- Chapitre 24
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- 25.10.02
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- Hier
il a plu sans discontinuer ; c'était merveilleux. Merveilleux parce que j'avais
oublié mon parapluie chez X, et tout, je veux dire, les phosphorescences, les
flaques d'eau, l'attitude compendieuse du hasard, l'intraitable agressivité de
la pluie et l'oubli de ce parapluie, tout me ramenait à la douceur de la soirée
passée la veille.
-
- Hier
à 13 heures 15, une fille aux longs cheveux torsadés, châtains aux reflets
d'or, la joue colorée vanille / fraise sous l'empire du vent s'engouffre dans
le Tabac à l'angle des rues Madame et de Vaugirard. Elle en ressort aussi sec,
mais sous la pluie.
- Trente
secondes après et le passage d'une auto, elle passe la porte de la jolie
boutique bleu-ciel d'Irina Volkonsky, où elle travaille selon toute
vraisemblance à garnir la vitrine de bandelettes plastifiées qui servent
d'ordinaire à prévenir ou interdire l'accès à un chantier, et qui ici ont été
détournées pour y écrire : "Je t'aime".
- Je
t'aime, quel chantier.
-
- Au
Café Le Petit Suisse, Lisa écrit dans mon carnet la traduction de mon
nom en japonais sous forme d'idéogrammes :
-

-
- Dans
"Jérôme" il y a les idéogrammes de "écriture",
"dessin", "chemin", "rêve", combinés à
"Attal" qui se rapproche en japonais du son "Ataru" qui
veut dire : toucher au point sensible et précis, là et exactement là.
-
- Pierre
(C) me dit qu'il a pris conscience de la spécificité du ciel d'Île-de-France
quand il est allé voir au cinéma Les amants du Pont-Neuf , le
Pont-Neuf ayant été entièrement reconstitué pour les besoins du film sur un
site naturel dans le sud de la France, vers Montpellier, ce qui à l'époque fit
d'ailleurs couler beaucoup d'encre. Pierre, originaire de Montpellier, s'est
demandé comment un réalisateur, qui plus est de la trempe de Leos Carax, ne
s'est pas rendu compte que le ciel montpelliérain n'avait rien à voir avec le
ciel de Paris, ce dernier étant d'après lui beaucoup plus complexe, beaucoup
moins univoque que son collègue du midi ; erreur d'appréciation manifeste qui
laissa Pierre dans un état de perplexité sur les talents de Carax, et ce, même
si Pierre ou les ambiguïtés c'est la classe.
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- 27.10.02
-
- Les
week-end la fatigue était présente plus que jamais sur mes jeunes épaules car
sans vitesse, sans le poids du cartable ; fatigue que l'on nettoyait dehors
frottée comme les jeans, les pantalons de survêtement à genouillères cousues,
frottés sur l'herbe glissante, dans la saison des mûres, puis celle des bogues
de châtaignes, des feuilles ridées, recroquevillées sur elles-mêmes comme le
gant de base-ball que le père d'un voisin avait ramené des USA et qui restait
sagement sur une étagère de sa chambre parce qu'en France on n'y jouait pas ;
la fatigue, donc, des grands après-midis, immenses comme des parcs où les
camarades du voisinage offraient des intrigues différentes de celle des
scolaires, plus portées sur la fiction ; les "je t'aime" dont les
flèches à ventouse ne tuaient pas vraiment, la sexualité était blanche,
préservée du désir, de l'impatience et de la mort, et toute mélancolique, je
repoussais jusqu'au dernier moment la rédaction des devoirs scolaires pour
écrire des lettres d'amour à moins que je n'écrivasse des lettres d'amour comme
des devoirs scolaires, et vers dix-sept heures sonnait l'heure du bain, le ciel
clair et orangé s'assombrissait, octobre devenait novembre, le bain chaud
vaporeux attendait et la nuque reposait sur le froid de l'émail ; dans la
baignoire encore je pensais que jouer d'un instrument m'aiderait, m'aiderait à
être moins triste, je me représentais avec une guitare dans ma chambre
fredonnant une chanson, qui comme une science mathématique, triste annulerait
la tristesse, mais c'était une fausse piste toute aussi passionnante que celle
d'un jeu de chasse au trésor dans une forêt un dimanche d'octobre, car la
musique pas plus que son absence ne chassent la tristesse d'un coeur qui
respire.
