LE MORVAN, [UNE RÉGION DE
FRANCE] - Août 1851
- Introduction
Né
dans une des plus belles provinces de France, dans un pays aux nobles forêts et
aux vastes vignobles ; élevé en plein air au milieu des collines bleues, et
errant toujours par dessus les champs et les montagnes avec un fusil sur mon
bras – toutes les heures de ma jeunesse, si je puis m’exprimer ainsi, furent
employées à chercher des perdrix et des lièvres dans les chaumes, humectés de
rosée, et à la poursuite du chat sauvage et du sanglier dans les profondeurs
ombragées des bois.
Racontant les aventures de ces excursions de chasse à un ami,
discutant avec lui de notre façon de pratiquer la chasse si différente en
Angleterre, et quand en imagination je l’entraînais avec moi dans les combes et
les sombres ravines et, lui décrivant la poursuite et la lutte à mort d’un loup
féroce ou les caractéristiques singulières et les coutumes antédiluviennes du
peuple primitif parmi lequel je passais les jours de mon jeunesse heureuse, étonné, il pouvait difficilement croire que
de tels sports et que d’aussi
singuliers personnages puissent exister aussi près de son propre pays.
« Pourquoi ne pas écrire tout cela ? disait-il, vos
esquisses apporterait à la lecture un fameux éclairage. Mais écrire n’est pas facile et, en
outre, quelle piètre
figure nous ferions moi, mes chiens, loups, bécasses et vignobles après le
terrible Mr. Gordon Cumming. Comment une
de mes descriptions pourrait intéresser le public comparée à celle de ses
tirs fameux et de ses trois Hottentots couleur café, avec ses bandes de
panthères et de girafes, ses troupes de lions jaunes dansant des sarabandes autour des
fontaines et ses jungles et ses marais grouillant d'éléphants et d'hippopotames ? »
« Mais nous pouvons aller dans le Morvan,
disait mon ami, alors que vraiment peu, s’ils le souhaitent, peuvent aller au
sud de l'Afrique pour tirer les éléphants à travers les petites côtes. Il n’est
pas plus probable que nombre d’entre nous aimeraient passer plusieurs années de
leur précieuse vie enfermés dans une sorte de cabine de bain de mer roulante,
avec leur seule ombre pour toute chrétienne compagnie. Faites-nous le récit de
vos exploits ! »
Vous ne réalisez pas ce que vous demandez, répondais-je,
mon bavardage peut vous avoir amusé, mais les épanchements
de ma plume vous feraient certainement bailler comme des
tombes.
Absurdité, chuchota le flatteur, vous nous ferez découvrir un
nouveau pays, vous rendrez un vrai service à des centaines d’anglais agités
qui, quand l’été arrive, n’ont jamais su de leur vie où aller ou ne pas aller -
écrivez pour leur conseiller de diriger leurs pas vers Le Morvan à l’époque des
vendanges.
Mais maintenant une autre et énorme difficulté surgissait.
Les imprimeurs ne prêtent pas leurs caractères pour rien pas plus qu’ils ne
donnent gratuitement leur temps et leur papier. Publier un livre est toujours
une affaire coûteuse ; l’infortune, qui m'a touché de ses ailes, a été la triste
convive de ma maison, me privant de la possibilité de l’entreprendre moi-même ;
où trouver une personne assez généreuse pour prendre elle-même la responsabilité
de l’entreprise ? Heureusement j’étais en Angleterre, dans le pays des cœurs
bienveillants et des chaudes sympathies. Une noble dame, la mère d’un anglais
noble et distingué, qui passait sa vie à faire le bien, pris un intérêt pour mon
histoire désespérée et s’arrangea pour m’honorer de son patronage. Avec son
manteau de protection jeté autour de moi, et mon généreux ami ayant entrepris de
porter la responsabilité de la publication, les difficultés furent bientôt
balayées et Le Morvan fut écrit.
J’avais espéré être autorisé à mentionner son nom dans cette
préface, ce qui aurait été le moindre des compliments à son égard et un honneur
pour moi, mais sa modestie avait refusé cette reconnaissance publique de ma
gratitude sans borne, un voile de respectueuse réserve restera donc suspendu
au dessus de son nom. Pour moi et les miens, il restera dans nos cœurs
reconnaissants comme un trésor, chaque jour nous prierons pour que le Grand
Dispensateur de tous biens puisse lui conférer Ses plus précieuses et aimables
bénédictions.
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