- Chapitre 34
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- 03.07.04
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- J'ai passé un long moment, dans l'après-midi l'autre
jour, avec X. Un membre du groupe dans lequel X chante se comporte de manière
odieuse et stupide à son égard. Il se prend pour un génie - souvent ça rassure
- et si on lui connaît un point commun avec Mozart c'est dans la précocité -
bien que sa précocité à lui tienne entièrement dans le fait que sans être une
lumière il pète régulièrement les plombs.
- Je trouve ça difficile de chanter. Je veux dire
être sur le devant de la scène. Tu es en première ligne, tout le temps. Il ne
va pas y avoir beaucoup de précautions.
- Quand
je dis que je trouve ça difficile de chanter, je ne parle pas spécialement pour
moi. Pour moi il y a des choses que je trouve plus difficile. Mais quand je discute
avec des ami(e)s qui vont chanter leurs chansons, qui affrontent des mers
agitées ou porteuses tout aussi bien que la vague solitaire mais fielleuse d'un
seul commentaire, et ce avec la même voile, hé bien je suis toujours renversé
quand j'entends des trucs comme ça, qu'on puisse te foutre à la baille depuis
ta propre embarcation, dans ton propre camp. On n'a pas dû me tirer les
oreilles suffisamment fort quand j'étais petit, alors je n'ai pas de
déformation spécialement heureuse de la réalité au sujet de la nature humaine,
et je comprends très bien (voire au-delà de) ce qu'on me raconte. J'ai toujours
détesté les gens qui réglaient leurs propres doutes ou insuffisances en faisant
des boules de neige à balancer à la tête de ceux qui se tenaient à leurs côtés.
Avec ou sans musique. C'est déjà difficile de chanter dans un groupe, surtout
quand tu n'as pas d'instrument derrière lequel te cacher. Il faut souvent
beaucoup de courage - ou d'inconscience. Plus les chansons sont mauvaises
d'ailleurs et plus il faut d'inconscience. Mais bon, si les types qui sont dans
ton groupe ne sont pas là pour te défendre, pour te porter, pour te sécuriser
quoiqu'il arrive, ce n'est pas la peine. Soit il faut arrêter de chanter et se
mettre à la peinture ou à l'écriture, soit il ne faut pas avoir peur de changer
les types qui t'accompagnent.
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- 08.07.04
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- Terrasse
du Café le Fétiche, Paris Auteuil, mercredi en début de soirée. Elle a un sac
en toile avec une bande paillette. Porte une veste beige sur un petit haut brun
noirâtre, des pantalons jean idéalement troués aux genoux et légèrement
déchirés à la fesse (droite) ; elle est chaussée de sandales. Un nez qu'on peut
dire en trompette, des cheveux attachés sans rigueur, et un grain de beauté à
la base du cou - plus violent sans doute que le bout de ses seins - pointe en
même temps qu'il dilue le trouble.
- Elle
s'engouffre dans les escaliers du métro Michel-Ange Auteuil à 19h07 ; il faudra
revenir, peut-être, à la même heure, pour savoir si cette fille à la grâce
émouvante est de l'ordre de l'apparition ou de la récurrence.
-
- Nous
avons pris la voiture, fait le plein d'essence, et un parcours de huit
mégapoles et cinquante trois patelins pour aller acheter mon pain dans une
boulangerie dont la vendeuse a tapé dans l'oeil de Jean-Vic. Il fallait aller
s'en rendre compte sur place. On ne badine pas avec l'amour.
- J'ai
hésité entre plusieurs variétés de pain pour essayer de faire durer l'instant ;
Pouvez-vous mademoiselle s'il vous plaît m'énumérer toutes les céréales qui
composent ce pain aux céréales ? C'est que je suis très sensible aux mélanges
harmonieux.
- -
Alors ? m'apostrophe Jean-Vic, tandis que je ressorts avec mon pain.
- -
La barrière de corail de son appareil dentaire donne à son sourire l'illimité
fantasque et insondable de l'océan.
- -
Ah oui...son appareil dentaire, dit Jean-Vic pensif. Mais c'est hyper excitant
!
- -
C'est hyper dangereux, dis-je."
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- 09.07.04
-
- Biche
existentielle, ses bras me rendaient moins triste. Dans la librairie de la nuit
principale je prenais un, deux magazines Strange, Spidey, les
origines des Super-héros où se mêlaient aux légendes urbaines la sombre
témérité des mythes grecs. Les pluies soudaines balaient la ville. C. m'écrit :
"C'est comme pour un train maintenant, il faut prendre une réservation
longtemps à l'avance pour te voir !". Dans ma boîte aux lettres il y a un
mot dans une enveloppe buvard qui commence par "Depuis que je vous
connais..." Il n'y a que des déconvenues dans le travail aujourd'hui.
Après les encombrements, les bouchons dans la tête ou boulevard du
Montparnasse, le graal d'un bon café. Je prends le petit déjeuner avec Philippe
Saisse au Rostand. Je lui dis : "Tu vois, le temps est aussi pourri que le
milieu de la musique, en ce moment. " O que je suis malheureuse, que je
suis malheureuse, disait Mélisande dans une petite salle de théâtre du
XIXème arrondissement. Au risque d'étouffer sur place, l'amour s'est envolé.
Tranchées de l'hystérie. Il va falloir s'attendre à ne rien attendre du tout.
De vous. J'ai entendu dire sur moi quatre avis différents. Quand on me montre
une photo je vois toujours autre chose que ce qu'on me montre à voir. Pour le
cinéma, il me semble que c'est compris dans le prix du ticket. Un magazine
japonais qui croit qu'en France je suis le chanteur à la mode m'a posé
quarante questions. A la question : "Jusqu'où seriez vous prêt à aller par
amour ?", j'ai répondu : "Jusqu'à chez moi."
- Mon
rendez-vous de 19h07 ne vient pas deux fois. Juliette dit comme en soupir à la
fin de son récit : "Puisqu'il parait qu'il y a des amours qui ne finissent
pas..." Et tu sais pourquoi ? lui réponds-je, au bond. Hé bien parce
qu'aucune lettre du mot FIN ne se retrouve dans le mot AMOUR ! Nous ne savons
pas quoi déjeuner. Juliette rentre dans un restaurant japonais, je rentre dans
l'Indien qui lui est mitoyen, et nous nous parlons au téléphone pendant qu'elle
mange un sashimi au saumon et moi un morceau de naam au fromage. Dans ma
profonde solitude je vois quelqu'un en parallèle. Je croise Aurélia rue de
Buci. Elle fait l'examen de son corps dans le regard des garçons, dans le
souvenir des bons moments. Accidentée, c'est un joli prénom pour une fille ?
Soyez mon amour fou, abrite-moi des pluies, de tes lèvres douces. Stéphane me
parle d'Olivia qui dansait l'autre soir, une des plus belles scènes qu'il ait
vu de sa vie. Elle dansait à côté d'une fille très grande, blonde, très belle,
mannequin de celles qu'on remarque et pourtant cette fille n'était plus qu'un
élément de la danse d'Olivia ; un poteau comparé à son coeur ses soucis. Nous
avons une existence démultipliée. Où vivons-nous le plus ? Dans ce qui
s'emporte de nous ou dans ce qui reste à venir ? X ne va pas bien : plus de
fiancée, mépris des filles en cours. Ne t'en fais pas mon vieux, tout est
encore possible. C'est une journée où je repars avec des livres sous le bras :
Juliette m'offre un Tchekhov dans une belle édition, et Olivia des Nouvelles
inédites de Moravia. Elle a un portrait de lui dans son bureau. Pas vraiment un
portrait, la photo d'un quatrième de couverture. J'aime ce mélange d'autorité
et de douceur qui gravite dans sa voix. Cette proximité de la force et d'une
sensibilité trop lourde, à fleur de peau. Un glissement. "Nous ne nous
connaissions pas beaucoup mais nous nous aimions beaucoup". Elle semblait
triste, ce qui me blesse encore. Stéphane m'a dit en sortant que ça lui avait
fait plaisir de me revoir, peut-être un peu de bien, aussi, dans ce temps de
tourments. Alors j'ai dit tant mieux, si tel était le cas, la journée était
sauve.
