posteriori

Détails positifs,

Les relations de groupes et sentiments générés par celles-ci.

Cohérence d’ensemble,

Archives personnelles,

didactisme

Cohérence d’ensemble

Défauts

Éliminations des informations inquiétantes.

Confusion du récit.

Spécialisation du récit,

Manque de spontanéité

Tri des informations,

Sacralisation et légendes

Partialité

Relecture a posteriori.

Évolution des sentiments écrasée,

Ressenti du moment oublié

Déformations et reconstruction du passé,

Instrumentalisation,

Exagérations,

Usages

Impact sur les esprits.

Nature des relations privées

Ambiance avant et après l’évènement,

Évolution des sentiments,

Recherche des détails.

Informations de détails.

Histoire de la Mémoire.

Point de vue d’un témoin

Histoire de la Mémoire.

Informations inédites sur archives.

Histoire de la Mémoire.

Histoire des conséquences du sujet initial.

 

 

Annexe 3 : un souvenir pour mobiliser dans le cadre d'un poème.

 

normand (Jacques)

« 1870 »

Le laurier sanglant

Paris, 1916

 

  

Ancien mobile de Paris, participa au siège de la capitale en 1870

Écrit « 1870 » et l’adresse au « bulletin des anciens mobiles et combattants de 1870 et de 1915 de la Gironde, fasc.11, 3ème année, juin 1916. Page 3.

 

Dans ce sonnet, l’auteur évoque ses souvenirs ; mais dans la forme comme dans le contenu, il utilise ceux-ci pour mobiliser les hommes de 1915 en sacralisant son passé.

 

Les jeunes d’aujourd’hui vont répétant souvent,

Avec un petit air détaché qui s’impose :

« Oh ! cette guerre là, c’était bien peu de chose….

« Plus de bruit que de mal… Un simple jeu d’enfant !... »

 

« Le Prussien d’alors, gentiment triomphant,

Se montrait combattant courtois, à l’eau de rose…

Le Boche d’aujourd’hui, sanguinaire et morose,

Assassin en priant, brûle en philosophant… »

 

Amis, rendez hommage à l’œuvre de vos pères !

Ils ont connu la plus sombre de ces deux guerres,

Celle où jamais l’espoir ne brilla dans les yeux ;

 

Sous l’ouragan fatal ils ont courbé la tête…

Mais, ils nous ont transmis, à travers la défaite,

L’héritage d’honneur qu’ils tenaient des aïeux !

 

 

 

Annexe 4 : Jessica Payne et les témoignages

 

Jessica Payne, du département de psychologie de l’Université d’Harvard aux Etats-Unis, et ses collaborateurs, ont suscité un stress psychosocial chez des étudiants avant l’acquisition (ou encodage) d’un diaporama accompagné d’un récit chargé ou non d’émotions. L’induction du stress a été efficace puisqu’elle a provoqué une libération accrue des hormones habituellement sécrétées dans ce type de situation, mais elle a eu d’autres effets. Elle a ainsi amélioré la mémoire à long terme des épisodes émotionnels et détérioré celle des épisodes émotionnellement neutres. En outre, les « témoins » stressés ont généré un plus grand nombre de faux souvenirs d’informations neutres.

Toutefois, l’influence du stress psychosocial n’a pas les mêmes effets sur la mémoire émotionnelle selon le moment où il est éprouvé. Les résultats obtenus par l’équipe de Jessica Payne ont été observés lorsque le stress est induit avant l’encodage. Une expérience publiée par Sabrina Kuhlmann et ses collègues de l’Institut de psychologie expérimentale de l’Université de Düsseldorf en Allemagne, montre qu’un tel stress administré avant la remémoration détériore la récupération différée des informations. Cependant, la mémoire des informations émotionnelles en souffre plus que celle des informations neutres. Le stress d’un interrogatoire peut donc fragiliser le témoignage.