-
- 28.10.02
-
- Artiste
maudit, chanteur Artaud-produit.
-
- Dans
le film La religieuse de Rivette (d'après Diderot) avec Anna Karina -
film dans lequel la scène de l'exorcisme par son épure glaciale est bien plus
effrayante que celle du film de Friedkin, c'est l'intrusion d'un miroir dans la
cellule de l'héroïne qui est censé réveiller / révéler le désir, à la fois le
trahir et le stimuler, le faire apparaître. C'est la vérité nue du
néo-platonicisme combiné à la crudité bataillenne de l'évidence - érotique.
- Miroir
de Blanche-Neige et miroir chez Michel Foucault (07.08.02). L'image produit du trouble. De l'évidence, mais
aussi plus subtilement, de l'imaginaire. La mère supérieure amoureuse d'Anna
Karina en posant ce miroir dans sa chambre transgresse à la fois un interdit
tout en envoyant un message, une lettre qui voudrait dire : Si tu ne vois pas
que je t'aime, vois par toi même comme tu es aimable, désirable. Ou mieux
encore : Vois et devine en un même regard. Vois et devine ce que tu es et ce
que je veux.
-
- David
au téléphone :
- -
Ce soir je vais revoir Mullholland Drive, avec ma soeur.
- -
Celle que j'aime ?" m'enquiers-je, pour info.
- -
Ouais.
- -
La chance ! Tu ne t'embêtes pas !
- -
Hé bien si justement, je m'embête parfois avec elle vois-tu, donc on va au
cinéma...C'est même pour ça que les frères Lumière ont inventé le cinéma, parce
que parfois entre frères ou entre frère et soeur on s'embête ! Ca n'a rien
d'excitant...
- -
Hum. Tu n'as pas lu Agatha de Marguerite Duras...
- -
Agatha, Marguerite ou une autre, en ce moment ça ne va pas très fort avec les
filles, il faut se rendre à l'évidence.
- -
Tu sais, dis-je, l'évidence est souvent le parcours ou le résultat d'une
imagination.
- -
Je perds totalement confiance mon vieux, je n'suis plus du tout en confiance
avec les femmes aujourd'hui. Toi qui connais les filles, tu peux pas m'en
trouver une à mon goût ? Même la copine d'une copine d'une copine, même la
dernière des mohicans ? Tiens on fait un deal : tu m'trouves une meuf et j'te
trouves une maison de disques...qu'en dis-tu ? Reste que je pense sincèrement
que t'auras plus de mal à me trouver une fille que je n'en aurais à te trouver
une maison de disques..."
-
- 30.10.02
-
- Limites
de l'hypocondrie :
- Elle
me dit qu'elle s'est enrhumée, et soudain je me sens fiévreux, la gorge
pâteuse.
- Elle
me dit qu'elle a mal au ventre, et je ressens des maux d'estomac.
- Elle
me dit qu'elle m'aime, et je n'éprouve rien.
-
- 31.10.02
-
- Musique.
Denis Zorgniotti m'a interviewvé pour l'émission de radio Magicbox.
Interview retranscrite ici.
-
- 03.11.02
-
- Le
temps était humide et lourde l'atmosphère
- La
ville de Pont-à-Mousson n'avait jamais si bien porté son nom
- Elle
me dit : "Ils ont une forme de vulve les canapés de chez Drucker ?"
- C'était
Dimanche, provisoirement.
-
- Je
passais dans son dos pour dégrafer sa fermeture-éclair.
-
- 05.11.02
-
- Musique.
