Les investisseurs étrangers contrôlent plus de 40 % du CAC 40


· LE MONDE | 21.06.02


(...)

A Paris, Francfort, Amsterdam, Madrid, Milan ou Helsinki, les investisseurs non résidents - qui sont souvent des voisins européens - possèdent toujours, en moyenne, 44,40 % du capital des grandes entreprises cotées. Cette proportion reste stable par rapport à 2001, révèle l'étude menée par la société Georgeson Shareholder, spécialisée dans l'identification globale des actionnaires et la récolte des pouvoirs de vote, pour Le Monde. En outre, si les fonds de pension anglo-saxons n'ont pas fait l'objet de controverses récentes, le poids des actionnaires britanniques et américains continue à progresser, de 22,95 % en juin 2001 à 27,30 % cette année.

Les entreprises françaises ne sont pas restées à l'écart de ce mouvement européen : 42,6 % du capital des sociétés du CAC 40 ayant participé à l'étude appartient actuellement à des investisseurs non résidents, contre 41,3 % en juin 2001. La part des investisseurs américains et britanniques passe de 20,3 % à 24,1 %, selon l'enquête, réalisée pour la deuxième année consécutive par Georgeson Shareholder auprès des sociétés des indices CAC 40 et EuroStoxx 50. En 2002, 62 d'entre elles - 32 françaises du CAC 40 et 30 européennes de l'EuroStoxx 50, représentant au total environ 1 800 milliards d'euros de capitalisation boursière - ont accepté de se prêter à l'exercice. En 2001, 65 sociétés, pesant alors 2 570 milliards d'euros, avaient répondu.

En Allemagne, malgré les dispositions votées par le gouvernement de Gerhard Schröder pour favoriser le décroisement des participations entre la banque et l'industrie et donc favoriser l'ouverture du capital des fleurons de la cote, la part des investisseurs étrangers recule à 39 % du capital des grandes entreprises, contre 40,7 % un an plus tôt. A la Bourse d'Amsterdam, qui a fusionné avec Paris et Bruxelles pour former Euronext, le poids des actionnaires non néerlandais se maintient à 59,50 % du capital des grandes entreprises, en hausse d'un demi-point en un an, tandis qu'à Helsinki, Nokia compte toujours 90 % d'actionnaires non finlandais.

Mais de juin 2001 à juin 2002, c'est dans les pays latins que le capitalisme a le plus changé de visage. La part des investisseurs étrangers progresse de 5,5 points en moyenne dans le capital des grandes sociétés de l'EuroStoxx 50 cotées à Madrid (49 % d'actionnaires non résidents) et à Milan (29 %).

Depuis 2001, la chute continue des cours de Bourse n'a donc pas freiné l'internationalisation du capital des entreprises cotées, ni provoqué de retrait des investisseurs américains, alors qu'on prête généralement aux fonds d'investissements d'outre-Atlantique l'habitude de se retirer des places étrangères lorsqu'ils doivent couvrir des pertes sur leur propre marché. Les investisseurs institutionnels comme les fonds de pension, pratiquant le plus souvent une gestion "indicielle" (qui réplique les grands indices boursiers), sont restés présents sur le marché. Cette attitude prouve que le mouvement de diversification de leurs actifs vers l'Europe est plus qu'une mode passagère.

(...)

Les grandes sociétés cotées européennes sont, déjà, dans leurs contours et leurs activités, des entreprises européennes et internationales. Dans le CAC 40, on trouve aussi EADS, société franco-germano-espagnole de droit néerlandais, pivot du constructeur aéronautique Airbus. La banque franco-belge Dexia côtoie l'assureur AGF, filiale du groupe financier allemand Allianz, et Renault, qui a échangé des participations croisées avec le japonais Nissan, dans un montage qui passe, lui aussi, par une structure juridique aux Pays-Bas. En Europe, d'autres cas sont exemplaires, comme Unilever, une société européenne scindée en deux entités distinctes, l'une de droit anglais et l'autre de droit néerlandais, chacune cotée sur la place financière de leur pays respectif, et cotées, de façon distincte, à New York. "Unilever est vraiment une société pan-européenne. En conséquence, son actionnariat est géographiquement dispersé, il lui sera donc plus utile de savoir qui sont leurs investisseurs stratégiques plutôt que connaître leur emplacement", explique M. Ruspoli.

Adrien de Tricornot