La vitesse en question
pourquoi rouler si vite ?

(article paru dans "Maif infos" mars 2001)


Les chiffres de la Sécurité routière sont implacables -. la vitesse intervient comme facteur principal ou aggravant dans près d'un accident mortel sur deux.

Des effets mesurables

L'automobiliste n'échappe pas en effet aux lois de la physique. Tout corps en mouvement accumule de l'énergie. En cas de choc, l'énergie cinétique dégagée croît en fonction de la masse du véhicule et de sa vitesse initiale. Ainsi, la force d'impact d'un véhicuïe lancé à 90 km/h est 9 fois supérieure à celle d'un véhicule lancé à 30 km/h. Car lorsque la vitesse est multipliée par 3, l'énergie cinétique est, elle, multipliée par son carré (9). La gravité des traumatismes occasionnés sur le corps humain s'accroit en conséquence.
Une seconde, C'est le temps minimum qu'il faut au conducteur vigilant pour réagir face à l'obstacle. De la vitesse du véhicule dépend ensuite sa distance de freinage et d'arrêt. Dans des conditions normales de circulation, il lui faudra 165 mètres pour.s'arrêter s'il roule à 130 km/h et 250 mètres à 180 km/h. Mais comme toute image, celle d'un compteur bloqué à 200 km/h est forcément réducirice lorsque l'on parle de vitesse excessive. Car l'excès, ce peut être aussi de rouler à 70 km/h dans une "zone 30" ou à 130 km/h par temps de pluie ou de brouillard sur une autoroute. De la même manière, une vitesse inadaptée aux conditions climatiques, à l'état de fatigue du conducteur ou aux règles en vigueur (80 -km/h sur autoroute, par exemple) - est tout autant génératrice de risques. Au final, ce sont les distances de sécurité, l'état de vigilance du conducteur et Inadaptation de la conduite aux conditions de la route qui déterminent la prise de risque de l'automobiliste, Mais la vitesse elle, intervient toujours de manière directe ou indirecte - dans la gravité de l'accident,

Des limites à la technologie

Les améliorations apportées en matière de sécurité ont fait leurs preuves : ceinture de sécurité, airbags, système de retenue pour les enfants, système de freinage Anti-lock Braking System (ABS)... Mais la performance de ces équipements peut avoir des effets pervers le sentiment de securité, voire d invulnérabilité ressenti à 1"intérieur de l'habitacle inciterait les conducteurs à prendre davantage de risques. C'est pourtant un leurre: les dispositifs de protection ne peuvent annihiler les lois physiques de la vitesse. Sans oublier que le tracé et la visibilité des routes, des autoroutes en particulier, ont été conçus selon des normes correspondant à une vitesse de référence. La depasser modifie d'autant la bonne maîtrise du conducteur.

Plusieurs profils

Les enquêtes nous montrent que la propension à la vitesse. est étroitement liée à plusieurs critères : le sexe, l'âge, la profession, le comportement général du conducteur. Ce sont les hommes, surtout avant 40 ans et issus de couche sociale favorisées qui se montrent les plus nombreux à prendre des risques sur la route. "l'attitude au volant prolonge lës tendances fondamentales de chacun à respecter ou à dévier des normes. De plus, le rapport de l'homme à la vitesse relève d'un rapport plus général au monde et à la technologie, lié a une bonne gestion du temps, et a une recherche de la compétitivité", explique Jean-Pierre Cauzard, sociologue à l'INRETS. Sur 30 millions de conducteurs français, un tiers. apparaît respectueux des limites de vitesse. Un autre tiers révèle un profil particulier : actif de type profession indépendante, plutôt jeunes, ils sont réticents face à la réglementation, aux limitations de vitesse et à la contrainte en général. Plus inquiétant, un dixieme de la population affiche un
comportement systématiquement réfractaire vis-a-vis des règles établies,

Les jeunes

Chez les jeunes le risque routier est double par rapport au reste de la population. Deux mille jeunes entre 15 et 24 ans se tuent chaque année sur les routes et plus de 10 000 sont gravement blessés. Les conséquences de la vitesse entrent pour une part importante dans ce triste bilan 7 % seulement déclarent ne jamais faire d'excès de vitesse ; 29 % considèrent comme très grave le fait de ne pas respecter les limitations, Par défi parfois, plus que par inconscience, ils minimisent, voire recherchent le risque. Jean-Pascal Assailly (1) l'a bien souligne : "les jeunes, comme les adultes d'ailleurs, ont souvent des accidents, non parce qu'iis sont incapables de conduire prudemment, mais parce qu'ils choisissent de ne pas le faire"

Une valeur sociale

Le TGV, l'avion, Internet... Tout ce qui va vite bénéficie d'une image très valorisée. Comment accepter l'idee que sur la route la vitesse n'est plus une valeur ? Les normes collectives et la publicité exaltent la conduite source de puissance, d'ivresse, et minorent ainsi la perception du risque automobile. "La valeur d'usage de l'automobile se double de l'effet de distinction que produisent la diversité des marques, la multiplicité des gammes et des modèles", explique Pierre-Emmanuel Barjonet. (2) "La règlementation de la vitesse diminue cette valeur en restreignant la capacité d'usage de l'auto : son usage instrumental d'abord en augmentant la durée du transport, son usage symbolique ensuite en écrêtant les possibilités de se distinguer par le risque et la témérité, en entravant les manifestations de pouvoir qu'autorise la mise en oeuvre des potentialités d'un véhicule puissant et rapide".



(1) jean-Pascal Assailly . Les jeunes et le risque Editions Vigot - 1992
(2) Pierre-Emmanuel Barjonet - Vitesse, risque et accident : psychosociologie de la sécurité . Paradigme - 1988

preuves à l'appui


Depuis l'abaissement de la vitesse autorisée de 60 à 50 km/h en milieu urbain, la France a constaté une diminution de 14 % des accidents et de 15 % des tués dans ces zones.

En 1987 le Congrès des Etats-Unis a autorisé les Etats à relever la vitesse limite à 105 km/h sur les autoroutes Interurbaines. Les vitesses moyennes ont augmenté de 3 km/h et le nombre de tués de 18 % dans les Etats concernés.


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