Les nappes phréatiques ne conservent qu'un quart des eaux de pluie


· LE MONDE | 18.06.02

Chaque année, la France reçoit 480 milliards de mètres cubes d'eau sous forme de précipitations et 11 milliards de mètres cubes sous forme d'apports par des cours d'eau transfrontaliers. Sur ce total, environ 300 milliards de mètres cubes s'évaporent. L'apport net s'élève donc à 191 milliards de mètres cubes.

Sur ce dernier total, plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes sont charriées par les rivières, puis les fleuves, jusqu'à la mer ou absorbées par la végétation. Mais 100 milliards de mètres cubes rejoignent les nappes aquifères souterraines, qui stockent quelque 2 000 milliards de mètres cubes.

Ces évaluations sont fournies par l'Institut français de l'environnement (IFEN) dans son bilan 2002, L'Environnement en France (éd. IFEN / La Découverte, 42 ¤ ). L'Institut constate également que la pluviométrie s'accroît depuis cinq ans. Après une année 1997 sèche et une année 1998 moyenne, la France, surtout dans sa partie nord, a connu des excédents de pluie en 1999, 2000 et 2001. Avec un déficit chronique, le Sud-Est constitue une exception notable. Les pluies ont également manqué dans le Sud-Ouest en 2001.

Les prélèvements humains d'eau douce atteignent en France 32,3 milliards de mètres cubes. Les spécialistes établissent un distinguo entre prélèvement et consommation réelle. La consommation réelle est la part qui est prélevée au milieu naturel et qui ne lui est pas restituée après usage.

Les plus gros prélèvements (19,5 milliards de mètres cubes) sont dus aux centrales électriques - hydrauliques, thermiques et nucléaires -, mais 97 % de cette eau, qui sert au refroidissement des circuits et à l'action de turbines, sont ensuite rendus aux rivières où elle a été pompée. Les prélèvements du grand public sont estimés à 3,8 milliards de mètres cubes. Les usagers ne consomment que 20 % de l'eau qu'ils prélèvent, essentiellement pour la boisson et la cuisine ; 80 % de ce qui coule du robinet repart dans les tuyaux d'évacuation et retourne aux rivières, après ou non assainissement.

PAS DE COMPTEURS

La consommation des agriculteurs est, en revanche, difficile à évaluer, car une bonne partie de la profession ne possède pas de compteurs volumétriques. "Les prélèvements réels pour l'irrigation seraient de l'ordre de 4 à 5 milliards de mètres cubes, à comparer aux 3,2 milliards déclarés aux agences de l'eau en 1999", estime l'IFEN. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Versailles avance le chiffre de 5,5 milliards de mètres cubes.

Lorsqu'on examine les chiffres de la consommation réelle, les agriculteurs arrivent largement en tête, car 60 % à 70 % de l'eau prélevée pour l'irrigation ne sont pas restitués à la ressource ; soit elle disparaît par évaporation, soit elle est absorbée par la croissance des plantes. Cette consommation réelle, qui avoisine donc 3 milliards de mètres cubes, peut sembler dérisoire, au regard des centaines de milliards de mètres cubes de pluie que la France reçoit du ciel chaque année. Mais dans les zones de forte irrigation, comme la Beauce et le Sud-Ouest, cette ponction a un impact non négligeable sur l'écosystème. Les cubages servant à l'irrigation correspondent exactement aux apports nets des pluies. Ils interdisent donc, localement, le rechargement des nappes phréatiques et tarissent le ruissellement, qui alimente les cours d'eau.

Benoît Hopquin

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