Lilith
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Noms d'usage : Déesse noire, Vièrge éternelle, Déesse au miroir obscure, la Mère première, la Mère obscure, La première femme, La Mère des sombres rêves, La Mère noire...
Symbole : Un serpent noir enroulé sur lui-même circulaire sur le pourtour d'un miroir une d'une pierre noir lisse et brillante. On symbolise par sa glyphe, un "O" avec une petite barre verticale au centre.

On la dit la première femme de l'univers, disposant du pouvoir de création et d'enfantement. Elle est la mère de la magie noir. Elle a été chassé du monde, elle vit derrière le miroir obscure, au delà du rêve, dans le "lieu d'où à jaillit le monde".
Ces pouvoirs sont immenses, c'est une déesse de création, de désir, de séduction féminine... Elle est omnisciente et connaît le passé et l'avenir... Elle voit dans les ténèbres et enfante l'obscurité.  On dit que c'est elle qui a "inventé" le principe "féminin" et qu'ella a donné au femme le pouvoir d'éveiller de désir et l'imagination.
On dit qu'elle est la mère du peuple de l'ancien serpent, de la mort et de tant de monstre qu'on ne pourrait les nommer tous... On dit que son corps est la terre des rêves obscures, comme celui de la Terre-Mère est la terre des hommes.
C'est une femme aux cheveux noirs plein de serpent, aux yeux comme des lacs noirs. Et le bas de son corps est celui d'un serpent géant. On la représente parfois avec huit bras, et toujours avec un troisième oeil comme un disque noir. Elle est d'une beauté sans pareil...



Encyclopédie des Symboles
pages 363 & 364
La Pochotèque, 1996

Lilith est "celle-qui-dit-non". Celle qui transgresse la loi divine pour vivre le désir absolu. Et qui, ne pouvant l'assouvir, s'enferme dans la solitude glacée de son refus : «mourant de soif au bord de la fontaine», en écrit Pierre Jean Jouve.
- Née de la ténèbre dont elle tire son nom (Leïla ou Lavlah), Lilith est noire*. Elle précède Adam* au jardin d'Eden et y apparaît comme le serpent* de l'arbre* des tentations qui fascine et éveille le désir de la connaissance qui rendrait égal à Dieu. Elle a mangé du fruit qui ne l'a pas tuée, elle dit donc que le désir est bon. Elle est aussi capable de prononcer le «nom indicible» de Dieu, ce que celui-ci ne peut évidemment supporter. La connaissance scelle donc la fin de l'innocence édénique et la femme-serpent engendrera de multiples sirènes* et mélusines* à la beauté souveraine, mais qui signifient toutes la perte de l'homme, éperdu d'amour pour elles.
- Ignorée par la Bible, Lilith apparaît dans le Zohar, le «Livre des splendeurs» de la cabbale hébraïque. Elle est la femelle qui «enfante l'esprit d'Adam» encore inanimé, puis unie à lui quand il s'éveille, «mère* et épouse à la fois, à l'image d'une femme supérieure incluse dans l'Adam androgyne*». Ensuite, dit pourtant le Zohar, «Dieu  fendit Adam en deux, moitié mâle, moitié femelle, et prépara la femelle telle qu'on doit la parer pour l'introduire sous le dais nuptial. Aussitôt que Lilith le vit, elle prit la fuite et se sauva par-delà les mers, prête à fondre sur le monde». Son refus la nomme ainsi pour la première fois. Lilith est la rebelle, elle est cette première femme qui précède celle qui assumera le rôle d'épouse conçue à partir d'Adam et donc son inférieur, plus apte ainsi à se conformer à la loi conjugale, tandis que Lilith qui refuse cette loi, qui ne veut pas «être parée pour les noces» qui revendique la plénitude du désir, Lilith mérite le châtiment : Yahvé envoie trois anges* à sa poursuite, mais elle refuse de rentrer au paradis*, même sous «l'angélique menace» de voir périr chaque jour cent de ses enfants. Comme on lui assigne le rôle de tuer les nouveaux nés dont les âmes sont mauvaises, elle préfère rejoindre l'autre grand rebelle et s'unit à Samaël (Satan, voir Diable), et devenant pour toujours la reine de la nuit*, le démon* femelle, la reine de Saba, la grande prosituée* de Babylone*, la future sorcière* qui brûlera sur les bûchers du désir collectif refoulé, «vamp» fatale des romans ou films noirs jusqu'au plein coeur de notre siècle. Souvent représentée avec son vagin sur le front (en parallèle féminin de la licorne* qui porte au contraire une corne* phallique), Lilith gouverne tout ce qui est impur et laisse à la Vièrge des chrétiens la place du féminin «pur et sans tache», de même qu'elle abandonna à Eve le rôle d'épouse soumise aux lois du mariage et de la maternité : Lilith, qui voit ses enfants sacrifiés, refuse désormais toutes descendance. Comme telle, on la met d'ailleurs en relation avec la Lamia grecque, femme d'une très grande beauté qu'aima Zeus, et qui fut poursuivie par Héra qui fit périr tous ses enfants. Réfugiée dans une grotte*, elle se mit alors à capturer les enfants des autres pour les dévorer, devenant ainsi un symbole de la jalousie des femmes stériles. Sa capacité sacrificielle de femme qui tranche, qui dévore et qui tue, fait également de Lilith l'une des premières figures de la mère* impitoyable qui ne recule pas devant le meurtre de sa propre progéniture (comme Médée), ni devant celui de ses amants, n'hésitant jamais à marier l'amour avec la mort. Elle est de ce point de vue «la mère terrible» et castratrice, la part maudite de l'anima masculine, ou, ainsi que Jung a pu l'analyser chez les femmes, un animus à la puissance d'autant plus affirmée qu'elle n'est pas psychiquement intégrée.
- Lilith est aussi l'incarnation de la «lune* noire» des astrologues, et de la capacité de chacune de refuser la sexualité bridée par la loi sociale ou divine, afin d'aller vers la plus grande et la plus libre transcendance en brisant les interdits. Elle est alors Antigone et sa nombreuse descendance, mais aussi toutes celles qui sont éprises de vertige et se retrouvent recluses dans leur prison d'amour : la Princesse de Clèves, bien sûr, mais tout autant madame de Mortsauf (Le Lys dans la vallée), ou certaine Religieuse portugaise à l'amour à jamais lointain. Patronne du processus d'initiation*, elle gouverne le désir le plus profond d l'individu, et renvoie à l'Ineffable et aux sacrifices nécessaires pour pouvoir l'entrevoir.
- Le XXème siècle pourtant, au moins sous certaines latitudes, tente une réconciliation avec cette image de la première rebelle : Lilith, par son refus, est la première féministe, et l'excès est à la mesure de la radicalité de la révolte après de si long siècles d'asservissement.



