Les argumentaires des partisans et des opposants à l'intégration
Voici une liste non exhaustive des arguments des partisans comme des adversaires
de négociations avec la Turquie.
Géographie.
Pour : la Turquie a un pied sur le continent européen.
Contre : 95 % de son territoire se trouve en Asie.
Histoire.
Pour : l'ancêtre de la Turquie moderne était
une puissance européenne qui s'est étendue jusqu'à
Vienne (Autriche). Contre : des Européens se sont battus jusqu'au début
du XXe siècle pour se libérer du joug ottoman.
Démographie.
Pour : la Turquie apportera à l'Europe le dynamisme
de sa population, déjà présente dans de nombreux pays
européens. Contre : avec 100 millions d'habitants,
elle sera, en 2020, le pays le plus peuplé de l'Union.
Religion.
Pour : l'adhésion d'un pays à majorité
musulmane montrera la capacité de l'Union à intégrer
les communautés musulmanes qui s'y trouvent déjà. Contre : sans être un "club chrétien",
l'UE fonde son identité sur les valeurs judéo-chrétiennes
; en outre, des menaces pèsent sur le caractère laïque
de l'Etat turc.
Economie.
Pour : la Turquie a déjà une union douanière
avec l'Europe des vingt-cinq. Contre : le PIB par habitant représente 10 % du
niveau moyen de l'Union à vingt-cinq.
Social
. Pour : la Turquie est une société jeune qui
compensera le vieillissement des membres actuels de l'Union. Contre : le déséquilibre entre la partie occidentale
du pays, au niveau de vie européen, et la partie orientale, sous-développée,
est une source de troubles potentiels.
Valeurs éthiques.
Pour : la perspective de l'adhésion incitera les
Turcs à assumer leur histoire, y compris la reconnaissance du génocide
des Arméniens en 1915. Contre : le refus persistant de reconnaître ce fait historique
disqualifie la Turquie comme membre de l'Union.
Droits de l'homme.
Pour : les réformes déjà engagées
par Ankara pour mettre sa législation aux normes européennes
doivent être reconnues. Contre : sans nier les efforts accomplis ces dernières
années, beaucoup reste à faire pour les droits des minorités
et pour l'égalité hommes-femmes.
Régime politique.
Pour : la suprématie du pouvoir civil sur les militaires
a été assurée par les récentes réformes.
Contre : ces réformes ne sont pas complètes et
de toute façon, les militaires étaient les garants du caractère
séculier de la Turquie contre les menaces islamistes.
Stratégie.
Pour : par sa situation géographique et son poids
politique, la Turquie, qui a une des armées les plus fortes de l'OTAN,
sera un atout pour une politique étrangère et de sécurité
commune. Contre : en s'élargissant à la Turquie, l'Union
aura des frontières communes avec l'Irak, la Syrie, l'Iran, etc.,
multipliant ainsi les risques d'instabilité dans son voisinage.
Conflit régional.
Pour : grâce à l'UE, Ankara a amélioré
ses relations avec Athènes et assoupli sa position sur la réunification
de Chypre. Contre : l'Union ne peut ouvrir des négociations d'adhésion
avec un pays dont les troupes occupent toujours une partie du territoire
européen (le nord de Chypre).
Institutions.
Pour : la vocation européenne de la Turquie a été
affirmée par les Européens dès 1963 et le statut de
candidat lui a été accordé en 1999. