- rive éditoriale de mai
2006, n°7
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- Dr
Bénédicte Halba, présidente de
l'Iriv
Passager clandestin
- Pour Mancour Olson (1) toute action collective a un coût pour
l'individu. L'engagement prend du temps, coûte souvent de
l'argent, fait parfois courir un risque. Il en attend donc des
avantages (protection sociale, augmentation de salaire, emploi…).
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- Le phénomène du
passager clandestin ("
free rider ") consiste pour les membres d'un groupe à
profiter du bénéfice d'une action collective en
cherchant à en payer le coût minimum, voire à
y échapper totalement. Cette déficience du
marché est liée à la nature publique du bien
considéré : on ne peut exclure personne de la
consommation d'un bien public. Plus le groupe est grand, plus la
tendance est importante (2).
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- Cette théorie suppose un comportement égoïste dans
l'usage des biens publics. Il est " rationnel " pour ces individus
de se comporter en " passager clandestin ". Soucieux de leur
propre intérêt, ils ne vont pas contribuer de
manière volontaire à la réalisation de
l'intérêt commun ou du groupe. Ils
préfèrent laisser les autres payer le coût de
biens qui vont profiter à tous. La théorie exclut
toute possibilité d'altruisme qui est la capacité
des individus à engager une action collective même
s'ils n'en attendent aucun bénéfice personnel (3).
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- Or les calculs
individuels ne sont pas notre
seul moteur. Nous pouvons être motivés par des
préoccupations " sociales " ou " morales ". Statut social
et prestige sont aussi des biens ou des bénéfices
privés qui nous font progresser. En outre, n'agissons pas
de manière isolée : nous sommes influencés
par le comportement des autres acteurs.
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- Qu'observe-t-on au sein des associations ? Les " clandestins "
infiltrent surtout les associations qui offrent des formations
à leurs bénévoles. Ils participent à
la vie associative le temps de suivre les sessions puis
disparaissent avec le savoir-faire acquis. Une autre " resquille "
consiste à se faire élire au conseil
d'administration, participer très épisodiquement aux
réunions de travail mais activement aux
événements de prestige.
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- C'est évidemment un mauvais
calcul. Une formation n'a de
valeur que lorsqu'elle est mise en pratique. Le savoir et la
méthode dispensés n'ont de sens que par leur
application dans la réalité, auprès du public
ciblé. En outre, le critère déterminant pour
se prévaloir d'un engagement associatif sur le
marché du travail est l'expérience acquise
(durée de l'engagement, missions remplies…). Dans ce champ
très particulier de l'expérience, dite non formelle
et informelle, le témoignage revêt une importance
croissante. Les resquilleurs sont vite démasqués :
difficile d'être convaincant avec l'expérience des
autres !
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- Des outils et des
méthodes rendent
intelligibles ces expériences bénévoles (4).
Les titres de transport justifient que l'on s'est bien
acquitté du prix du parcours et sanctionnent les passagers
clandestins. Ainsi les portfolios de compétences
bénévoles attestent qu'une véritable
expérience a été acquise grâce à
un engagement associatif et qu'il ne s'agit pas d'une simple
mention pour enrichir son curriculum vitae.
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- La preuve est essentielle pour valoriser le
bénévolat. Elle permet de distinguer les " vrais "
bénévoles des " passagers clandestins ". La
manière de défendre son engagement est unique. Deux
individus qui remplissent des missions analogues dans une
association peuvent avoir des expériences très
différentes. Les motivations et la progression de
l'engagement répondent à des critères
subjectifs (développement personnel) et objectifs
(évolution dans l'association). Elles rendent tout parcours
très singulier.
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- (1) sociologue américain
(1932-1998)
- (2) Olson (Mancour), "La logique de
l'action collective", PUF, Paris, 1979.
- (3) Icra, "Action collective - Concepts
clés ", Ressources Pédagogiques, avril 2006,
http://www.icra-edu.org .
- (4) en particulier le " Portfolio de
compétences bénévoles " élaboré
dans le cadre du projet Leonardo da Vinci " VAEB dans une
perspective professionnelle ", www.eEuropeassociations.net
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