La frontière mexicaine: un paradis pour les pollueurs

Les pelouses impeccables et l'atmosphère high-tech du parc industriel FINSA de Matamoros, en face de la cité texane de Brownsville, reflètent 1'attrait exercé sur les grandes entreprises américaines par les bas salaires mexicains. Plus de 2 000 usines employant un demi-million de personnes ont surgi le long des 3 000 km de la frontière, Si le Mexique a ainsi pu limiter son taux de chômage et les firmes américaines conserver leur competitivité, la région frontalière paie un lourd tribut à la pollution : en s'installant au Mexique, les firmes américaines s'affranchissent des sévères contraintes qui leur sont imposées par les lois californiennes ou par 1'Agence fédérale de Protection de l'environnement. Le parc industriel d'Otay Mesa est la source du déversement quotidien de 50 millions de litres d'eaux polluées dans la rivière de Tijuana, qui débouche en territoire américain : 4 km de plages au sud de San Diego sont interdites au public. Plus à l'Est, la rivière de Mexicali contient plus de 100 produits chimiques dangereux, sans compter des virus pouvant occasionner des épidémies de polio, dysenterie, choléra, méningite ou hépatite. Le déversement incontrôlé de solvants, pesticides et métaux lourds par les usines de Ciudad Juarez, Nuevo Laredo, Reynosa et Matamoros, combiné à des eaux urbaines non traitées, fait du Rio Grande le plus grand égout à ciel ouvert d'Amérique du Nord.

Michael Satchell, « Poisoning the border »,US News and Worid Report, 6 mai 1991.

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la frontière des États-Unis (Californie) et du Mexique (image Landsat)
l'agglomération de Mexicali

« Selon le ministère mexicain des Affaires étrangères (Secretaria de Relaciones Exteriores, 1993), on compterait annuellement 300 millions de passages à la frontière Mexique-États-Unis; il y aurait 20 millions de personnes d'ascendance mexicaine travaillant et résidant aux États-Unis, surtout dans les villes de la frontière Sud du pays. [ ... ] La frontière est constamment traversée, légalement et illégalement, dans les deux sens, au point que l'on peut la considérer comme une région à part entière, une région binationale et non comme une limite entre deux régions distinctes. On reconnaît maintenant un espace frontalier où s'exerce pratiquement une double souveraineté. D'un côté, les autorités étatsuniennes le plus souvent renoncent à contrôler les entrées sur le territoire national et traditionnellement tolèrent l'installation massive de clandestins mexicains dans les États du Sud-Ouest. De l'autre, les autorités mexicaines créent des zones franches où les activités étatsuniennes peuvent se développer dans les meilleures conditions... »

J.Monnet, Le Mexique, Coll. Géo d'aujourd'hui, Nathan, 1994.


à droite le Mexique, à gauche les Éta ts-Unis

les maquiladoras, spécificité mexicaine

(...) basée sur un facteur géographique : la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique est le seul endroit au monde où existe un contact terrestre immédiat entre un pays hautement développé, Ies Etats-Unis - 26 % du produit national brut (PNB) mondial, 270 millions d'habitants -, et un pays en voie de développement, le Mexique : 1,2 % du PNB mondial, des salaires réels en baisse de 25 % entre 1994 et 1999, de graves difficultés structurelles malgré de grandes richesses, une forte croissance démographique, 100 millions d'habitants, soit quatre fois plus qu'en 1950.
(...)

Les maquiladoras (de l'espagnol maquilar, sous-traiter, ou de maquila, portion de farine retenue en Castille par le meunier en paiement de son travail) sont nées en 1965. (...)
Les maquiladoras bénéficient d'un statut fiscal avantageux, qui les autorise à importer sans droits de douanes machines, matières premières et pièces détachées pour assembler des produits destinés ensuite exclusivement à l'exportation. A cet avantage s'ajoutent de très bas salaires et un cadre légal très peu contraignant : flexibilité extrême, repression antisyndicale, corruption, violence des rapports sociaux... Dans les maquiladoras, le salaire horaire ouvrier moyen avec prestations sociales était de seulement 2,24 dollars (14 francs environ) en 1999. Dans le textile, à qualification égale, il est sept fois inférieur au salaire américain et 4,2 fois au salaire français.
Le Mexique va ainsi réussir à capter les activités terminales (montage banal de masse à la chaîne) des processus productifs très taylorisés (faibles salaires et faibles qualifications) et géographiquement très mobiles (textile, automobile, électronique, meuble ... ). Pour les grandes firmes multinationales, ce pays constitue une alternative aux délocalisations en Asie, dans le cadre de leur division internationale du travail. Dès l'origine, les firmes américaines vont dominer : la répartition des tâches entre les deux pays se concrétise rapidement par la construction d'usines jumelles (twin-plants) à cheval sur la frontière, la partie américaine assurant les fonctions de gestion, de recherche-innovation et d'encadrement, la partie mexicaine les fonctions de production.
Cette industrie mettra cependant un certain temps à se développer : de 67 000 salariés en 1975, leur nombre passe à 355 000 en 1988, soit 14 % de l'emploi manufacturier national.(...) En 1999, elles occupent 1,14 million de salariés, soit 27 % de l'emploi industriel, dans 3 500 établissements. (...) Elles réalisent enfin 41 % du commerce extérieur mexicain...

Laurent Carroué. Alternatives économiques avril 2001

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