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- 11.07.04
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- Trouver
des moyens valables pour promouvoir ce disque à l'heure où tout le monde est en
vacances. Détourner les radios Camping et diffuser "La chaîne du froid"
en boucle quitte à contrarier quelques espérances estivales. Attacher une
banderole à la queue d'un avion : l'album Live de Jérôme Attal est
disponible dans les bacs. Quand je pense qu'en 2001 j'ai dîné en compagnie
de Sébastien Folin. Peut-être pourrait-il glisser une allusion au disque
pendant la météo de TF1. Je ne sais pas, une transition toute trouvée comme :
"Tiens en parlant de nuages, savez-vous que la chanson La théorie des
nuages se retrouve sur l'album live..." Hum. Le manque d'initiatives
m'a toujours exaspéré.
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- Je
suis emballé à chaque page avec le roman de Gary, Les cerfs volants. Il
devient désormais Romain, rejoint mes grandes marottes, ceux que j'appelle par
leur prénom : Marguerite (Duras), François (Truffaut), du moins ceux qui s'y
prêtent parce que Salinger, Dostoïevski, Nabokov, ont des noms qui comme des
flèches, ou pour le dernier un joli petit pistolet à eau bleu pâle, sifflent
d'un trait leur autorité.
- Je
ne sais pas si les livres arrivent au bon moment, dans la vie. Comme les gens.
S'il faut avoir vécu en soi, longtemps espéré, pour que leur apparition désarme
et enchante, surprenne et nous touche autant qu'elle nous semble naturelle,
recommandée, envoyée.
- Il
y a cependant davantage de livres passionnants que de personnes qui valent le
coup d'être fréquentées.
- Je
dis ça sans amertume. De toute façon c'est très logique, mathématique même, une
seule personne pouvant très bien écrire plus d'un livre passionnant.
- Et
même si pour l'excellence, au même titre que pour la nullité, un esprit noble
ne devrait pas souffrir la répétition. Mais la vie n'est rien d'autre que la
recherche d'une deuxième fois. Il y a trop de hasard, d'insuffisance, de manque
et de manquements dans les premières fois. La vraie recherche c'est celle de la
deuxième fois. C'est pourquoi les explorateurs ne courent qu'après eux-mêmes,
et les amoureux sont toujours rattrapés par la colère des dieux.
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- 13.07.04
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- Dans
Célinele film de Jean-Claude Brisseau j'adore la succession de plans de
la première fugue de l'héroïne, du jardin jusqu'à l'étang, poursuivie par la
jeune infirmière où, en très peu d'effets, le cinéaste pose l'idée du double,
de l'identification et de la substitution, qu'on pourrait résumer par : Qui
court après qui, nous deux se sauvent.
- Il
y a déjà une lecture magique, et des plans qui jouent sur le mouvement, la
durée, très proches du cinéma de Cocteau, du Sang d'un Poète ou Le
Testament d'Orphée. Quand Isabelle Pasco saute dans les profondeurs du
lac on est tellement dans le Testament d'Orphée que l'on sait déjà que
l'héroïne est sauve, qu'elle est prête à rejaillir (sur elle-même et sur
les autres) alors ça n'a plus de durée, plus d'importance, l'infirmière peut
bien prendre son temps, ôter quelques vêtements avant de plonger à son secours.
- C'est
un film magnifique, d'une intelligence douce et lumineuse, où chaque plan fait
sens.
- Et
puis il y a la musique de Georges Delerue, la dernière qu'il ait écrite (à
l'origine pour un documentaire sur les observatoires), et qui rappelle par
certains motifs la partition des deux anglaises...
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- On
va essayer une nouvelle chanson au Batofar : Trieste. Je voulais faire
quelque chose qui ait une dynamique assez linéaire et qui en même temps soit
percé de tristesse, de mystère et d'espoir.
- On
jouera aussi les trois derniers nouveaux titres : Au plaisir qui est la
chanson de l'amour absolu, La prémonition qui est la chanson de la
lucidité absolue, et Comme elle se donne qui est la chanson de
l'amour physique qui conduit à la traversée du miroir.
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- 14.07.04
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- Le fantôme des moments passés.
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- Terrible
est la vendeuse du magasin Isabelle Marant à l'angle des rues Jacob et de
Seine.
- Je
suis malade, une sorte d'hémorragie de souvenirs, interne. Si bien que l'autre
soir quand j'ai débarqué chez X, tard dans la soirée, j'ai eu l'impression que
les quelques personnes rassemblées suspendaient leurs conversations d'un même
élan pour m'applaudir, pour souligner l'effort. Je me fais l'effet d'un
survivant, un peu comme Jean-Pierre Léaud dans l'épilogue des Deux anglaises
et le continent, quand il court après le fantôme des moments passés avec
Muriel Brown, dans les jardins du Musée Rodin. David dit tendrement que
j'ai une tête de séducteur, de sacré coco, et la seconde d'après X trouve que
j'ai une tête épouvantable, ce qui est peut-être la même chose. Ca fait plus de
dix ans que le vieux type au dos voûté vend ses poèmes rue de Sèvres, à la
hauteur de la rue Récamier, et qu'il apostrophe les passants d'une voix faible
en demandant invariablement : "ça vous intéresse la poésie ?" et dix
ans que je lui dis ou qu'on lui dit pour moi : "La poésie ? c'est moi ! "
C'est d'ailleurs une maladie propre aux natures poétiques, comme une rage ; je
veux dire, c'est difficile à avaler, que la réalité n'ait pas notre volonté.
Que la réalité soit en-dessous, le plus souvent.
- Des
touristes dans tous les coins de la Capitale. C'est très con que les décideurs
des maisons de disques ne voient pas le potentiel de chanteur populaire que je
pourrais avoir, la trogne qui fait l'unanimité, si on en juge au nombre de
personnes qui me demandent leur chemin, en toute confiance. Moi qui me sens si
perdu en ce moment, oui si perdu, c'est avec une ironie athlétique, une
bienveillance aussi, que j'indique la Tour Eiffel aux allemands, le Champ de
Mars aux chiliens, l'église Saint-Sulpice aux russes. X me dit qu'il faudrait
que je parte en vacances, que ça me ferait du bien. Hé ho, est-ce que la place
de Furstemberg part en vacances ? Les seules vacances que je puisse envisager
ce serait dormir quelques heures bien longues dans le lit et les bras d'une
femme que j'aimerai. Donc, en ce moment, aucune destination qui me tente, aucun
pays qui l'emporte, bien que je ne doute pas - et espère - qu'il y ait dans ce
domaine des continents, encore, à découvrir.
- Nous
arrivons doucement dans les jours d'avant concert. Longtemps que nous n'avons
pas démêlé les chansons en public. J'ai hâte de ça. C'est toujours du temps
pris sur le chagrin, la fuite des choses. C'est comme enfant où, au cinéma,
dans les films on attendait avec impatience, mon papa et moi, la figure imposée
de la poursuite en voiture. Mon papa parce qu'il aimait les voitures, et moi
parce que j'aimais l'impatience.