Empêché, je ne sais pas dans quelle direction aller. Je bute contre l'indolence
et l'incapacité. Je me retrouve seul ou quasiment pour faire avancer l'histoire
; j'essaie de trouver des concerts par moi-même parce que personne d'autre ne
s'en occupe mais je me sens bien gauche pour cela, pourtant je sais, maintenant,
que j'ai eu tort de penser que la solution viendrait de l'extérieur, d'une aide
extérieure, et puis c'est difficile de travailler comme ça, sans
reconnaissance, sans aide concrète, inspirée, volontaire, ça déplace le
travail, l'épuise par avance, il faut que je trouve une solution parce que j'ai
un disque sur les bras et c'est même pas drôle parce que, pour l'instant, on ne
me donne même pas les moyens d'en faire un succès d'estime ou un suicide
commercial alors il me reste quoi, faire de belles chansons de temps en temps,
si on me préserve du temps pour que ça arrive mais, épuisé ce soir, et sans
direction où aller, je ne sais pas.
-
-
- 23.11.02
-
- A
la soirée d'anniversaire de X il y avait une grande rousse - dans le style des
filles du dessinateur Kiraz - qui a ce qu'on m'a dit est le model photographié
sur la pochette de la nouvelle compil' du Costes, on m'a même montré le disque,
et effectivement il y a dessus une grande fille pâle et élancée, un peu floue
voire complètement, voire même artistiquement floue, avec une chevelure rousse,
si grande qu'on se demande comment les maquettistes ont pu la faire rentrer sur
la pochette de la nouvelle compil du Costes, mais ils font des miracles avec
Photoshop à ce qu'on dit - une grande rousse qui à cette soirée arborait un
tout petit sac à main, à bandoulières et qui lui arrivait juste sous l'aisselle
gauche, un sac vraiment miniature comme un objet détaillé d'une toile de Jan
Van Eyck ou d'un autre primitif flamand, Hugo van der Goes avant qu'il ne perde
la boule pour des raisons peut-être similaires qui sait, bref je me suis
demandé pendant toute la soirée comment cette grande rousse pouvait se promener
avec un aussi petit sac ; ce fut réellement une soirée passionnante.
-
- Il
pleut sur le Pont de Grenelle. Je téléphone à Christophe pour lui demander si à
son opinion le sonotone que porte David Lynch metteur en scène / acteur de Twin
Peaks est une citation de celui que porte François Truffaut metteur en
scène / acteur dans La nuit américaine. Il pleut sur le Pont de
Grenelle. Je remonte la rue Théophile Gautier aux beaux immeubles en pierre et
aux jardins clos scandés par la pluie d'automne, et rentre à la maison déjeuner
d'oeufs à la Nabocoque.
-
- 24.11.02
-
- Je
souris toujours quand je lis des diaristes sur internet - très rarement en
fait, quand une page de site sur le catch américain est un peu longue à charger
- je souris toujours quand je lis des diaristes s'auto-proclamer chantres de
l'introspection. En dehors du fait que de telles revendications psychotiques
n'ont rien à voir avec l'écriture, je ne crois pas qu'internet ou toute autre
forme de publication immédiate et consciente de son immédiateté puisse avoir
une quelconque puissance d'introspection dans le sens ou ceux-ci voudraient
nous le faire gober. Sur Internet, il ne peut y avoir que de l'introspectacle.
De l'introspectacle plutôt que de l'introspection, et ceux qui s'en rendent
compte ont ma préférence.
-
- Au
lit elle gardait ses bottes pour faire l'amour, de peur de périr aux
premières gelées.
-
- 04.12.02
-
- Musique.
Travail sur de nouvelles chansons et sur les concerts qui se profilent pour
début 2003.
