Noms d'usage
: Déesse noire, Vièrge éternelle, Déesse
au miroir obscure, la Mère première, la Mère obscure,
La première femme, La Mère des sombres rêves, La Mère
noire...
Symbole : Un serpent
noir enroulé sur lui-même circulaire sur le pourtour d'un
miroir une d'une pierre noir lisse et brillante. On symbolise par sa glyphe,
un "O" avec une petite barre verticale au centre.
On la dit la première femme de l'univers, disposant
du pouvoir de création et d'enfantement. Elle est la mère
de la magie noir. Elle a été chassé du monde, elle
vit derrière le miroir obscure, au delà du rêve, dans
le "lieu d'où à jaillit le monde".
Ces pouvoirs sont immenses, c'est une déesse de
création, de désir, de séduction féminine...
Elle est omnisciente et connaît le passé et l'avenir... Elle
voit dans les ténèbres et enfante l'obscurité.
On dit que c'est elle qui a "inventé" le principe "féminin"
et qu'ella a donné au femme le pouvoir d'éveiller de désir
et l'imagination.
On dit qu'elle est la mère du peuple de l'ancien
serpent, de la mort et de tant de monstre qu'on ne pourrait les nommer
tous... On dit que son corps est la terre des rêves obscures, comme
celui de la Terre-Mère est la terre des hommes.
C'est une femme aux cheveux noirs plein de serpent, aux
yeux comme des lacs noirs. Et le bas de son corps est celui d'un serpent
géant. On la représente parfois avec huit bras, et toujours
avec un troisième oeil comme un disque noir. Elle est d'une beauté
sans pareil...
Lilith est "celle-qui-dit-non". Celle qui transgresse la loi divine
pour vivre le désir absolu. Et qui, ne pouvant l'assouvir, s'enferme
dans la solitude glacée de son refus : «mourant de soif au
bord de la fontaine», en écrit Pierre Jean Jouve.
- Née de la ténèbre dont elle tire son nom (Leïla
ou Lavlah), Lilith est noire*. Elle précède Adam* au jardin
d'Eden et y apparaît comme le serpent* de l'arbre* des tentations
qui fascine et éveille le désir de la connaissance qui rendrait
égal à Dieu. Elle a mangé du fruit qui ne l'a pas
tuée, elle dit donc que le désir est bon. Elle est aussi
capable de prononcer le «nom indicible» de Dieu, ce que celui-ci
ne peut évidemment supporter. La connaissance scelle donc la fin
de l'innocence édénique et la femme-serpent engendrera de
multiples sirènes* et mélusines* à la beauté
souveraine, mais qui signifient toutes la perte de l'homme, éperdu
d'amour pour elles.
- Ignorée par la Bible, Lilith apparaît dans le Zohar,
le «Livre des splendeurs» de la cabbale hébraïque.
Elle est la femelle qui «enfante l'esprit d'Adam» encore inanimé,
puis unie à lui quand il s'éveille, «mère* et
épouse à la fois, à l'image d'une femme supérieure
incluse dans l'Adam androgyne*». Ensuite, dit pourtant le Zohar,
«Dieu fendit Adam en deux, moitié mâle, moitié
femelle, et prépara la femelle telle qu'on doit la parer pour l'introduire
sous le dais nuptial. Aussitôt que Lilith le vit, elle prit la fuite
et se sauva par-delà les mers, prête à fondre sur le
monde». Son refus la nomme ainsi pour la première fois. Lilith
est la rebelle, elle est cette première femme qui précède
celle qui assumera le rôle d'épouse conçue à
partir d'Adam et donc son inférieur, plus apte ainsi à se
conformer à la loi conjugale, tandis que Lilith qui refuse cette
loi, qui ne veut pas «être parée pour les noces»
qui revendique la plénitude du désir, Lilith mérite
le châtiment : Yahvé envoie trois anges* à sa poursuite,
mais elle refuse de rentrer au paradis*, même sous «l'angélique
menace» de voir périr chaque jour cent de ses enfants. Comme
on lui assigne le rôle de tuer les nouveaux nés dont les âmes
sont mauvaises, elle préfère rejoindre l'autre grand rebelle
et s'unit à Samaël (Satan, voir Diable), et devenant pour toujours
la reine de la nuit*, le démon* femelle, la reine de Saba, la grande
prosituée* de Babylone*, la future sorcière* qui brûlera
sur les bûchers du désir collectif refoulé, «vamp»
fatale des romans ou films noirs jusqu'au plein coeur de notre siècle.