-
- 15.07.04
-
- Vendredi.
-
- Je
préfère que les mauvaises nouvelles arrivent le vendredi.
- La
semaine qui suit sera belle,
- Voilà
ce qu'on se dit
- Quand
les mauvaises nouvelles
- Arrivent
le vendredi.
-
- Le
ciel avait dressé sa couleur d'incendie.
- Les
nappes des collines, les vallées de non-dit,
- L'amour
se répandait en son vaste appétit
- La
solitude mangea le sourire de nos nuits.
-
- La
salle municipale est battue par le vent
- Le
spectacle du réel est monté de toutes pièces
- La
patrouille d'enfants la mitraillette au poing
- Sépare
notre passé en deux bandes distinctes.
-
- Je
t'emmenai voir les dessins d'Egon Schiele, Kokoschka,
- Le
samedi matin était clair on achetait
- Au
marché Mouffetard un bouquet de lilas
- Sous
ta culotte rouge mes doigts se promenaient.
-
- Je
te parlais de l'amour de Jacques Mesrine pour Barbara
- D'Eben
Arbez qui campait sous le "L" d'Hollywood,
- Je
t'apportais des livres et tu lisais Ada
- Ou l'ardeur captivée, allongée sur les coudes.
-
- Un
jour tu es venue, un jour tu es partie,
- Je
ne fais même plus attention, tu sais, avec la vie.
- Il
faudra se revoir, un soir de la semaine, ou la semaine qui suit...
-
- La
semaine qui suit sera belle
- Voilà
ce qu'on se dit
- Quand
les mauvaises nouvelles arrivent le vendredi.
-
- 18.07.04
-
- Fragments du week-end.
-
- Samedi
sur le quai - départ en gare de Verneuil - et dans le train de 13h25 en
direction de Paris, cette grande fille brune, visage fin et altier, qui me
rappelle Charlotte en un sens, dans ce sens de Verneuil à Paris, l'adolescence
brûlante et les trains de banlieue, le désespoir des amants - de circonstances
- maigres à la vie qui s'en vient.
-
- Quand
je songe à elle, comme à tout autre amour immense, je suis toujours chaviré
pour le petit garçon que j'étais, et que je reste, devant la disparition,, le
coeur écrasé d'avoir cru en l'exceptionnel, à la permanence, sous des tempêtes
bien narquoises et communes.
-
- Tiens,
élève des écoles françaises, déjà j'aimais ce mot, cette idée et l'état que ça
représentait : la salle de permanence, en permanence.
-
- Géraldine
venait me trouver entre deux bâillements sur un livre d'Histoire-Géo et me
demandait d'écrire un poème pour l'anniversaire de son frère ; les vitres du
lycée bruissaient des premières pluies sombres de novembre ; j'y mettais
tellement de moi, dans ce poème, que son frère n'eût plus jamais dû regarder sa
jolie soeur sous le même jour.
-
- Dimanche
après-midi, dans les rues du Sixième. David m'alpague :
- -
Je voulais absolument te voir. J'ai besoin d'échanger, de parler. C'est pas
seulement mon cas personnel, je vois un mouvement général se dessiner. Les
filles tiennent pas la route et j'aimerai savoir pourquoi."
- Il
m'accompagne à La Hune où je vais m'acheter deux, trois livres pour mon
anniversaire, il faut bien se faire un petit plaisir : j'achète un livre sur
les pré-raphaélites et la retranscription de la conférence sur la peinture de
Manet donnée par Michel Foucault à Tunis en 1971.
- Rue
de Buci, Bar du Marché vers 16h30, une fille très belle assise en terrasse avec
une amie.
- -
C'est exactement ton style, s'exalte David se lançant dans une énumération
qu'il qualifie d'attalienne : Très beau visage émacié, buste haut,
petite poitrine, cheveux longs mais pas forcément trop longs, une sévérité, une
certaine classe qui confine au détachement, elle a un côté Bambou en
même temps cette fille..."
- Nous
passons plusieurs fois devant la terrasse du Bar du Marché ; les deux filles ne
sont pas sans repérer notre manège ; passer plusieurs fois étant de toute façon
le principe du manège. Puis finissons par nous rabattre en terrasse du Coolin
sous les arcades du marché Saint-Germain.
- -
Je l'aimais bien moi aussi, parce qu'elle était habillée d'un cuir, ajoute
David. Même si elle est plus ton genre. En fait je crois que j'ai complètement
intégré la femme de tes rêves dans ma grille de lecture. A force de pratique.
Comme ça, un jour, je pourrai te présenter la femme de tes rêves ! Mais c'est
difficile parce que tu as des critères physiques très affirmés et en même temps
ce n'est pas seulement une question de critère physique, c'est un mélange de
choses. Pour cette fille : visage fin, buste haut, peu de poitrine...c'est
exactement ta came, tandis que moi je suis plus touché, rassuré même, par les
gros seins ou, si tu préfères, les contrastes ! Enfin bon on aurait dû aller
s'asseoir à côté d'elle. C'est ton anniversaire quand même ! Je sais que tu es
trop timide pour ça mais on aurait dû aller s'asseoir à côté de cette fille.
- -
Oui mais elle était au Bar du Marché.
- -
On aurait pu y aller !
- -
Non. Pas possible."
-
- Pierre
(Guimard) me demande ce que je pense de l'histoire des musiciens de X. Je lui
dis que je n'aime pas quand ce sont les méchants qui gagnent. C'est une
constante de ma nature. Dans ce monde brutal ou indifférent avec plus de
facilité qu'il n'est merveilleux, où l'amour est si rare qu'il brûle les mains
et efface les visages de ceux qui l'effleurent, où la loyauté a la figure
ingrate, ce monde rempli d'idiots du coeur, où le moindre de vos succès est
vécu par votre voisin comme une atteinte directe à sa place dans le monde, hé
bien voilà, je n'aime pas quand ce sont les méchants qui gagnent.
-
- Une
accalmie. Dans la douceur et le jardin de Léopold et de Cathy, dans le
quatorzième arrondissement de Paris, Amalia - joli prénom pour jolie fille -
dit cette phrase à Bertrand tandis que les premières étoiles punaisent un ciel
lourd d'orages : "Mais qu'est-ce que tu as fait de ta tristesse ? Qu'est-ce
que tu as fait de ta tristesse ?".
-
- La
petite soeur de Françoise a sa chambre remplie de boîtes à chapeaux. Des jeux
de construction. Elle veut une affiche de nos concerts pour sa chambre. Et me
donner une boîte en échange. Elle me demande qu'est ce que tu ferais avec, si
tu avais une boîte ? Hé bien si j'avais une boîte je rangerai dedans les
crayons avec lesquels ta soeur s'attache les cheveux.
-
- L'année
dernière mon papa était encore de ce monde, comme on dit, le jour de mon
anniversaire. Son dernier cadeau est l'ordinateur sur lequel j'écris ces
phrases éparses qui s'échappent parfois de l'intérieur - ou du sommet du coeur
- comme des feuilles mordorées. Ces quelques jours autour de mon anniversaire
ont correspondu l'année dernière à une page d'accalmie. Il était sorti de
l'hôpital. On pouvait même aller déjeuner au restaurant en ce 18 juillet. Et
même si c'était un calvaire de voir son sourire se déployer sans prise dans la
grise famine de son corps. Un calvaire pour les souvenirs si gais qui trottaient
en tête, et puis les jours d'après il y a eu une rechute brutale, la nuit de
délires - il se traînait à terre, voyait des ombres gigantesques qui venaient
le chercher - et la souffrance de ma maman seule face à l'insupportable, toute
la nuit, à essayer de contenir ce corps si maigre et qui rampait pourtant hors
du lit avec une rage ultime ; le retour en catastrophe à l'hôpital de Poissy,
l'opération qui a diminué sa dernière volonté, l'a rendu triste en ne sauvant
rien au final, l'agonie les jours bien sombres, les embouteillages sur l'A 13
et il faut vraiment venir car c'est sans doute la dernière fois...Mais à quoi
bon parler de ça, encore, puisqu'il n'y eut pas, de toute façon, de compagnons
d'armes.
