Pourquoi une marque s'offre un événement [ 12/01/07 ] (Dans Lesechos.fr)

Créer ou maîtriser son propre événement, et si possible un raid aventure dans l'air du temps, constitue une stratégie de sponsoring habile.

En choisissant de parrainer le Raid Turquoise, une aventure en bateaux semi-rigides à moteur hors-bord, qui s'est couru en décembre, Rubson illustre avant tout la nature même de ses produits : ses mastics d'étanchéité et ses absorbeurs d'humidité qui repoussent l'eau.

Le 15 janvier, la direction de Henkel France devrait décider ou non de la reconduction de l'accord de parrainage de sa marque de produits d'étanchéité Rubson avec le Raid Turquoise, raid aventure en bateaux semi-rigides à moteur hors-bord, dont la sixième édition s'est achevée le 16 décembre dernier en Thaïlande. La question posée est de savoir si l'événement génère un retour sur investissement suffisant. Plus généralement, le concept sera évalué, ainsi que la position de sponsor-titre (le raid porte le nom de « Rubson Raid Turquoise »), délicate en matière de retombées médiatiques. Comme l'a constaté BNP Paribas pour le tournoi de tennis éponyme de Paris-Bercy, les journalistes rechignent encore à citer le nom commercial d'un événement sportif, même si, pour la télévision, le CSA n'assimile pas cela à de la publicité clandestine.

« Notre investissement correspond à environ 10 % de notre budget marketing, et nos retombées représentent 1,5 fois nos coûts », explique Eric Moley, directeur général de Rubson. « Le partenariat-titre est la forme de sponsoring la plus efficace, car la marque ressort mieux que si l'on est l'un des 5 ou 6 sponsors d'un événement », analyse Paul Pelade, directeur consulting d'IMG France, l'agence qui gère l'Open Gaz de France de tennis féminin, qui fêtera sa quinzième édition à Paris du 3 au 11 février. « Mais le mieux est d'arriver soit à la création de l'événement, soit au tout début, car si une épreuve est connue auparavant, il faut du temps pour que la marque associée soit citée. » On a entendu ainsi peu de citations de La Route du rhum-La Banque Postale en 2006, la course jouissant déjà d'une forte notoriété. Il est également difficile de prendre la suite d'un précédent partenaire-titre, comme on l'a vu avec le Trophée Lancôme, qui après le retrait de la marque de cosmétique en 2003 n'a pas trouvé de « repreneur ». « Pour que cela fonctionne, il faut investir massivement en communication », ajoute le consultant.

Gilles Dumas dresse le même constat : « Le statut de sponsor-titre fonctionne bien quand on crée un concept original et, dans l'idéal, s'il s'agit d'un événement type raid aventure, il ne faut pas investir 1 million d'euros dans l'organisation, mais plutôt 100.000 à 150.000 euros [le montant présumé de l'investissement de Rubson dans son Raid Turquoise] et beaucoup plus dans le faire-savoir ; le rapport peut être de 1 à 10. » Pour le directeur général de SportLab, la branche consulting de Sporever, « être présent dès l'origine permet de façonner une événement qui colle aux valeurs de l'entreprise. Le mieux est de l'intégrer au mix-marketing en le déclinant dans la création de produits ou des animations commerciales. »

En choisissant de parrainer le Raid Turquoise en 2002, soit un an après sa création par le Belge Philippe Martin, la branche colles et étanchéité (112,1 millions d'euros de chiffre d'affaires) de Henkel France (838 millions pour 2.000 salariés) a suivi cette stratégie, dans le cadre de la politique générale du groupe, qui vise à trouver de nouveaux moyens de communication - autres que la pub à la télévision, jugée « encombrée et coûteuse » - pour augmenter la notoriété de ses produits, développer la proximité et « créer de l'émotion ». Le groupe parraine également le Tournoi de beach-volley de Paris et est présent, entre autres, en F1 et sur le Dakar, avec Loctite. « Nous misons sur les sports innovants ou émergents en étant à chaque fois le partenaire leader de l'événement », résume Bruno Piacenza, le président France.

Avec une épreuve combinant vitesse, endurance et orientation sur mer avec des bateaux semi-rigides (des Capelli), Rubson illustre d'abord la nature même de ses produits : ses mastics d'étanchéité et ses absorbeurs d'humidité repoussent l'eau. Avec, sur les 20 équipages, 10 étrangers, notamment néerlandais, belge, chinois et russe, et un déroulement en Asie, la société vise les marchés émergents, note Eric Moley, qui se réjouit d'un reportage d'une heure sur CCTV, la télévision publique chinoise. Avec une cinquantaine de journalistes couvrant l'événement en 2006, contre 15 en 2001, et des retombées estimées en 2005, en équivalent publicitaire, à 2 millions d'euros, contre 50.000 au début, le Raid Turquoise accroît régulièrement son poids médiatique. Mais il doit encore accomplir des progrès en termes d'organisation et de communication externe et interne pour prendre une vraie place dans le paysage sportif français.

Racheter une compétition

Ce paysage accorde de plus en plus d'importance aux raids aventure et aux sports extrêmes ou nature. Dakar, Randoraid SFR ou Corsica Raid, qu'il s'agisse d'automobiles tout-terrain, de bateaux, de randonnée pédestre ou d'escalade, on compte 700 raids aventure différents. « Nos études montrent que la compétition classique n'est plus une valeur centrale du sport, contrairement au sport loisir, explique Gilles Dumas. Les valeurs de découverte, de confrontation avec la nature sont en hausse, comme se développe le secteur de l'outdoor avec des marques comme Salomon ou Aigle. »

« Il faudrait passer à la vitesse supérieure pour faire un vrai événement sportif et augmenter d'environ 40 % le budget », reconnaît Eric Moley. Sans le dire, le directeur général de la branche colles d'Henkel France pourrait aussi envisager de racheter l'événement, voire de le rebaptiser « Raid Rubson ». Une solution pour en faire un outil de communication parfaitement adapté à ses besoins.

Pour les marques, en France, le prochain défi consistera à prêter son nom aux stades et autres enceintes sportives, selon le modèle anglo-saxon du « naming ».

PHILIPPE BERTRAND

Les principaux rendez-vous sportifs français portant le nom d'une marque


· Open Gaz de France (tennis).
· Meeting Gaz de France Paris Saint-Denis (athlétisme).
· Trophée Bompard (patinage artistique).
· Open de France Alstom (golf).
· Solitaire Afflelou Le Figaro (voile).
· La Route du rhum-La Banque Postale (voile).
· Transat Jacques Vabre (voile).
· Transat AG2R (voile).
· Ligue 1 Orange (football).
· BNP Paribas Masters (tennis).
· Prix de l'Arc de triomphe Lucien Barrière (hippisme).
· Prix d'Amérique Marionnaud (hippisme).
· Prix de Diane Hermès (hippisme).
· Randoraid SFR.
· Euromilhoes Lisboa-Dakar (rallye raid).