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En 2000, Nicolas a recueilli auprès de son grand-père Paul Turgné, fils de l'inspecteur Paul Turgné, le témoignage suivant :

Je n'avais que onze ans, les souvenirs sont lointains mais je me souviens de certains détails racontés par mon père à la maison ...

Tout commença le 18 juin 1940, lors de l'appel du général de Gaulle, mon père Paul Turgné décida de rallier la Résistance au sein du réseau Honneur et Patrie...

 
1941 est l'année de mise en place des différents réseaux, de l'organisation des passages en zone libre, des départs en avion pour l'Angleterre, des premières opérations contre l'occupant ...

 

 

En 1942, le groupe auquel appartient mon père vient en aide aux Juifs menacés d'arrestation. Travaillant aux Renseignements Généraux de la Préfecture de Police, il lui est possible de consulter les documents concernant les arrestations envisagées ... adresses des personnes recherchées et dates des perquisitions ... Mon père se déplace beaucoup. Les Allemands enquêtent sur ses absences prolongées, l'arrêtent en mars et l'internent, avenue Foch, siège de la Gestapo. Il sera relâché faute de preuves.
En 1943 des rumeurs circulent sur un éventuel débarquement allié en France, les Allemands deviennent plus suspicieux et agressifs ... mon père continue néanmoins ses activités.  

Une vague d'arrestations s'abat sur le groupe, Paul Turgné est interpellé en pleine rue près de la Préfecture de Police et incarcéré dans la cellule n° 2 de la 2ème division du 2ème étage de la prison du Cherche Midi, d'où après vingt jours d'interrogatoires sous la torture il est transféré à Compiègne. Nouveaux interrogatoires ... en vain ! Il est alors conduit à Drancy ville trop bien connue pour ses convois pour l'Allemagne.

A l'arsenal de la gare de Drancy, tout en se méfiant des autres prisonniers (les délations ne sont pas rares !) il parvient à obtenir des cheminots français un marteau de 7 kilogrammes servant au démontage des rails.

Quelques jours plus tard le bruit court qu'un train est prévu pour Dachau

 

                   Le soir du départ, déjouant la surveillance des sentinelles allemandes, Paul Turgné monte dans le wagon, son précieux outil pendu au cou. Soixante à quatre-vingt personnes s'entassent dans un espace prévu pour à peine quarante hommes.

Le train démarre ...

Direction Vitry le François. Avec des camarades il entreprend de défoncer à coups de marteau quelques planches du toit du wagon et au moment propice ils sautent du train en marche sous le feu des mitrailleuses postées aux extrémités du convoi.

Après s'être caché toute la nuit dans les fourrés, le petit groupe est accueilli dans plusieurs fermes. Restauré, toiletté, mon père se voit offrir par son hôte les vêtements du fils requis pour le STO. Quatre jours plus tard, les contacts nécessaires ayant été pris, il peut quitter les lieux et par petites étapes rejoindre la région parisienne.

 

 

 

 

Il s'installe alors à Saint Maur des Fossés, dans le quartier d'Adamville, dans une sorte de garage désaffecté. Les Allemands le recherchent activement et nous rendent souvent visite à la maison ... perquisitions, tiroirs retournés, fouille des armoires et des conduits de cheminée ... Ces hommes viennent toujours à trois : deux qui inspectent, un qui interroge ... en posant ostensiblement son Lüger sur la table. Une fois, je me souviens, il est resté deux jours consécutifs, espérant que mon père se présenterait.

Ayant repris ses activités au sein du mouvement Honneur de la Police, papa se déplaçait beaucoup et très rapidement. Il se rendait à vélo dans Paris, empruntant essentiellement des petites rues. Ma mère lui rendit visite quelques fois, elle aussi à vélo et le plus discrètement possible.

 

Le 6 juin les Alliés débarquent en Normandie. Mon père, qui a été muni de faux papiers, peut reprendre ses missions entre Saint Maur des Fossés et la Préfecture de Police. Le 19 août, dans la soirée, en compagnie de l'inspecteur Baranger il circule dans la rue de Charenton ... Une patrouille allemande tente de les arrêter. Mon père est armé, il ne répond pas aux sommations, une rafale de mitraillette l'abat sur place. Transporté à l'hôpital immédiatement il ne peut, lui le donneur de sang, bénéficier d'aucune transfusion et décède le lendemain matin à 7h00.  

Le bulletin d'information des Mouvements Unifiés de la Police Parisienne, dans son numéro 4 de juillet 1945 rend compte de la cérémonie qui s'est déroulée le 20 juin  à l'occasion de l'inauguration d'une plaque commémorative à la mémoire de l'inspecteur Paul Turgné, et indique qu'il a été cité à l'Ordre de la Nation, fait chevalier de la Légion d'Honneur et décoré de la Croix de Guerre.
Un grand merci à Nicolas qui nous a fait parvenir ces détails et ces documents extraits de ses archives familiales.

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