-
- Il
y a juste eu cette accalmie autour de mon anniversaire. C'était toujours ça de
pris.
-
- En
rentrant de chez Léo dans la nuit de vendredi à samedi, vers trois heures du
matin, je me suis précipité pour tirer des sous de ma poche, pour régler le
Taxi, et dans l'empressement j'ai fait tomber mes clés. Ca a été toute une
panique bien sûr, et j'ai dû prendre le train de banlieue très tôt, pour aller
chez ma maman chercher un double.
- J'explique
ça à Bertrand qui me téléphone pour savoir si je suis bien rentré (perdu en
pleine nuit, englouti face à la perte de mes clés et de toute la symbolique
atroce que ça implique sur le moment, toutes les pertes qui reviennent d'un
coup, autant de clés par milliers ; j'ai téléphoné à Marine pour savoir si elle
pouvait me recueillir, vers quatre heures du matin, ce qui était la pire ânerie
- elle qui, au fond, n'aura jamais été capable d'être là quand j'avais besoin
d'elle - et je m'en suis rendu compte heureusement assez vite puisque j'ai
raccroché au bout de la première sonnerie, avant qu'elle ne réponde - ou
qu'elle ne réponde pas, d'ailleurs, tout aussi bien). J'explique donc à
Bertrand :
- -
Je voulais chercher mon argent et dans la précipitation j'ai renversé le
contenu de ma poche dans le Taxi. J'ai entendu que quelque chose tombait mais
je n'ai pas compris tout de suite que c'était ma clé, j'ai crû à une pièce de
monnaie...
- -
C'est bien la mentalité show-bizz, ça !! s'exclame Bertrand. Tu laisses tomber
une pièce de monnaie et tu ne la ramasses pas !!
- -
Mais non ! Ce n'est pas du tout ça ! C'est juste que je ne voulais pas
déranger.
- -
Comment ça pas déranger ? Parce que tu fais tomber quelque chose à l'arrière
d'un Taxi, tu ne le ramasses pas pour ne pas déranger ??!!! Mais c'est toi qui
est dérangé mon pauvre garçon ! A l'arrière du taxi, il s'en fout le chauffeur.
En quoi ça le dérange que tu ramasses un truc que tu viens de faire tomber ?
- -
Pourtant c'est ça, rien d'autre que ça je te promets. Je n'ai pas voulu
déranger."
-
-
- 19.07.04
-
- Les
jours d'avant concert sont toujours un peu flottants. On espère que quelque
chose de beau ou d'intéressant va se produire. Une électricité. Alors on peut
bien passer par quelques nébuleuses au préalable.
- On
pourrait vouloir ça pour l'amour. Quelques ténèbres oppressantes, des
tentatives, avant la solution éclatante d'un coup de foudre (à deux branches).
- Pour
Comme elle se donneje pense beaucoup à Balthus. J'ai des images des
peintures de Balthus en tête, un certain statisme, des gestes lents, arrêtés,
comme il pourrait y en avoir chez Balthus : le dos de sa main sur la bouche,
et l'acte qui a lieu, les deux filles qui font l'amour ensemble, puisque
c'est de cela dont la chanson parle, derrière un rideau, des gestes qui se
poursuivent - qui se survivent - de l'autre côté d'un miroir.
- Avec
ce temps malade de cordes soudaines et de coups de chaud à froid, j'ai attrapé
une belle angine d'avant concert ; ce qui fait dire à Rodolphe qu'avec la
tournée qui se profile je risque de prendre une angine de quatre mois. Fébrile
je saute dans le métro pour aller donner une interview sur Oui Fm, acheter du
thé et des citrons, pour faire du citron chaud. Sur un écran télé Francis
Cabrel chante Bonne nouvelle :
-
- La vie me donne ce que j'attends d'elle,
- Une bonne nouvelle.
-
- Il
faut vraiment vendre des disques par milliers pour pouvoir chanter un truc
pareil.
-
- Ou
encore :
-
- Chaque fois que je te vois, que je t'appelle
La vie me donne ce que j'attends d'elle.
-
- Hum.
Il n'a jamais dû laisser une avalanche de textos ou de messages sur un
répondeur à des heures pas possibles, se morfondant d'une nullité de réponses
en retour.
- Ce
soir je regarde le film de Richard Berry, Moi César 10 ans et demi... Je
ne sais pas comment ils s'y sont pris pour donner un titre affreux et si
compliqué à un film si beau et limpide ; très sensible dans ce qu'il montre et
laisse entrevoir ; traversé de mélancolie, de tristesses, et bondissant
d'humanité. Quand il y a un motif de petit garçon qui mange des pâtisseries, je
pense toujours à la scène de Once upon a time in America. Dans une de
ces dernières interviews Sergio Leone dit que cette séquence est un hommage
d'amour à Chaplin, qu'il a essayé de filmer cette scène exactement comme
Chaplin l'aurait filmé. C'est-à-dire que ce n'est pas une simple citation
cinématographique, c'est une scène qui fait partie du répertoire, de l'univers
chaplinesque sans pour autant exister concrètement sous cette narration dans
son oeuvre. Leone invente à partir d'un répertoire sensible de formes, et se
restitue dans une sensibilité, cherchant à placer sa caméra - dans l'idée qu'il
se fait de - là où Chaplin l'aurait placée.
- Et
puis, après, dans la même interview je crois, Leone dit que son film témoigne
en un sens de la fin d'un monde, et peut-être, aussi, de la fin du cinéma.
- On
a pas beaucoup les moyens de répéter. Financiers et des emplois du temps peu
accommodants alors on a fait une grande répétition de quatre heures vendredi et
depuis il faut se préparer chacun de son côté ; j'écoute la maquette de Trieste
enregistrée à l'arrache, comme la chanson est jeune, à peine deux semaines, il
faut que j'assimile le texte, que je cadre les sensations ; et puis pour Comme
elle se donne, je regarde des reproductions des tableaux de Balthus, pour,
dans le moment très court où je vais la chanter, essayer de bien transmettre la
situation, dans cette confrontation dont on ne sait jamais à l'avance ce
qu'elle réserve et permet : le lieu, l'heure (plutôt fraîche cette fois-ci, il
y a trois concerts à l'affiche du festival et nous jouons en premier, sur scène
vers 20h30), les visages et les silhouettes comme des bougies vacillantes, la
musique, le texte, l'osmose avec le groupe, et les images que j'aurais en tête
(Balthus, mais mêlé peut-être de l'image d'une fille que j'aurais croisé sur le
trajet, une scène qui m'aura frappé, un souvenir qui refera surface plus ou
moins comiquement, toutes les choses qui traversent la tête pendant qu'on
dévide une chanson, en essayant de transformer les obstacles ou les apparitions
en appuis pour l'étape d'après). Essayer de faire naître quelque chose ; plusieurs
flèches qui devraient convoler vers une même cible. Dans les derniers concerts,
cette année, j'ai souvent été intéressé par l'apparition dans le temps du
concert de La théorie des nuages ; à Cannes en janvier c'est la chanson
qui avait le mieux fonctionné, où je sentais qu'il se passait quelque chose
avec les gens qui étaient venus ce soir-là, et aujourd'hui je dois dire que
j'ai une attente positive, si je puis dire, pour La prémonition. Je
crois que j'arrive à quelque chose de fort avec un minimum de mots et d'effets.