- Je
suis décidé à trouver un bassiste pour optimiser le groupe. Au départ, idéalement,
je souhaitais un guitariste / bassiste, prévoyant que le musicien alternerait
sur scène les deux instruments comme Cyrille qui passe au gré des chansons de
la batterie acoustique à la groove-box, mais Cyrille soutient qu'il suffirait
d'un solide et bon bassiste pour donner une impulsion supplémentaire à la
musique en concert. Cyrille va s'occuper de mettre des annonces et je commence
à en parler un peu autour de moi, l'important est de trouver quelqu'un de
motivé et de motivant, ce qui en pratique ne tombe pas nécessairement sous le
sceau de l'évidence.
-
- David,
au téléphone :
- -
Tu t'y connais un peu en Watteau ?
- -
Ca va, dis-je avec cette profonde modestie qui me caractérise et fédère de jour
en jour de nouveaux lecteurs pas poignées de cent.
- -
Non je te demande ça, parce que tu sais cette fille, Hélène, elle veut que je
l'emmène au Louvre voir les Watteau.
- -
Tu es sûr qu'elle ne confond pas avec les Watteau Watteau, le dessin animé des
années 80. Non je dis ça parce que Watteau c'est aussi les années 80 : 1680.
- -
Elle veut que je l'emmène au Louvre voir les Watteau, moi je préférerai qu'elle
m'emmène chez elle voir son cul.
- -
Très chic, dis-je. Je vois d'ici le tableau.
- -
L'autre jour, je vais la chercher à la sortie de son travail, pour boire un
verre, enfin il était déjà 19 heures quoi.
- -
Ah je connais, c'est ce qu'on appelle l'apéritif.
- -
Oui peut-être, mais moi j'espérais bien que ça s'éterniserait un peu, qu'on
irait dîner enfin bon...il est bientôt neuf heures et demi...
- -
C'est-à-dire que vous avez bu un verre de 19 h à 21 h30...?
- -
Oui.
- -
D'accord. Un seul verre, de 19 h à 21 h30 ?
- -
Bhein oui, un verre quoi.
- -
D'accord.
- -
Donc il est environ 21 h30 et là elle me dit qu'elle doit rentrer, qu'elle a
promis de rentrer avant 22 heures.
- -
Elle a promis à qui ?
- -
Ah ! Merci. C'est ça le problème. Moi je croyais qu'elle vivait seule cette
fille, et là elle me dit qu'elle a promis de rentrer avant 22 heures. Ce qui
est formidable c'est qu'à aucun moment de notre conversation ni cette fois-ci,
ni les fois précédentes, elle n'a fait allusion à un quelconque petit-ami. Et
là, tout d'un coup elle m'annonce qu'elle a promis de rentrer avant 22 heures !
- -
Oui mais vous aviez déjà battu le record du monde en longueur pour boire un
verre.
- -
Elle a promis à qui ? A son chat peut-être ? Si elle a un petit copain pourquoi
elle accepte comme ça d'aller boire un verre avec un autre type, pendant deux
heures et demi, et surtout pourquoi tient-elle à ce que je l'emmène au Louvre
voir les Watteau ?
- -
Parce que c'est l'endroit où ils se trouvent.
- -
Surtout que moi j'y connais que dalle en Watteau ! A aucun moment je n'ai parlé
de Watteau. Je savais même pas que c'était 1680 Watteau.
- -
Il est né en 1684.
- -
Je sais même pas ce qu'il peint ou alors vaguement. Et puis qui s'intéresse
encore aux Watteau ? Si elle en est aux W...elle ne pourrait pas...je sas pas
moi...aimer Warhol ??!!
- -
Oui mais il n'y a pas de Warhol au Louvre. Et puis bon tu sais, les mystères de
la peinture et ceux de la jeune femme ont d'infinies et savantes
correspondances. Et puis ne t'en fais pas, on ne peut pas à chaque fois triompher des belles.
-
- 08.12.02
-
- Elle
savait faire du carrot cake
- Je
l'adorais, je l'adorais,
- Bien
que moi avec elle le cake
- C'est
tout ce que faire je savais.