Est-ce que le stress perturbe le fonctionnement de la mémoire des témoins et des victimes ou, au contraire, lui est bénéfique ? Manifestement, la réponse à cette question est complexe. L’influence du stress sur la mémoire dépend notamment (mais pas seulement) du moment où il est éprouvé et de la charge émotionnelle des événements. Pour quelle raison ? Certainement parce que la mémoire est sensible aux effets différentiels des hormones libérées au cours du stress (les glucocorticoïdes comme le cortisol et les catécholamines comme la noradrénaline) sur les différentes régions du cerveau impliquées (amygdale, hippocampe et cortex préfrontal).

 

Références :

Kuhlmann, S., Piel, M., & Wolf, O.T. (2005). Impaired memory retrieval after psychosocial stress in healthy young men. The Journal of Neuroscience, 25, 2977-2982.

Paynes, J.D., Jackson, E.D., Hoscheidt, S., Ryan, L., Jacobs, W.J. & Nadel, L. (2007). Stress administered prior to encoding impairs neutral but enhances emotional long-term episodic memories. Learning & Memory, 14, 861-868.

 

Voir Psychotémoins (CNRS).

 

 

A lire aussi :

Faux souvenirs et émotion par Franck Arnould :

 

Le paradigme DRM (Deese, 1959 ; Roediger & McDermott, 1995) est la tâche cognitive la plus populaire pour analyser en laboratoire les faux souvenirs (Pezdek & Lam, 2007). Dans cette épreuve, les participants mémorisent des listes de mots conçues chacune d’une façon particulière. Chaque mot d’une liste est un associé, selon des normes linguistiques connues (par exemple, Lit, Repos, Bâillement, Fatigue...) d’un autre mot qui, lui, n’est pas présenté (Sommeil). A des taux souvent élevés, les adultes rappellent ou reconnaissent à tort le mot associé à la liste, mais non étudié.

Dans un article paru dans Psychological Science, Charles J. Brainerd et ses collègues utilisent une version particulière de cette tâche afin d’étudier l’influence des émotions sur la formation de faux souvenirs. Les listes sont constituées de mots émotionnellement positifs, neutres ou négatifs. Les auteurs prennent soin de contrôler le niveau d’activation (arousal ou éveil émotionnel) suscité par ces mots, qui est identique pour toutes les listes. Les données indiquent que les émotions négatives sont responsables du nombre le plus élevé de faux souvenirs (reconnaissance de mots nouveaux associés aux listes). En revanche, les émotions positives protègent contre les erreurs de mémoire. Les listes émotionnellement neutres provoquent un nombre de faux souvenirs intermédiaire entre celui suscité par les émotions négatives et celui généré par les émotions positives.

Selon Charles J. Brainerd et ses collaborateurs, les émotions négatives renforcent la perception de la similitude sémantique entre les items étudiés et les mots nouveaux qui leur sont associés, les personnes ayant aussi plus de difficulté à utiliser les traces mnésiques détaillées des mots mémorisés pour éviter les erreurs de mémoire (voir Encadré). Peut-on, néanmoins, généraliser ces résultats et ces interprétations aux souvenirs de témoins et victimes présumés de crime ? Le paradigme DRM est, effectivement, l’objet de débats concernant sa pertinence pour expliquer la formation de faux souvenirs en dehors du laboratoire (Freyd & Gleaves, 1996, Roediger & McDermott, 1996 ; Pezdek & Lam, 2007 ; Wade et al., 2007).

 

La théorie des traces floues

Charles J. Brainerd et Valerie F. Reyna développent depuis plusieurs années une théorie de la mémoire selon laquelle les expériences sont stockées en parallèle sous deux formes : les traces représentant les détails des évènements (verbatim traces) et les traces représentant leur sens général (gist traces). Cette théorie expliquerait de nombreux phénomènes liés aux faux souvenirs. Par exemple, elle permet de comprendre pourquoi les jeunes enfants font moins d’erreurs dans la tâche DRM parce qu’ils sont moins sensibles au sens général des listes, comparativement à leurs camarades plus âgés et aux adultes (Brainerd & Reyna, 2008).

 

Stress et témoignage oculaire : une histoire effrayante ! par Frank Arnould :

Souvenirs authentiques ou suggérés ?

 

Autre ressource Internet en rapport avec le sujet

Tzvetan Todorov : La mémoire devant l’histoire

 

 

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