Je dresse une situation que j'essaie de situer, pour l'adoucir peut-être, et en
même temps je fais passer quelque chose de terrible.
-
- 20.07.04
-
- Anne en décembre.
-
- Tes
bras longs comme des lances
- Ne
cherchent pourtant pas la bagarre.
- La
lune en chemise de nuit
- Enfante
des chats de gouttière
-
- Ou
des idées libres comme l'air.
-
- Par
les fissures du plein soleil.
-
- J'emprunte
le chemin du soir.
-
- Il
fait trop chaud dans la journée
- On
ne sort qu'après dix-huit heures.
- Seule,
indolente, en plein été
- Ton
ombre - turbulente soeur -
-
- Cause
avec mon coeur.
-
- Tes
bras maigres comme mes espoirs.
-
- Quelque
soit l'ordre du vent
- La
vérité de nos destins
- Les
tables qui abritent tes croisements
- Il
fait toujours Décembre à te voir.
-
- 22.07.04
-
- Le voyage du retour.
-
- C'était
plus simple quand je rentrais d'un concert et que j'avais une fiancée, une
maison, je pense souvent à ça pour Neil Armstrong ; qu'il devait être doux le
voyage du retour ; le voyage du retour devait encore faire partie de l'exploit.
- Il
y a une fidélité que j'aime avec les personnes qui viennent me voir sur scène ;
une fidélité que je nourris faiblement parfois, et pourtant une fidélité ;
quelque chose d'un attachement indéfectible ; et, comme ça, il y a des visages
que je reconnais dans les foules attentives, des sourires qui me servent
d'appui, qui me déconcentrent et me remettent sur les rails (de la chanson)
tout aussi bien.
- On
pourrait dire d'un concert qu'il respire, quand on se laisse envahir par des
gens que l'on touche.
-
- 23.07.04
-
- La
mort de Serge Reggiani est une triste nouvelle pour les rues de Paris. Il n'y a
plus grand monde. Ca s'amenuise. Et quelqu'un qui part ne part jamais seul,
mais toujours avec un monde. Il en va ainsi, du moins, pour les pharaons et les
poètes.
- J'ai
fait le rapprochement l'autre jour en lisant cette déclaration de Sergio Leone
sur Once upon a time in america, avec l'épilogue des Deux anglaises
et le continent que je visionnais pour les besoins de ce Journal ; que
ce soit l'errance de Noodles dans les anciens quartiers de New-York, ou la
promenade de Claude dans les jardins du musée Rodin, il est question pour ces
deux films de l'évanouissement d'un visage et de la fin d'un monde.
-
- Qu'il
s'agisse de fréquenter les musées dans l'expectative d'une émotion singulière
ou du moins signifiante, de suivre par les rues de la ville une fille dans
l'attente d'un geste qui bouleverse - une main dans les cheveux, quelque chose
de beau - ou de vivre quelques années de sa vie pour un unique amour élu envers
et entre tout, c'est toujours la même histoire : l'expérience de la limite et
la poursuite de la beauté.
-
- 25.07.04
-
- Il
n'y a que dans la défaite que les belles choses existent en passant. L'amour
n'est jamais la recherche de la brièveté.
-
- Période
bleue : il y a des moments dans l'existence où il semble plus facile de
suspendre des pierres à son cou que de trouver des proies à sa taille.
-
- Bizarrement
je me retrouve au même endroit que la semaine dernière : dans cette impasse
bordée d'ateliers d'artistes et de jardins remplis de chats à la sauvette ;
"la campagne à Paris" semble être la phrase qui vient tout de suite
aux lèvres dès qu'on franchit la grille ; et me voici à quelques mètres à peine
de là où j'étais invité l'autre soir dans la douceur de la maison de Cathy et
Léopold ; je rencontre d'autres voisins si bien que je connais pratiquement
toute l'allée maintenant, que je m'attends à y retourner dès la semaine
prochaine (ou à y demander l'asile poétique), et, pour ce soir, toujours d'un
moment l'autre voir débarquer Bertrand suivi d'Amalia, lionne sphinge plutôt
excitante, qui lui demanderait encore : Mon vieux Bertrand, mais qu'as-tu fait
de ta tristesse ?
- Dominique
Rimbault dit Domino me fait visiter l'atelier qu'elle vient d'acquérir. Elle
l'a acheté à un américain qui y a laissé des sculptures gigantesques et des
blocs de marbre de Carrare. L'atelier, me dit-elle, avant l'américain, a été
habité par une vieille millionnaire, la première femme à avoir traversé
l'Afrique en hélicoptère ; je me sens tout de suite à l'aise, moi qui ai
souvent été le premier homme à crier "je t'aime" dans le désert.
- Il
n'y a que du champagne à boire. La compagnie est charmante. David, complètement
pété après une quinzaine de coupes, hurle à minuit passé :
- -
C'est pourri ici, y a même pas de soleil !"
-
- 26.07.04
-
- La fête des Loges.
-
- L'attraction
de l'amour, mieux que la Fête des Loges ?
- Autant
de vague à l'âme, de Looping, de fléchettes
- Pour
me percer à jour. Puis tes bras me délogent
- Du
train fantôme où j'avais crû trouver cachette.
-
- C'est
du rose ce brouillard, de la Barbapapa,
- L'été
des fleurs écloses ont couvert les secrets
- En
juillet s'il fait beau mon papa m'emmènera
- Sur
le Chatanooga et le Scénic Railway.
-
- J'ai
perdu ton image dans le Palais des Glaces
- Et
je me suis cogné cent fois à ton reflet
- Nous
habitions tous deux au fin fond d'une impasse
- Seul
aux objets trouvés j'ai manqué mon sujet.
-
- Je
n'ai pas eu besoin du Bateau Pirate
- Pour
avoir le tournis.
- Te
voir main dans la main avec ton ami
- Suffisait
à me rendre blanc puis écarlate.
-
- Mais
s'il fait beau encore, la semaine qui vient,
- Papa
m'emmènera à la fête des Loges.
- Et
je ne lui dirai pas même s'il m'interroge
- Que
j'ai bien mal au coeur,
- Et
que tous les manèges n'y sont vraiment pour rien.
-
- 02.08.04
-
- Ecrire.
J'ai repris mon projet d'un recueil de nouvelles. J'avance vite. Je me donne 15
jours pour tout finir, après il faudra reprendre les chansons. Là aussi
certaines idées, certains thèmes commencent à faire surface. J'ingurgite des
impressions, des images, une succession d'émotions fugitives qui traversent mon
esprit, j'en retiens comme pour une addition, et les passe au moulinet de ce
que je suis, les creuse les polis les déforme leur donne une durée différente,
sel, mystère.