Souvent représentée avec son vagin sur le front (en parallèle
féminin de la licorne* qui porte au contraire une corne* phallique),
Lilith gouverne tout ce qui est impur et laisse à la Vièrge
des chrétiens la place du féminin «pur et sans tache»,
de même qu'elle abandonna à Eve le rôle d'épouse
soumise aux lois du mariage et de la maternité : Lilith, qui voit
ses enfants sacrifiés, refuse désormais toutes descendance.
Comme telle, on la met d'ailleurs en relation avec la Lamia grecque, femme
d'une très grande beauté qu'aima Zeus, et qui fut poursuivie
par Héra qui fit périr tous ses enfants. Réfugiée
dans une grotte*, elle se mit alors à capturer les enfants des autres
pour les dévorer, devenant ainsi un symbole de la jalousie des femmes
stériles. Sa capacité sacrificielle de femme qui tranche,
qui dévore et qui tue, fait également de Lilith l'une des
premières figures de la mère* impitoyable qui ne recule pas
devant le meurtre de sa propre progéniture (comme Médée),
ni devant celui de ses amants, n'hésitant jamais à marier
l'amour avec la mort. Elle est de ce point de vue «la mère
terrible» et castratrice, la part maudite de l'anima masculine, ou,
ainsi que Jung a pu l'analyser chez les femmes, un animus à la puissance
d'autant plus affirmée qu'elle n'est pas psychiquement intégrée.
- Lilith est aussi l'incarnation de la «lune* noire» des
astrologues, et de la capacité de chacune de refuser la sexualité
bridée par la loi sociale ou divine, afin d'aller vers la plus grande
et la plus libre transcendance en brisant les interdits. Elle est alors
Antigone et sa nombreuse descendance, mais aussi toutes celles qui sont
éprises de vertige et se retrouvent recluses dans leur prison d'amour
: la Princesse de Clèves, bien sûr, mais tout autant madame
de Mortsauf (Le Lys dans la vallée), ou certaine Religieuse portugaise
à l'amour à jamais lointain. Patronne du processus d'initiation*,
elle gouverne le désir le plus profond d l'individu, et renvoie
à l'Ineffable et aux sacrifices nécessaires pour pouvoir
l'entrevoir.
- Le XXème siècle pourtant, au moins sous certaines latitudes,
tente une réconciliation avec cette image de la première
rebelle : Lilith, par son refus, est la première féministe,
et l'excès est à la mesure de la radicalité de la
révolte après de si long siècles d'asservissement.
Page 308, dans la rubrique Hibou : Dans la religion juive le hibou accompagne le démon de la nuit féminin, Lilith* ;
Page 359, dans la rubrique Licorne : «Défie-toi de la licorne, recommande saint Basile, elle approche le mal des homme et elle est habile à le provoquer.» Tentatrice des vierges, elle offre alors toute l'ambiguïté d'une image de Lilith*.
Page 382, dans la rubrique Lune : Associée à la figure de Lilith*, la lune noire peut assombrir le destin de celui qui n'en a pas intériorisé le motif, mais elle indique d'abord la nécessité de l'initiation* psychique et spirituelle.
Page 403, dans la rubrique Mélusine : [...], d'autre part pour
être reprise par l'alchimie de la Renaissance, en particulier par
Paracelse et son grand élève Gerhard Dorn, où elle
n'est pas non plus sans rapport avec la figure de Lilith* : «Dans
son traité intitulé De Pygmaeis, Paracelse nous apprend que
la Mélusine était à l'origine une nymphe qui fut entraînée
par Belzébuth à s'adonner à la sorcellerie.».
[...] Bien qu'elle rejoigne Lilith, on peut se demander si, dans son
aspect lunaire, Mélusine ne serait pas d'abord la «lune noire»,
la lune qui se cache -et en tant que telle, celle qui commande aux secrets
mêmes de l'être, l'initiatrice aux mystères, celle qui
préside aux sacrifices de l'individualisation- tout comme le fait
Hermès à qui elle est liée de si près.
Page 451, dans la rubrique Nombre : [au sujet du nombre «2» qui est symboliquement la «femme» et le «diable»] On note l'équivalence qui tend implicitement à se faire ainsi entre la femme et le Diable, et à laquelle il arrivera souvent à la pensée de céder : c'est ici l'énigmatique figure de Lilith*, c'est l'Eve au paradis* qui écoute le serpent*, ce seront toutes les sorcières* que la chrétienté jettera au feu, c'est toute la gynophobie traditionnelle de notre culture et la terreur qu'éprouve l'homme devant la mère* où il lit le pouvoir de la mort, et devant la femme qui risque de le détruire (voir Nudité).