-
- TV
addict. Vendredi soir l'émission On ne peut pas plaire à tout l'monde,
invités Lio et Yann Tiersen. Après avoir titillé Lio, l'animateur demande à
Yann Tiersen ce qu'il pense de l'interprète de "Banana split" :
réponse évasive du musicien, en touche, dont le manque d'engouement est
cependant suffisamment affiché pour être décrypté sans ambiguïtés par le
téléspectateur. C'est-à-dire que Yann Tiersen préfère passer pour Le Type Qui
N'Ecoute Pas Cette Musique Là plutôt que d'être sympa deux secondes avec Lio.
- Merci
Amélie Poulain.
-
- TV
guide :
- -
La nouvelle saison de Sex and The City est extra.
- -
La nouvelle saison des Sopranos est extra.
- -
La nouvelle saison de NYPD Blue, sans atteindre les profondeurs
dostoïevskiennes de la période Jimmy Smits / Dennis Frantz, est extra.
-
- Musique.
Intensification des répétitions après les fêtes, tandis que Frédéric continue à
jouer les dilettantes, Cyrille bout d'impatience et voudrait que l'on retrouve
au plus vite une cadence d'activité et de concerts percutante.
- Je
ne suis toujours pas satisfait de la formule live et souhaite ardemment nous
adjoindre les talents d'un musicien supplémentaire, bassite ou guitariste / bassiste.
- Je
suis allé chez Stéphane faire mon marché, voir s'il avait des pistes (sonores)
qui m'inspireraient pour qu'ensuite nous les développions en chansons ; le
travail avec son groupe Vendetta requérant toute sa créativité et son
énergie il n'avait pas eu beaucoup de temps de penser à des idées pour moi ; Vendetta
est en passe de signer avec une maison de disques et ce n'est que justice, le
groupe est en train de choisir parmi plusieurs propositions et c'est vraiment
une bonne nouvelle, c'est la victoire du talent et de l'opiniâtreté sur
l'inertie et le manque d'entendement du milieu du disque.
- Stéphane
m'a préparé un thé vert précieux que ses parents ont ramené de Chine ; voici
comment Stéphane prépare du thé : une tasse qu'il remplit d'eau du robinet et
qu'il met au micro-ondes : j'hésite encore entre les mots hérésie et désastre.
-
- 10.12.02
-
- Sa
minceur de fée contredisait Disney.
-
- Elle
s'est payée ma tête et Ronsard l'intégrale.
-
- 11.12.02
-
- Mignonne,
wallons voir si la rose. Je ne sais pas si c'est mon côté belge qui s'exprime
mais j'aime beaucoup le film de Yves Hanchard : En vacances. Il y a une scène
très poétique dans laquelle échappant par un joyeux subterfuge à la promiscuité
et la surveillance de ses parents, un tout jeune adolescent se retrouve à
passer la nuit dans la chambre d'une adolescente, sorte de jeune fille au pair
québecquoise juste un peu plus âgée que lui (c'est-à-dire à des années lumières
certainement), et sur le ton du jeu, le jeune garçon en vient très vite à
réclamer à la jeune fille un baiser. Celle-ci après l'avoir d'abord traité de
fou, observe longuement le garçon, puis dégrafe lentement sa chemise de nuit
qui laisse apparaître deux seins voluptueux, enchanteurs et inédits, et dit au
garçon pétrifié d'émotion :
- -
Embrasse-moi où tu veux". Sans hésiter, l'adolescent se précipite et lui
donne un baiser sur les lèvres.
- J'adore
ce film, malgré un montage un peu âpre et déroutant mais nécessaire au propos,
et pas si malhabile que ça, au bout du compte. L'actrice Catherine Hosmalin y est
fantastique, et les genres de filles jouées par Floriane Devigne et Jessica Paré me fascinent tous
deux. Et puis il y a une très grande intelligence sensible du cadre et de ce
que l'image raconte, laisse entrevoir de cet indicible amoureux, les premières
suggestions du désir qui sont des eaux calmes, dures, éternelles, et le regard
amoureux qui n'en finit pas de questionner et d'éduquer l'autre sur sa place
dans le monde.