- Mine
de rien ça me donne des structures pour ne pas tomber en ce moment, ne pas me
faire submerger par les tristesses en cours, en l'absence de concerts ou de
répétitions soutenues. Je change de champ de bataille, de chantier, rien
d'autre. Pour les chansons je ré-écoute les dernières maquettes, le problème
c'est qu'on ne peut pas se permettre de faire en dessous de ce qu'on a déjà, on
ne peut pas taper en dessous. Il faut faire quelque chose d'important (pour
nous) à chaque fois. Pour les Nouvelles je suis heureux, j'arrive à écrire ce
que j'ai envie de lire, heureux et puis soudain l'abattement, je me dis que je
n'y arrive pas, que ce à quoi je voudrais parvenir - une structure, un monde
valable, une arche pour quelques uns - est trop difficile, alors je m'accroche
aux personnages, je suis dans la cuisine avec ces deux filles, je suis
tellement bien dans la cuisine avec ces deux filles qu'elles m'empêchent de
faire des bêtises, des actes désespérés, elles sont mes garde-fous, leurs
jambes et les possibilités de leur discours font barrage auquel je cède parce
qu'il ne cède pas, je suis tellement bien avec ces deux filles dans la cuisine
d'un pavillon de banlieue (mon décor de western) que je n'ai même pas envie de
quitter la cuisine, d'aller explorer le jardin par exemple, merde, ça pourrait
être intéressant d'aller visiter le jardin, ça aérerait le récit. C'est comme
dans la chanson Comme elle se donne qu'on a joué aux derniers concerts -
Réservoir et Batofar - on a envie de rester là avec ces filles, d'en savoir
plus, de voir comment ça va se passer ; mais voilà, ça va très vite et à peine
commence-t-on à saisir l'urgence, la beauté, le découpage du désir, que c'est
déjà la fin de la chanson.
-
- 03.08.04
-
- L'ornithologie.
-
- Frédérique
m'apprend que je suis un pélican, qu'il y a deux sortes d'artistes : les
pélicans, et les autres comme Wilde ou l'autre idiot avec ses cheveux
décolorés... Warhol ? viens-je en aide. Oui c'est ça, Warhol, poursuit Frédérique,
pour moi ce sont des faiseurs, ils fabriquent, ils s'arrachent moins les
plumes, ils ne sont jamais dépassés par leur sensibilité, ce ne sont pas des
pélicans.
-
- En
voiture avec ma mère, dans la perspective des travaux en bordure de l'A13, le
chantier de la sortie Versailles Nord, elle s'exclame :
- -
Enfant, tu étais très attiré par les grues !"
- -
ça n'a pas beaucoup changé, dis-je, ça n'a pas beaucoup changé."
-
- 04.08.04
-
- Il
faut trouver le moment pour travailler. Pour se fondre dans l'histoire de ce
qu'on fait comme dans un tableau. L'idéal serait de ne pas publier dans le sens
arrêter les chosespour pouvoir revenir, encore et toujours, sur le
motif ; des peintres comme Balthus ont eu cette liberté ; et l'insatisfaction a
au moins le mérite de donner cette liberté. Balthus pouvait travailler des
années sur un tableau ; des fois d'après un même modèle et peu importe que le
modèle ait dépassé, année après année, l'âge de la représentation, il avait
pris tellement d'esquisses, capté tellement l'instant sous toutes ses coutures
si j'ose dire, donné une telle lumière au prisme de l'instant que les
réfractions n'en finissaient pas d'illuminer et son travail et la toile. Voilà
ce que j'aimerais faire quand j'écris, disons, des nouvelles : retrousser toutes
les coutures d'un instant. Ce que j'ai essayé de manière appuyée, démonstrative
avec Triptyque d'un soir de juin,
et après j'y ai mis pleins de portes ouvertes, j'ai ouvert toutes les
portes que je pouvais ouvrir ; et au final dans la construction il y a quand
même quelque chose qui cloche, un aspect bancal dans l'histoire mais que j'aime
bien. L'idéal, donc, peut-être, serait de ne jamais publier définitivement
un texte - tant qu'on sent qu'on peut encore y revenir - mais c'est tellement
tentant de pouvoir faire connaître ce que l'on crée, de se nouer à des
répercussions, d'abriter pour quelques instants la vie d'autres personnes sous
un même toit (C'est ce qu'on fait avec les concerts n'est-ce pas ?) qu'il
existe alors des parades, on reprend toujours le même tableau, la même
histoire, mais avec des variations subtiles, qu'on voudrait surprenantes pour
soi, pousser plus loin toujours, l'exploration d'un échange, d'une conquête,
d'un état de grâce.
-
- Dans
certaines toiles de Balthus il y a un symbolisme qui vaut davantage pour le
geste que pour le symbole en lui-même, dans le camp du mystère et de la grâce
plus que dans celui de l'énigme, et même s'il est très proche des deux, pour
cette foi dans le primitivisme comme source de douceur et d'impact, son travail
s'inscrit davantage dans les pas de Fra Angelico et de Piero della Francesca
que dans les traces de Gauguin.
-
- Tous
ces peintres trouvent dans le jardin clos de leur travail une sorte d'espace à
préserver, face aux violences inconséquentes, absurdes, aux éclats aux douleurs
du monde, ils opposent la permanence d'un regard qu'ils devinent et craignent,
peut-être, en voie d'extinction.
-
- Quand
j'écris une Nouvelle il m'arrive de faire mon marché. Comme un Chef va à Rungis
le matin. Je prends le métro, je vois une fille qui me plait, dont je trouve
l'accoutrement plutôt bien mis, je me dis : ah l'une de mes héroïnes porterait
bien cette robe tiens ! Je sors mon carnet Moleskine (souple de préférence), je
prends quelques notes sur la robe, rentre à la maison, relis la dernière
mouture du texte, peu à peu retrouve l'espace et le temps de l'histoire,
reconnaît la fille à qui je mettrais bien la robe (fiction : processus inverse
de la vraie vie ?) et tout d'un coup mon personnage ne veut pas du tout de la
robe, elle me fait les gros yeux (ça se traduit par des points, points
d'exclamation quand les yeux sont très gros, et franchement c'est très laid,
dans un récit, des points d'exclamation !!), revêche, elle semble me dire :
- -
Mais ça va pas la tête ! Où tu l'as trouvé cette robe ? C'est qui cette fille
d'abord ?"
-
- 14H30,
brune très belle à la terrasse du Café de la Croix Rouge, en face de la statue
du Centaure de César (avec ses balais dans le cul, et dont j'ai inventé pour
mes amis et moi-même qu'en toucher le pied exauçait les voeux). Des cahiers
ouverts et un livre sur sa table : appât convenable. Déjeuner avec Matthieu
Charvet en terrasse du Coolin, dans la fraîcheur des arcades du marché Saint-Germain
:
- -
La japonaise du Dojo du centre chrétien C3B de la rue de Linois, pour te faire
court : ma partenaire d'aïkido, me dit Matthieu, est vraiment très jolie. Je
regrette de l'avoir rencontrée sur un tatami et pas ailleurs. Car je n'ai pas
fait preuve d'une grande souplesse envers elle..."
-
-
- 11.08.04
-
- Une
semaine plongée dans l'écriture de cinq Nouvelles. Je pense mettre le
point final - puisqu'il en faut bien un - dimanche. Ensuite, dès lundi : retour
vers les chansons, retour du rock. Il faudra un bon spectacle d'une heure et
demie pour le concert d'octobre au Réservoir. La première Nouvelle m'a
bien tenu, m'a empêché de me laisser aller à des pensées sombres ; les
personnages m'ont gardé ; c'est pour ça que je m'attarde davantage sur les
filles dans la première des cinq Nouvelles, parce qu'au moment où je les
écrivais, elles ont été bien douces avec moi, et fermes en même temps,
m'empêchant de me blesser ailleurs. J'ai un peu peur d'arrêter cette écriture
qui m'occupe pleinement depuis près de dix jours. Il va falloir poursuivre,
trouver la même intensité - heureuse le plus souvent - dans les chansons, le
travail des chansons, et les concerts. Et trouver aussi peut-être un amour dont
la nécessité de s'y perdre fasse aux douleurs du monde glace securit.
