· article extrait du journal "LE MONDE" 04 décembre 2002

Des critiques de M. Debré aux réticences des députés, retour sur le laborieux débat sur la décentralisation


Les députés devaient adopter par un vote public, mercredi 4 décembre, le projet de loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République. Retour sur un mois de débats.

Coup d'envoi.

Le 29 octobre, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, frappe les trois coups au Palais du Luxembourg, en première lecture, de l'"acte II de la décentralisation". Exprimant sa "gratitude"au Sénat, dont les travaux ont inspiré le projet du gouvernement, il rend également hommage à Pierre Mauroy et à Gaston Defferre. A ce moment, le chef du gouvernement mise encore sur un possible consensus et se donne "cent cinquante jours pour réussir". A la clé, les lois organiques qui mettront en uvre les expérimentations et les transferts de compétences en faveur des collectivités territoriales.

Coup de force.

La commission des lois du Sénat, prenant acte des réserves exprimées, le 11 octobre, par le Conseil d'Etat, entend amender le projet. Le premier ministre signifie aux sénateurs qu'il est "à prendre ou à laisser", contraignant le rapporteur à retirer ses amendements avant même de les avoir défendus. La gauche saute sur l'occasion pour dénoncer le "coup de force". Le consensus fait place au clivage.

Coup de théâtre.

Le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, assistant aux Assises des conseillers généraux, le 31 octobre, à Strasbourg, jette un pavé dans la mare : "Il ne faut pas tomber d'un jacobinisme exacerbé dans un intégrisme décentralisateur", explique-t-il. Et il ajoute : "La décentralisation, ce n'est pas le bazar ! Ce n'est pas une grande braderie qui laisserait la république en morceaux."

Prolongations.

Le Sénat fait de la résistance. M. Raffarin lui-même doit s'en mêler. Il reçoit le président du Sénat, Christian Poncelet, afin de mettre au point un compromis que la majorité sénatoriale reprendra à son compte. Et s'entretient avec M. Debré, sonnant ainsi, provisoirement, la fin des hostilités. Le 6 novembre, le Sénat adopte le projet de loi amendé en première lecture, avec une semaine de retard sur le calendrier prévu.

Bleus à l'âme.

Averti des turbulences que pourrait affronter son projet chez les députés de la majorité, M. Raffarin s'efforce de les rassurer. Le 13 novembre, devant le groupe UMP, il se livre à une séance d'explications. La pommade magique fait son effet. A la sortie, les députés UMP louent la "grande qualité"du texte qu'ils sont appelés à soutenir et à voter... sans discussion.

Hors jeu.

Le 19 novembre, le débat s'engage à l'Assemblée... en l'absence du premier ministre, qui s'exprime au même moment devant l'Association des maires de France. L'opposition va mener une véritable bataille de tranchées. L'UMP, tenue à une discipline stricte, joue les muets du sérail. L'article 3, accordant la priorité d'examen au Sénat pour les textes concernant les collectivités territoriales, nécessite toutefois deux séances publiques. Une nouvelle fois, Matignon est à la manuvre pour parvenir à un compromis acceptable tant par les sénateurs que par les députés de la majorité. Prévu pour durer trois jours, le débat s'achève mercredi 27 novembre : au cours des quatorze séances publiques, ayant nécessité 48 h 30 de discussion, 74 rappels au règlement et 16 suspensions de séance, 252 amendements ont été enregistrés, 15 ont été adoptés.

Fin de partie.

Le texte va maintenant être présenté au Sénat, probablement le 11 décembre, en deuxième lecture, où le gouvernement espère obtenir un vote conforme. Le projet de loi constitutionnelle pourrait alors être adopté en congrès, fin janvier 2003, l'hypothèse d'un référendum, réclamé par la gauche, étant quasiment exclue.

Patrick Roger