Page 629, dans la rubrique Serpent : [reprise des relations symbolique science/divination et femme/mère qui caractérise Lilith]
Page 635, dans la rubrique Sirène : [la forme de la Sirène]
n'est qu'une forme déguisée du serpent* qui perd l'humanité
(voir aussi Lilith). Bien des serpents enroulés autour de l'arbre*
de la Connaissance sont d'ailleurs représentés au Moyen Age
avec une tête et un buste de femme.
Sanguinaire, jalouse, luxurieuse et impudique à la ressemblance
de la suméro-akkadienne déesse Lilitû, dont son nom
très probablement dérive, Lilith, dans la tradition rabbinique,
apparaît comme la reine des succubes. Cent quatre-vingt mille servantes
sont à ses ordres, toujours prêtes à envahir notre
univers, vivant dans les maisons en ruines et les latrines, sortant de
nuit, et se nourrissant de pus et de vermine. Incarnation du Mal, Lilith
est la terreur des femmes en couches, car on la soupçonne de voler
les nouveaux-nés pour les dévorer à l'instar d'une
goule. Aussi place-t-on cette inscription sur le mur de la chambre des
parturientes : «Adam et Eve, ici ; Lilith dehors !».
Une autre tradition en fait la première femme d'Adam, dont elle
aurait eu d'innombrables démons, avant de s'enfuir pour épouser
Samaël, l'Ange de la Mort.
Rémy de Gourmont devait subtilement évoquer le caractère
imprévu et morbide des vices de Lilith que, pour sa part,
Victor Hugo comparait à une femme fatale, résumant l'âme
d'un monde disparu :
«Afin qu'Adam goûtât le fiel avant le miel
Et le baiser du gouffre avant celui du ciel
Eve était nue, Isis-Lilith était voilée
Les corbeaux l'entouraient de leur fauve volée ;
Les hommes la nommaient Sort, Fortune, Ananké ;
Son temple était muré, son prêtre était
masqué ;
Elle buvait du sang dans le bois solitaire ;
Elle avait des autels effrayants. Et la terre
Subissait cette abjecte et double obscurité :
En bas Idolâtrie, en haut Fatalité.»
Dans la tradition Kabbalistique, Lilith serait le nom de la femme créée
avant Eve, en même temps qu'Adam, non pas d'une côte de l'homme,
mais elle aussi directement de la terre. Nous sommes tous les deux égaux,
disait-elle à Adam, puisque nous venons de la terre. Là-dessus,
il se disputèrent tous deux et Lilith, qui était en colère,
prononça le nom de Dieu et s'enfuit pour commencer une carrière
démoniaque. Selon une autre tradition, Lilith serait une première
Eve : Caïn et Abel se sont disputé la possession de cette Eve,
créée indépendamment d'Adam et donc pas parente avec
eux. Certains voient ici des traces de l'androgynie* du premier homme et
de l'inceste* des premiers couples.
Lilith deviendra l'ennemie d'Eve, l'instigatrice des amours illégitimes,
la perturbatrice du lit conjugal. Son domicile sera fixé dans
les profondeurs de la mer et des objurgations tendent l'y maintenir
pour l'empêcher de troubler la vie des hommes et des femmes sur la
terre (SCHOLEM G.-C., La Kabbale et sa symbolique, Paris, 1966, page 173
et passim).
En tant que femme supplantée ou abandonnée, au bénéfice
d'une autre femme, Lilith représentera les haines antifamiliales,
la haine des couples et des enfants ; elle rappelle l'image tragique des
Lamies* dans la mythologie grecques. Elle n'a pu s'intégrer dans
les cadres de l'existence humaine, des relations interpersonnelles et communautaires
; elle est rejetée dans l'abîme, au fond de l'océan
où elle ne cesse d'être tourmentée par une perversion
du désir, qui l'éloigne de la participation aux normes. Lilith
est la faunesse nocturne qui tentera de séduire Adam et engendrera
créatures fantomatiques du désert, la les nymphe vampirique
de la curiosité, qui à volonté met ou ôte ses
yeux, et qui donne aux enfants des hommes le lait vénéneux
des songes (L'art magique, ouvrage collectif, Paris, 1957, page 199). Elle
est comparée à la lune noire*, à l'ombre de l'inconscient,
aux obscures pulsions. Elle dévore les nouveaux-nés, dévorée
elle-même par la jalousie.