Concours 2002
"lls étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés,
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,
lis étaient des milliers, ils étaient vingt et cent...
" (Jean FERRAT)

En partant de l'exemple ci-dessus, que vous inspirent les chants, les poèmes, et autres oeuvres littéraires et artistiques réalisées par des déportés durant ou après leur détention, ou par des non déportés ?
Après la disparition des témoins directs, ces oeuvres ne seront-elles pas, avec les travaux des historiens, des moyens de transmettre la mémoire de la Résistance et de la Déportation ?

copie individuelle de Irène M. classe de 3°D
second prix départemental. 2002



" Les oeuvres artistiques et littéraires relatives à la déportation sont indispensables à l'Histoire, à la transmission de la Mémoire. Dans les camps, faire un croquis sur un bout de papier, ou composer un poème était aussi une forme de résistance intellectuelle. C'était un moyen de garder sa dignité, de refuser la "déhumanisation" prévue par les nazis. Parfois, un dessin caché dans une bouteille permettait d'informer l'extérieur sur les conditions de vie et de mort dans les camps de concentration ou d'extermination. Au retour de déportation, écrire ou dessiner ce qu'ils avaient vécu a été un moyen pour les déportés de se libérer, d'être sûr qu'ils "n'étaient pas revenus pour rien". Grâce aux oeuvres réalisées par les déportés et aux travaux des historiens, le souvenir de cette période noire est perpétué, une trace est laissée pour les générations futures. Ainsi, des artistes qui n'ont pas vécu la déportation peuvent à leur tour créer, remettre dans l'actualité le passé et raviver la mémoire à leur façon.

Les oeuvres artistiques et littéraires sont souvent une sorte d'intermédiaire entre l'Histoire et les populations actuelles. Elles parlent de gens "comme nous", nous mettent dans une situation précise. Ainsi, elles sont plus émouvantes par leur sensibilité que les manuels d'histoire, froids dans leur objectivité.
Mais comment parler de la déportation sans tomber dans la banalisation de l'horreur ?

On peut distinguer plusieurs sortes d'oeuvres artistiques relatives à la déportation. Les dessins de David Olère informent, donnent connaissance de l'horreur et nous laissent juger, alors qu'à lopposé, d'autres oeuvres comme celle de Zoran Music, per un simple visage, peuvent faire passer l'horreur, et faire naître en nous, un sentiment proche de l'angoisse, sans décrire directement les camps.

Les oeuvres littéraires sont généralement plus complètes quant au moral des détenus en déportation. C'est le cas par exemple dans "l'espèce humaine" où Robert Antelme fait une véritable analyse de la "déhumanisation" prévue par les SS et des conséquences dans le moral des déportés. Dans la "mesure de nos jours" (3ème volume de "Auschwitz et après"), Charlotte Delbo parle, au delà de la souffrance physique, du choc moral insurmontable qu'ont connu les rares déportés qui sont revenus des camps. A la lecture de ce récit, on est saisi. Cet aspect de la déportation est souvent moins raconté que les conditions de vie dans les camps, mais il est tout aussi bouleversant. D'autres livres comme "le grand voyage", de Jorge Semprun et bien sûr "Si c'est un homme" de Primo Levi, récontent de façon plus ou moins sobre et brutale ce que chacun de ces témoins directs ont vécu en déportation.

De nombreuses oeuvres artistiques, musicales et cinématographiques qui ont pour sujet principal la déportation et la Résistance ont été créées par des artistes qui n'ont pas eux-mêmes vécu la déportation dans les camps de concentration nazis. Ces oeuvres sont souvent assez esthétiques, mais cela n'enlève rien à la force du message. "Nuit et brouillard", chanson de Jean Ferrat inspire le "respect" envers les résistants et les déportés. L'accompagnement simple et la voix sobre de Jean Ferrat poussent au "recueillement", à la réflexion. Parmi les films, "Shoah" de Claude Lanzmann se rapproche plus du documentaire, du témoignage, bien qu'il y ait des choix dans la réalisation et les interviews. A l'opposé "la liste de Schindler", de Spielberg cherche vraiment à toucher le public. Et l'on peut se demander si l'on peut en toute bonne conscience réaliser une "superproduction" sur la Shoah. Ce fim participe au "Devoir de mémoire", mais il ne faudrait pas que l'histoire de la Shoah soit utilisé comme un thème de fiction rentable.

D'autres artistes, comme P. Croci ("Auschwitz") et Spielgelman ("Maus") ont réussi à faire de la Shoah une bande dessinée. Cela entraînait le risque de ne pas être pris au sérieux, mais tous deux ont réussi à créer une oeuvre véridique, marquante. Et à la lecture de chacune de ces bandes dessinées, on est ému.

Comme le dit Primo Levi dans "les Naufragés et les rescapés", nous devons nous souvenir que lorsqu'Hitler et Mussolini parlaient en public, ils étaient acclamés, bien que les idées qu'ils proclamaient étaient complètement stupides. Sans vouloir faire d'amalgames, il est certain que l'Europe connaît des probèmes contre lesquels il nous faut être très vigilant, que ce soit la Serbie et l'Albanie, ou plus proche de nous, l'Italie de Berlusconi.
Les oeuvres artistiques et littéraires sur la Résistance et la Déportation complétées par les travaux d' historiens, même après la disparition des témoins directs, seront toujours présentes pour rappeler aux populations ce qui s'est passé. Afin que ce ne se reproduise pas sous une autre forme.

"Noubliez pas que cela fut
Non, ne l'oubliez pas.
Gravez ces mots dans votre coeur
Pensez-y chez vous, dans la rue
En vous couchant, en vous levant"

(Primo Levi dans "Si c'est un homme")

Oui souvenons de tous ceux qui sont morts en déportation. Souvenons nous de leur vie, perpétuons leur souvenir "