- Une
des qualités inattendues du film est de donner un rôle à Michel Robbe. Michel
Robbe était un homme d'exception quand j'étais adolescent puisqu'il présentait
à la télévision française : La Roue de la Fortune. Je me souviens
être allé un jour sur le plateau de La roue de la Fortune pour
accompagner dans le public un camarade de classe qui avait gagné tout un tas de
cadeaux bien clinquants qu'il avait réceptionné environ huit mois plus tard
tous plus pourris les uns que les autres et en pièces détachées ; une métaphore
de la fin des années 80 je suppose.
-
- 12.12.02
-
- Glamour
attitude. Hier soir dans un Café, la très parisienne et pétulante X me montre
la photo d'une de ses copines qui vient passer la nuit chez elle.
- -
Ah, dis-je, elle ressemble un peu à Ellen Mac Arthur.
- -
Le mannequin ?"
-
- Fusée
:
- Aujourd'hui
tout a échoué :
- Ariane-espace
et moi.
- Aucun
de mes projets n'a trouvé la route des étoiles
- Je
suis très abattu mais comme je suis pudique,
- J'ai
dû compter sur des ingénieurs en aéronautique
- pour
détourner l'attention.
-
- 13.12.02
-
- Une
nuit de la semaine dernière. Au retour, elle avait des papillons dans le
ventre, et moi un seul, sur le pare-brise.
-
- 21.12.02
-
- On
ne peut sauver du désastre du temps que les gens qui nous inspirent.
-
- 22.12.02
-
- On
ne peut sauver du désastre du temps que les gens qui nous séparent.
-
- Elle
se prénommait Virginie et comme elle était de taille bien trop grande pour son
âge, un petit malin notoire l'avait surnommé Virginie Mégastore ; probablement
pour se hausser vis-à-vis d'elle par une pointe d'esprit comme sur la pointe
des pieds.
- Malgré
sa taille trop grande Virginie Mégastore s'enthousiasmait pour les situations
intermédiaires, et le groupe, la communauté, ont toujours su représenter avec
zèle et récompenser les situations intermédiaires. Lorsqu'après les cours
quelqu'un du groupe proposait d'aller boire un café, on ne peut pas se
quitter comme ça, et si on allait prendre un verre, Virginie
Mégastore se coulait dans cette joie simple et communicative, mais sans jamais
pouvoir totalement s'infléchir dans les sous-groupes qui se formaient ensuite,
une fois attablés dans le Café, des sous-groupes de trois à quatre personnes,
là non, elle se retrouvait de nouveau à l'écart, sirotant son verre de
coca-cola, fouillant dans son sac pour se donner une contenance, faisant
défiler les noms de son répertoire téléphonique et donnant le change par des
sourires un peu trop...grands.
- D'ailleurs,
à force d'insoumissions et de regret à se voir venir trop vite, ce corps,
emballé d'un coup et si peu envié, s'était propagé à l'esprit de Virginie
Mégastore qui devenait à son tour aussi complexe et effilé qu'un point
d'interrogation.
- Elle
ne participait que de très loin aux discussions des jeunes gens et ceux-ci
l'avaient accepté sans problème ne lui posant que des questions techniques, sur
la préparation de tel cours, et encore que des questions auxquelles il eût
suffit de répondre par un sourire. Et puis arrivait le moment où quelqu'un la
rapatriait dans le groupe, en la désignant affectueusement par : Virginie
Mégastore, nom de code et appartenance à la fois au groupe et aux
prétentions du groupe.
- Un
jour le groupe se dissout : la vie, la fin d'une année d'études, l'éloignement
des emplois du temps. Virginie Mégastore réfléchit et le miroir ne la renvoya
pas. Il fallait qu'elle se jette à corps perdu dans la vie, même si la vie ne
serait jamais à la hauteur de ce qu'elle avait crû atteindre (en taille) dans
son adolescence. C'était décidé : à vingt-quatre ans elle aurait un type et un
appartement bas de plafond.