-
- 19.08.04
-
- Pratiquement l'Alaska.
-
- Migraine
épouvantable ; jusqu'à la nausée, jusqu'aux jambes et à la volonté qui ne
soutiennent plus rien, et je m'épuise à trouver des appuis pour ma nuque ; le
ciel lourd d'orages éloigne ces tendres nuages qui, à portée de main, séduisent
comme des coussins.
- Avec
ce genre de phrase, mieux vaut fermer la fenêtre c'est plus sûr.
- Hier
Hôtel de Massa j'ai déposé le manuscrit des cinq Nouvelles écrites
durant l'été. Replongé tout de suite dans les chansons. Pour éviter les
coupures. Peau sensible.
- Je
quitte à regret le cadre, les personnages, la protection de la première des
cinq Nouvelles. Lundi dans un Café du quartier Saint-Augustin David en a
lu une page ; accueil enthousiaste :
- -
La classe, c'est du pur Jérôme Attal !
- -
Ca tombe bien, ai-je répondu, c'est justement sous ce nom que je compte les
signer."
- Photos
pour la rubrique Focus du magazine Gala dans le périmètre des Jardins du
Luxembourg, puis direction Meudon chez Frédéric pour travailler sur une
nouvelle chanson ; Mathieu nous rejoint avec sa guitare de Beatles, d'époque et
qu'il vient de recevoir des Etats-Unis. Dans la musique ce qui me plait
toujours autant ce sont les différents stades de rencontres. Quand je n'ai pas
de texte ou de ligne mélodique à l'origine il faut que les pistes musicales
qu'on me propose coïncident en quelque sorte avec mes envies ou mes
préoccupations du moment, comme une ville qui se bâtit, qu'on me fait voir à
mesure qu'elle se bâtit et où à chaque étape de la construction je puisse
définir, redéfinir et y désirer ma place comme y projeter l'intuition d'une
place pour celles et ceux qui recevront la chanson.
- Frédéric
a crée une charpente parfaite pour que la nécessité du texte sorte, et Mathieu
a apporté ce thème si épatant sur la fin du morceau que tout de suite j'ai eu
envie qu'on le prolonge, gourmand que je suis des bonnes choses. Dans sa
cuisine qui donne sur les hauteurs de Meudon, pour accompagner les chaussons
aux pommes que j'ai acheté à la bonne boulangerie près de la gare, Frédéric me
sert une sorte de boisson au thé vert, liquide clair et jaunâtre dont certains
relans sombres rappellent les échantillons d'urine demandés au cours d'examens
médicaux.
- -
Je l'ai acheté chez Tang Frères, me dit-il tout heureux.
- -
Quitte à boire de la pisse, autant que ça vienne de la soeur ! réponds-je. Ce
qui je l'admets n'est pas très classe ni très poli, un peu rude même, bien
qu'on puisse en cette modeste réplique voir un vibrant hommage à Georges
(Bataille).
- Depuis
que, grâce à des dizaines de points accumulés sans le savoir, ils m'ont envoyé
un nouveau téléphone portable avec appareil photo - C'est une très grande idée
à développer pour l'amour, sur le nombre de mois qu'on reste avec quelqu'un, ou
qu'on s'engage, on obtient des points, et au bout d'un certain temps et d'un
certain nombre de points qui vont en augmentant, libre à nous de remplacer
cette personne par une nouvelle dotée de tout plein d'options inédites et
surtout moins fragile que la précédente cela va de soi ; système qui a ses
limites certainement mais qui arrangerait bien des gens que je connais - bref,
depuis que j'ai ce portable avec appareil photo intégré je m'amuse à revisiter
toute l'histoire de l'art à portée de ma main : l'autre jour par exemple en
photographiant de très près mon jean j'ai réussi à faire un Nicolas de Staël
dernière période.
- Sans
trop dévoiler mes ambitions je peux dire qu'en ce moment je travaille à une
visitation de Jean Van Eyck avec mes lacets de chaussures.
- Jean-Vic
me téléphone de Quiberon où il passe de courtes vacances :
- -
Ici j'ai retrouvé une fille formidable, Aude je t'en ai déjà parlé, elle
travaille trois quatre mois d'affilée, fait toute la saison à la créperie et
après elle part cinq mois en voyage dans un pays étranger, le Mexique ou
l'année dernière c'était l'Alaska.
- -
Cinq mois en Alaska ? dis-je, et son copain la suit ?
- -
Son copain est assez pantouflard, ce qui est mal vu en Alaska tu t'en doutes.
- -
Oui, ce n'est pas très pratique.
- -
Alors elle part seule.
- -
Le pauvre, c'est lui qui doit avoir le plus froid des deux. Mais quand même,
pour partir cinq mois en Alaska il faut trimer à la créperie en une seule
saison ?! Elle doit faire un service non-stop ou quelque chose comme ça...
- -
Oui elle commence à être connue sur Quiberon. Les gens viennent à trois heures
du matin pour manger des crèpes, et ceux qui ont moins d'argent se relaient.
Bon et toi Jérôme, aucune fille en vue ?
- -
Rien. C'est pratiquement l'Alaska. Le désert.
- -
Je confirme ce que je te disais à Paris. Les gens sont plus laids qu'avant. Il
y a quelques années encore, ça se maintenait. Mais là on dirait qu'ils se
laissent aller à être laids.
- -
C'est parce qu'ils sont trop près de la vie peut-être ; c'est parce que la vie
entame, dévore. Et on s'attache à la beauté, mais on ne retient que ce qui
cloche."
-
- 20.08.04
-
- Ce
soir dans le passionnant témoignage de la résistante Madeleine Riffaud diffusé
dans l'émission Contre-Courant, le récit poignant et qui retourne
l'esprit, des séances de torture rue des Saussaies. A un moment donné, excités
par les sévices qu'ils infligent les hommes de la Gestapo font venir des
filles, des prostituées allemandes, et organisent des orgies dans les chambres
mêmes des tortures. Un soir ils demandent à Madeleine Riffaud alors âgée de 20
ans, qu'ils ont tabassé et devant laquelle pour la contraindre à parler ils ont
torturé de très jeunes résistants, leurs brisant les membres en disant à la
jeune femme qu'une dénonciation de sa part permettrait de mettre un terme aux
tortures, un soir donc ils lui demandent d'aller se laver, de se faire belle,
ils débouchent du champagne, ils sont excités par les coups qu'ils viennent de
porter, par les injures physiques, et ils organisent une orgie, ils veulent
violer Madeleine Riffaud, là, parmi d'autres femmes, dans la chambre de
torture.
- Elle
ne devra son salut que sur le conseil fugace d'une autre femme, faisant croire
aux S.S. qu'elle est juive ; alors ils ne la toucheront pas sexuellement,
l'enverront directement à Fresnes.
- Il
y a quelque chose d'atroce à concevoir une telle violence, et la jouissance qui
provient de cette violence. Georges Bataille a parlé abondamment de cette
frontière étroite entre la volupté et le crime, l'Eros et le Thanatos.
- Les
monstres dont on s'effraie dans l'enfance sont bien loin, et bien inoffensifs,
comparé aux monstres qu'on devine et rencontre en grandissant, nos semblables
en apparence.
