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Mon frère Olivier, ayant reçu son prix de composition du
Conservatoire de Paris à dix-sept ans, donne quelques concerts,
séjourne à Londres (où il devient un véritable
dandy), revient samuser à Paris. À dix-neuf ans, il
part à New York pour deux ans afin de se perfectionner auprès
du compositeur Luciano Berio, alors professeur à Juilliard School.
Il devient lélève de Berio, puis son assistant.
À son retour en France, il compose et donne en concert quelques
uvres qui sont encore jouées et enregistrées aujourdhui:
Wiener Konzert, Le Tombeau de Ravel, Bomben auf Engelland.
Très affecté par la maladie et la mort de sa mère
(en 1978), il se console par la méditation et par une recherche
spirituelle qui le mène auprès dun gourou indien
établi à New York. Il compose une uvre importante,
la Sonate de Requiem pour violoncelle et piano, en hommage
à sa mère. Il la crée en 1979 avec Frédéric
Lodéon. Cette musique est déjà marquée par
lengagement spirituel du compositeur: elle prétend décrire
le parcours de lâme sélevant vers lau-délà
après la mort, etc.
Lopéra de Paris lui commande un mini-opéra. Il écrit
Nô, sur un sujet vaguement hindou malgré le titre
japonais. Très déçu par léchec de cette
uvre, créée en 1981 au centre Pompidou, Olivier cesse
de composer de la musique classique pendant dix ans environ.
Il nest pas retiré du monde, comme on pourrait
le croire, mais exerce plusieurs professions. Il est dabord une
sorte de musicien attitré de son gourou, comparable aux maîtres
de chapelle des princes au XVIIIème siècle. Il fonde, anime
et dirige des churs de disciples en France et dans dautres
pays dEurope. Il arrange pour les churs des airs dévotionnels
composés par son gourou. Il part en tournée avec le chur
français aux quatre coins du monde: en Union Soviétique,
en Australie, au Népal, au Japon, en Afrique du Sud. Il donne des
conférences sur la méditation pour recruter des disciples.
Il enseigne la méditation aux disciples recrutés. Il ouvre
une librairie boulevard Saint-Germain où il vend des livres spirituels,
des disques itou, des coussins de méditation cousus main par des
disciples, de lencens, etc.
Vers 1990, le chagrin provoqué par la mort de sa mère commence
peut-être à satténuer. Lenvie de composer
lui revient. Il donne dabord, en juillet 1993, une version révisée
de luvre qui illustre son deuil: la Sonate de Requiem. Cette
uvre est la plus enregistrée aujourdhui: trois disques
différents. Il compose ensuite les Lettres de Westerbork,
une uvre pour voix et deux violons sur des extraits des lettres
de Hetty Hillesum, créée à Radio France en octobre
1993. Hetty Hillesum, une juive hollandaise convertie au christianisme,
décrit dans ses lettres le camp de Westerbork, une sorte de Drancy
hollandais, où elle séjourne pendant plusieurs mois avant
dêtre déportée à Auschwitz. Une autre
uvre importante composée et donnée en 1993, la sonate
Le rêve du monde, comporte un mouvement intitulé
Wagon plombé pour Auschwitz.
Olivier, nous en discutons beaucoup vers cette époque, est parti
chercher en Inde ou à New York une réponse aux questions
qui nont pas de réponse. Il commence à comprendre
quil na pas besoin de voyager. Il na quà
regarder le bras de son père pour voir un numéro bleu qui
évoque le mystère de la condition humaine et le silence
énigmatique de Dieu.
Nous pouvons en discuter parce que jai découvert la même
chose. J'ai recueilli les témoignages de mes parents et de leurs
amis et jécris en 1994 mon premier récit, De
trop longues vacances, dont le héros est un jeune juif caché
dans une colonie de vacances pendant la guerre. Mon livre le plus lu (cinquante
mille exemplaires vendus environ), Le ring de la mort, raconte
la déportation à Auschwitz dun ami de mon père.
Olivier a toujours aimé composer pour la voix. Il a beaucoup mis
en musique Heinrich Heine et composé un magnifique cycle de lieder,
Les chants de lâme, sur des poèmes élizabéthains.
Vers 1996, il découvre un poète qui lui permet de sapprocher
un peu plus dAuschwitz: Paul Celan. Il met en musique ses poèmes
dans sa symphonie avec voix (1997) et dans une grande uvre de musique
de chambre, Loffice des naufragés (1998).
Olivier néglige le chur des disciples, le centre de méditation
et la librairie du boulevard Saint-Germain, non seulement parce quil
se consacre à sa musique, mais aussi parce quil est gravement
malade à deux reprises. En 1998, il divorce de son gourou et reprend
sa liberté.
Il meurt brusquement le 13 mai 2000, à cinquante ans. Lautopsie
ne permet pas de déterminer la cause de son décès.
Michel (mon autre frère) et moi, soutenus pas les amis proches
dOlivier, avons fondé une association Olivier Greif pour
faire éditer, jouer et enregistrer sa musique. L'association compte
aujourdhui environ quatre-vingts membres. Michel et moi, nous cédons
les droits Sacem de la musique à lassociation. Ces droits,
sajoutant aux cotisations des membres et à quelques subventions,
nous permettent de financer des concerts, des enregistrements, des gravures
de partitions, etc.
Nous avons aussi créé un site internet dont je moccupe.
On y trouve le programme des prochains concerts, une liste complète
des concerts depuis 1957, une biographie, un catalogue détaillé
des uvres, une discographie, des photos, un bulletin dinscription
à lassociation, etc.
Pour aller voir le site (dans une nouvelle fenêtre): http://www.oliviergreif.com
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Le Journal
La composition d’une musique intense et poignante, semblable à nulle autre, ne suffisait pas à exorciser les démons et apaiser les angoisses de ce créateur exalté et tourmenté, avançant sans répit dans une quête impossible de l’absolu : il avait aussi besoin d’écrire. Il baptise son travail « journal », tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’un journal, mais d’une sorte de carnet de bord. Il note ce qui lui passe par la tête : les évènements du jour, des analyses de sa musique et de celle des autres compositeurs, des considérations sur la littérature et la peinture, des propos tenus par Salvador Dali ou Olivier Messiaen, des conversations entendues dans l’autobus. Il écrit dans son journal les brouillons des nombreuses lettres qu’il envoie. Si sa musique était en général sombre ou, comme il le disait, « sérieuse », Olivier lui-même aimait beaucoup plaisanter. Ses textes sont souvent drôles et toujours très vivants.
Le journal manuscrit, qu'il a tenu de janvier 1971 à la veille de sa mort en mai 2000, compte plus de deux mille pages. J'ai réalisé une version abrégée représentant entre un cinquièmme et un quart du manuscrit, que l'éditeur Aedam Musicae a publiée en 2019. Cet éditeur a cessé d'exister. Un autre éditeur acceptera peut-être un jour de republier le Journal. En attendant, on peut le lire ou le télécharger au format PDF: Journal
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