Autres apparitions de Lilith dans l'Encyclopédie des Symboles :

Page 308, dans la rubrique Hibou : Dans la religion juive le hibou accompagne le démon de la nuit féminin, Lilith* ;

Page 359, dans la rubrique Licorne : «Défie-toi de la licorne, recommande saint Basile, elle approche le mal des homme et elle est habile à le provoquer.» Tentatrice des vierges, elle offre alors toute l'ambiguïté d'une image de Lilith*.

Page 382, dans la rubrique Lune : Associée à la figure de Lilith*, la lune noire peut assombrir le destin de celui qui n'en a pas intériorisé le motif, mais elle indique d'abord la nécessité de l'initiation* psychique et spirituelle.

Page 403, dans la rubrique Mélusine : [...], d'autre part pour être reprise par l'alchimie de la Renaissance, en particulier par Paracelse et son grand élève Gerhard Dorn, où elle n'est pas non plus sans rapport avec la figure de Lilith* : «Dans son traité intitulé De Pygmaeis, Paracelse nous apprend que la Mélusine était à l'origine une nymphe qui fut entraînée par Belzébuth à s'adonner à la sorcellerie.».
[...] Bien qu'elle rejoigne Lilith, on peut se demander si, dans son aspect lunaire, Mélusine ne serait pas d'abord la «lune noire», la lune qui se cache -et en tant que telle, celle qui commande aux secrets mêmes de l'être, l'initiatrice aux mystères, celle qui préside aux sacrifices de l'individualisation- tout comme le fait Hermès à qui elle est liée de si près.

Page 451, dans la rubrique Nombre : [au sujet du nombre «2» qui est symboliquement la «femme» et le «diable»] On note l'équivalence qui tend implicitement à se faire ainsi entre la femme et le Diable, et à laquelle il arrivera souvent à la pensée de céder : c'est ici l'énigmatique figure de Lilith*, c'est l'Eve au paradis* qui écoute le serpent*, ce seront toutes les sorcières* que la chrétienté jettera au feu, c'est toute la gynophobie traditionnelle de notre culture et la terreur qu'éprouve l'homme devant la mère* où il lit le pouvoir de la mort, et devant la femme qui risque de le détruire (voir Nudité).