-
- 24.12.02
-
- Aux
terrasses des Cafés quand l'hiver est très doux,
- Argumentées
d'écharpes à faire pâlir le ciel,
- Inconnues
qui filez vers de pieux rendez-vous,
- Je
regarde votre cul comme d'autres les hirondelles.
-
- Inutile
de se plaindre qu'on ne parvient pas à ses fins avec quelqu'un qu'on prétend
aimer d'un amour infini.
-
- 28.12.02
-
- Si
elle m'invite le 31 chez sa mère à Choisy
- J'lui
offre les Greatest Hits de Corinne Charby.
- Si
on part tous les deux au bord du Lac léman
- Je
choisis le beau disque de Coralie Clément.
-
- 29.12.02
-
- Vendredi
soir, visite à la librairie la Hune, boulevard Saint-Germain, en compagnie de
David. Il me parle de cette nouvelle fille, qu'il voie.
- -
C'est terrible, mon vieux. Je n'arrive pas à la voir seule. Ca va faire trois
fois que l'on sort, la première, enfin ça ne compte pas parce que la première
c'est quand je l'ai rencontrée alors il y avait du monde, des amis en commun
quoi, mais la deuxième fois, pour notre premier vrai rendez-vous, elle était
encore flanquée de deux copines, et là hier on se voit pour la troisième fois,
pour boire un verre, et elle ramène sa cousine et une amie de sa cousine. C'est
quoi ce délire ?
- -
C'est comme les Quality street, dis-je. Pour avoir le chocolat que tu aimes, tu
es obligé d'acheter la boîte complète et de subir ceux que tu aimes moins.
- -
Hum, ça se tient, reprend David après une courte réflexion. Moi je préfère ceux
à l'emballage violet dans les Quality Street. Et jamais ils n'ont voulu faire
des boîtes qu'avec les violets. C'est très frustrant au fond.
- -
Tu serai écoeuré si tu ne pouvais manger que les violets, à satiété. Tu t'en
lasserais peut-être. Si ça se trouve, cette fille, c'est une maline, elle se
dit que pour l'instant elle a intérêt à venir accompagnée de ses copines pour
pouvoir faire son chocolat violet avec toi. Tant que dure le prestige de la
nouveauté - qui est un prestige d'autant plus illusoire qu'il ne demande aucun
effort.
- -
L'amour, c'est difficile, dit David (qu'un verre de Campari bu préalablement au
Café de la Mairie a provisoirement Durassisé).
- -
L'amour c'est une boîte de Quality Street. A part ça, que penses-tu de Maiwenn
Le Besco ?
- -
Bah, on la voit partout en ce moment !
- -
Je l'adore !
- -
Arrête ton cinéma, elle est nulle. Tu as vu sa bouche ? On dirait une palourde.
- -
Non, je l'adore. On dirait Aliocha Karamazov. "
-
- 30.12.02
-
- Reçu
un courrier de Pierre (B) que je reporte ici avec son autorisation. Pierre
expatrié au Japon donne des cours de français à de jeunes autochtones et tient
en ligne ses carnets de voyage (intérieur) : Big in Japan.
-
- "Cher
Jérôme,
Bien sûr, je continue a suivre ton journal de près. Songes-tu a tes lecteurs
d'outre-mers ? Moi, à chaque nouvelle étudiante je pose la même question:
"Mais pourquoi voulez-vous apprendre le français, c'est une langue
foutrement difficile ? (je leur parle vertement pour les mettre a l'aise)"
Là, elles y vont toutes de leur couplet sur la culture française et Paris la
romantique. "S'aime bocu Amelie Poulain et Patrice Leconte".
"D'accord, très bien, mais connaissez-vous le journal de Jérôme
Attal?". La semaine suivante je leur demande "Y êtes-vous allé
?" (je ne précise même plus, la chose est entendue).
- -
Oui maître, mais il n'y a pas bocu d'imaches ! "
-
-
- retour menu :
site jerome attal : 
-
-