Depuis fort longtemps et pour diverses raisons, des bébés furent allaités par des femmes autres que leur propre mère, mais cette pratique reste confinée à une part restreinte de la population jusqu'au XVIIIème siècle. L’augmentation démographique et l’évolution des mœurs vont favoriser le développement de cette industrie nourricière qui prend alors deux formes. |
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Les « nourrices à emporter », ou « sur place », les plus anciennes et les plus nombreuses, accueillent dans le Morvan un enfant de l’Assistance publique, les Petits Paris. Les « nourrices sur lieu » quittent le pays temporairement pour allaiter les enfants de familles aisées, le plus souvent à Paris. Les Petits Paris Au XIXème siècle, la révolution industrielle donne naissance au prolétariat. Petits artisans ruinés ou paysans pauvres venus à la ville vendre leur force de travail constituent cette nouvelle classe sociale qui compte de nombreux déracinés, coupés de toute attache familiale. Le nombre important d'abandon d'enfants dans les grandes villes rend nécessaire l'organisation du placement des orphelins, notamment dans le Morvan où on les appelle les Petits Paris. Les nourrices sur lieu Sous le Second Empire, le nouvelle bourgeoisie des affaires et d’industrie de Paris, dont le besoin de paraître est évident, donne sa préférence à la nourrice sur lieu, qui devient un élément privilégié de la domesticité. Dans ses ouvrages (voir la bibliographie ci-contre), Noëlle Renault, nous parle de ces femmes qui quittaient par nécessité enfants et mari auquel elles écrivaient et restaient fidèles. Une fois leur nourriture achevée et de retour au pays, elles gardaient le plus souvent des relations avec leur famille d'accueil et avaient avec le ou les nourrissons allaités des contacts suivis et affectueux. Outre l’amélioration des conditions de vie, fruit de leurs expériences parisiennes, la situation de la femme dans le ménage évolue dans le sens d’une certaine indépendance. Grâce à l’industrie nourricière, l’épouse se libère peu à peu de la tutelle du mari et commence à accéder à un certain pouvoir dans la maisonnée. Elle introduit en Morvan des mœurs plus policés, des habitudes nouvelles, alimentaires et vestimentaires. Ces femmes y trouvent un important complément de ressources pour la famille qui permettra souvent l’achat de terres, la réfection de la chaumière ou l’adjonction d’une nouvelle construction appelée alors « maison de lait ». Le bureau des nourrices Dès l'origine, l'organisation du marché nourricier a fait l'objet d'un fructueux commerce pour les intermédiaires qui mettaient en contact les nourrices et les parents. La direction des nourrices a d'abord été confiée à des recommanderesses, puis au bureau des nourrices par une déclaration du 27 juillet 1769. La loi n'ayant pas constitué de privilège exclusif au profit du bureau des nourrices, il existait à Paris, plusieurs autres bureaux tenus par des particuliers. Les bureaux privés ont très vite donné lieu à des abus et leur concurrence a fait rapidement décroître le nombre des enfants placés par l'entremise du bureau municipal. D'un autre côté, l'administration municipale, depuis 1851, garantissait et payait effectivement à ces nourrices, à défaut de paiement par les parents, un salaire mensuel de 15 francs, pendant dix mois, et il en résultait une charge considérable pour les finances municipales. Aussi la suppression du bureau des nourrices de Paris fut prononcée par un décret du 22 novembre 1876. Les bureaux de placement A partir de 1850, les bureaux de placement fournissent indifféremment nourrices sur lieu et nourrices à emporter. Les femmes y trouve une place moyennant finance. Elles y vont avec leur propre enfant (dont l’examen permet de s’assurer de sa bonne santé) et, pour les plus chanceuses, avec leur mère ou belle-mère qui ramène son petit-fils et, bien souvent, l’élève, au moins pendant 14 mois, voire plus si la mère reste comme « nourrice sèche » (nourrice n’allaitant pas). La mortalité des enfants En 1865, le docteur Monot, dans son livre "De l'industrie des nourrices et de la mortalité des petits enfants", démontrait que la mortalité des enfants de un jour à un an, mis en nourrice dans le Morvan depuis 1850, s'élevait à la proportion de 70 %. C'est ainsi, qu'en 1869, le ministre de l'Intérieur, dans un rapport officiel, résumait en ces termes les résultats d'une enquête à laquelle avait procédé l'Académie de Médecine: "De toutes les statistiques, il résulte qu'en vertu d'une loi invariable, les enfants conservés, nourris dans la famille, échappent à la plupart des causes de mortalité qui déciment au contraire les enfants envoyés en nourrice, loin de la surveillance et des soins des parents. Cette surveillance n'étant pas, il faut qu'une autre s'y substitue." La loi Roussel Sur l'initiative du Docteur Roussel, alors député de la Lozère, l'Assemblée Nationale vota la loi du 23 décembre 1874 qui établit la surveillance de l'Autorité Publique de tout enfant de moins de deux ans placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en garde hors du domicile de ses parents. (Art. 1) Les articles 6 à 14 de la loi énumèrent les obligations incombant aux parents, aux bureaux de nourrices, intermédiaires des placements nourriciers, aux nourrices et les sanctions correspondant aux infractions. Ils ont été complétés par un règlement d'administration publique du 27 février 1877 qui comporte trois titres dans lesquels est précisé l'organisation du service (titre 1), les modalités de contrôle des placements (titre 2) et la tenue des registres de déclarations (titre 3). Ces dispositions se trouvaient reproduites dans le carnet qui accompagnait la nourrice. La guerre de 14-18 marque la fin de l' industrie des nourrice sur lieu. Elle a pour conséquence une évolution de la femme, qui commence à se libérer de la tutelle de son mari, notamment par son salaire qui dépasse le sien. |
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Ce diplôme, non daté, mais signé par Rostaing Joseph, Arthur, préfet de la Nièvre de juillet 1898 à juillet 1901, a été décerné à Mme Thiéblot, née Taron Marie, nourrice à Brassy, en raison des bons soins par elle donnés aux nourrissons qu'elle a élevés. Extrait de l'acte de mariage de Thiéblot Edme et Taron Marie. |