Page 629, dans la rubrique Serpent : [reprise des relations symbolique science/divination et femme/mère qui caractérise Lilith]

Page 635, dans la rubrique Sirène : [la forme de la Sirène] n'est qu'une forme déguisée du serpent* qui perd l'humanité (voir aussi Lilith). Bien des serpents enroulés autour de l'arbre* de la Connaissance sont d'ailleurs représentés au Moyen Age avec une tête et un buste de femme.



Dictionnaire du Diable
page 215
Roland Villeneuve,
PIERRE BORDAS & FILS, 1989

Sanguinaire, jalouse, luxurieuse et impudique à la ressemblance de la suméro-akkadienne déesse Lilitû, dont son nom très probablement dérive, Lilith, dans la tradition rabbinique, apparaît comme la reine des succubes. Cent quatre-vingt mille servantes sont à ses ordres, toujours prêtes à envahir notre univers, vivant dans les maisons en ruines et les latrines, sortant de nuit, et se nourrissant de pus et de vermine. Incarnation du Mal, Lilith est la terreur des femmes en couches, car on la soupçonne de voler les nouveaux-nés pour les dévorer à l'instar d'une goule. Aussi place-t-on cette inscription sur le mur de la chambre des parturientes : «Adam et Eve, ici ; Lilith dehors !».
Une autre tradition en fait la première femme d'Adam, dont elle aurait eu d'innombrables démons, avant de s'enfuir pour épouser Samaël, l'Ange de la Mort.
Rémy de Gourmont devait subtilement évoquer le caractère imprévu  et morbide des vices de Lilith que, pour sa part, Victor Hugo comparait à une femme fatale, résumant l'âme d'un monde disparu :
«Afin qu'Adam goûtât le fiel avant le miel
Et le baiser du gouffre avant celui du ciel
Eve était nue, Isis-Lilith était voilée
Les corbeaux l'entouraient de leur fauve volée ;
Les hommes la nommaient Sort, Fortune, Ananké ;
Son temple était muré, son prêtre était masqué ;
Elle buvait du sang dans le bois solitaire ;
Elle avait des autels effrayants. Et la terre
Subissait cette abjecte et double obscurité :
En bas Idolâtrie, en haut Fatalité.»



Dictionnaire des Symboles
pages 573 & 574
Jean Chevalier et Alain Gheerbrant
BOUQUINS, Robert Laffont / Jupiter, 1982

Dans la tradition Kabbalistique, Lilith serait le nom de la femme créée avant Eve, en même temps qu'Adam, non pas d'une côte de l'homme, mais elle aussi directement de la terre. Nous sommes tous les deux égaux, disait-elle à Adam, puisque nous venons de la terre. Là-dessus, il se disputèrent tous deux et Lilith, qui était en colère, prononça le nom de Dieu et s'enfuit pour commencer une carrière démoniaque. Selon une autre tradition, Lilith serait une première Eve : Caïn et Abel se sont disputé la possession de cette Eve, créée indépendamment d'Adam et donc pas parente avec eux. Certains voient ici des traces de l'androgynie* du premier homme et de l'inceste* des premiers couples.
Lilith deviendra l'ennemie d'Eve, l'instigatrice des amours illégitimes, la perturbatrice du lit conjugal.  Son domicile sera fixé dans les profondeurs de la mer et des objurgations tendent  l'y maintenir pour l'empêcher de troubler la vie des hommes et des femmes sur la terre (SCHOLEM G.-C., La Kabbale et sa symbolique, Paris, 1966, page 173 et passim).
En tant que femme supplantée ou abandonnée, au bénéfice d'une autre femme, Lilith représentera les haines antifamiliales, la haine des couples et des enfants ; elle rappelle l'image tragique des Lamies* dans la mythologie grecques. Elle n'a pu s'intégrer dans les cadres de l'existence humaine, des relations interpersonnelles et communautaires ; elle est rejetée dans l'abîme, au fond de l'océan où elle ne cesse d'être tourmentée par une perversion  du désir, qui l'éloigne de la participation aux normes. Lilith est la faunesse nocturne qui tentera de séduire Adam et engendrera créatures fantomatiques du désert, la les nymphe vampirique de la curiosité, qui à volonté met ou ôte ses yeux, et qui donne aux enfants des hommes le lait vénéneux des songes (L'art magique, ouvrage collectif, Paris, 1957, page 199). Elle est comparée à la lune noire*, à l'ombre de l'inconscient, aux obscures pulsions. Elle dévore les nouveaux-nés, dévorée elle-même par la jalousie.