- "Le
crime est le fait de l'espèce humaine, il est même le fait de cette seule
espèce (...)" écrit Bataille au début du procès de Gilles de Rais, puis
relatant les viols d'enfants et les crimes du maître de Tiffauges il
mentionnera dans le même ouvrage : "Il était rare que l'orgie
commençât avant que l'enfant ne fut maltraité". En dehors du caractère
sexuel lié aux tortures qu'on retrouve dans le récit des exactions des S.S. de
la rue des Saussaies, il y a encore un aspect troublant qui tient lui aussi du
plaisir : la musique. Madeleine Riffaud explique que pendant longtemps elle n'a
pas su écouter une seule pièce de Bach, du fait que ses tortionnaires entre
deux tortures ou pendant qu'ils agissaient, faisaient jouer du Bach. De même
Gilles de Rais le temps qu'il se livre à ses outrages dont le cours non
contrarié de son excitation nécessite le sang et le sperme - l'outrance -
sollicite des petits chanteurs, les chanteurs de la chapelle.
- Il
y a une volupté barbare dans cette omnipotence à jouir de la beauté et en même
temps de l'atteindre, de l'avilir.
- Et
s'il y a quelque atrocité à percevoir une telle violence, c'est qu'elle nous
parle, qu'elle est plausible, que l'histoire pathétique des hommes en regorge,
à tout moment et en tout lieu ; mais aussi qu'on peut chaque jour de notre vie,
en nous et autour de nous, en deviner la possibilité, même infime, altérée ; et
présumer sans effort de la cruauté sereine de l'être, comme de la tentation
d'asservir pour en tirer de la jouissance.
-
- Et
dans l'amour physique aussi. David Lynch a beaucoup réfléchi sur cette
frontière, dans ses films. La frontière entre le bien et le mal dans la
sexualité. Entre le plaisir de porter l'autre au plus haut de soi, et l'émotion
d'avilir ce qu'on chérit le plus. La frontière organique et mentale qui
s'efface parfois, et dont l'effacement ou le dépassement mènent à la jouissance
; la frontière friable entre l'avilissement et la grâce.
- Tout
ce que permet - et rend rêvé réel en quelque sorte - la possession dévouée ou
forcenée de l'autre.
-
- Si
l'idée de ces violences nous bouleverse c'est qu'on les sait à portée d'homme -
dès qu'il tombe hors du sens moral, hors de l'éthique, (mais quelle éthique ?
Sous quelle juridiction ? dirait Philipp Roth, puisque par exemple pour les
S.S. ce n'est rien de violer une jeune femme sauf dans le cas où elle est
juive, là ça devient une sorte de crime contre le sang aryen, faute grave
susceptible de prison...) dès que l'homme se laisse aller donc à cet émoi de
bête qu'il est pourtant le seul d'entre toutes les bêtes à concevoir et pouvoir
réaliser, imaginer et produire ; état de bête à portée d'homme.
- Et
bien qu'elle puisse déranger ou fasciner (dans l'effroi de ce qu'elle nous
apprend sur la nature humaine), la violence accomplie écoeure et appelle la
condamnation de tout son être, parce qu'on en ressent l'abjection comme on y
devine chez celui qui s'en empare de façon totalitaire toutes les lâchetés, et
les opportunismes et les profits sordides ; ne serait-ce qu'en premier lieu,
parce que dès qu'il s'agit d'un autre que soi, comme le dit si bien Gilles
Deleuze : on ne nous fera pas confondre le bourreau et la victime.
-
- 21.08.04
-
- Jean
(Cocteau) et Francis (Bacon) ont tous les deux, dans leur travail, ramené les
mythes au premier plan. Celui de la vérité, mais dans une voie toute à fait
opposée. Si Cocteau les revisite comme une sorte de salut magique pour les
humains les plus éclairés - et en première place les poètes - Francis Bacon qui
refuse toute portée magique autre que ce qui se passe sur la toile, l'accident
créateur, et le terme accident est bien choisi dans ce qu'il suppose de
sang, d'impact et de réalité, Bacon tire à lui le mythe, donne un coup de pied
dans le socle, comme il a fait glisser de la croix les figures de Cimabue, pour
en révéler l'implacable cruauté.
- Cocteau
et Bacon mettent la mythologie sur le trottoir. L'un dans une roulotte de bonne
aventure, et l'autre comme une prostituée sous un abri-bus.
- Si
Cocteau ne cesse d'être glorieux et optimiste malgré La difficulté d'être, Bacon
met à égalité la solitude du noceur et Prométhée enchaîné, les atteintes de
l'âge et les Erynies d'Eschyle, les tourments du coeur et les estropiés du
Berlin d'Otto Dix.
- Pour
le peintre anglais pas de mystère mais cette formule nette et terrible : "One
is born and one dies, and between the two you make what gestures you can. Et
c'est tout."
-
- Concernant
les migraines effroyables Pauline m'envoie par mail le conseil du café noir. Le
café est un puissant vasoconstricteur, me dit-elle. Comme le boa, donc,
serais-je tenté de répondre. Mathieu me dit que ça va me faire du bien - pas de
boar du café mais nos tournées en octobre sur les routes de France, que ça va
me faire du bien de prendre l'air.
- -
Oui, si on roule la fenêtre ouverte !" dis-je, pragmatique.
- Hier
j'ai hésité le jour durant - pour reposer ma tête - entre un oreiller moelleux
et les bras d'une fille ; le soir venu j'ai choisi les bras d'une fille ; et au
matin j'ai encore mal à la tête.
- La
phrase ci-dessus ne traduit absolument pas la vérité, mais à mesure que je
l'écrivais la fin s'est imposée et je n'ai pas pu m'en empêcher ; d'autant que
j'allais raconter que j'ai choisi l'oreiller faute de mieux, ce qui aurait pu
être très mal interprété, et qui n'est je l'espère que la halte et le répit du
destin avant la reprise d'une passion bouleversante aussi partagée
qu'irrépressible.
-
- La
grande leçon de la Résistance c'est de se donner les moyens de croire
simplement en demain.
- Et
de croire que de chaque acte de résistance dépend le bonheur d'un jour nouveau
qui s'en vient.
- Alors
on résiste toujours Pour, avant de résister Contre.
- Mais
s'il faut y mettre un contre alors : Résistance contre le découragement ;
résistance contre l'indigence du hasard ; sabotage des voies ferrées du désert
; résistance contre les préjugés, la bêtise, l'amertume et le fatalisme ;
résistance contre la sécheresse du coeur ; résistance contre les canailles,
contre ceux qui seront toujours là pour nous enfoncer la tête sous l'eau
quelque soit la maigre pitance de leurs tristes motifs ; résistance contre la
violence, contre les décisions prises à notre insu et qui nous matraquent la
tête ; résistance contre l'amour qui s'en va ; résistance tout court.
-
- 22.08.04
-
- Comme
tous les dimanches j'ai passé la journée à acheter des fleurs coupées et des
chouquettes.
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- L'amour,
la tendresse ont été inventé pour que les filles sachent quoi faire de leurs
mains ; le bricolage étant chez elles réservé aux choses de l'esprit.
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- J'ai
pas mal suivi les Jeux Olympiques cette saison principalement à cause de la
journaliste de Canal +, Claire-Elisabeth Beaufort, qui vient présenter les
flashs d'infos pendant les comptes rendus des épreuves, midi et soir, et dont
le naturel, le charme et la beauté, ont souvent éclipsé les autres
performances.
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- Lors
de la séance photos réalisée en vue d'un article dans Gala (à paraître
certainement fin septembre début octobre), on a fait quelques prises de vue
rigolotes avec Mathieu notamment une très sportive où j'ai l'air de courir vers
les grâces du destin qui, je l'espère, m'attendent au coin de la rue. (Et si la
rue est une avenue, un boulevard, un atlantide, une ville dans la ville , les
autres sont pour vous).
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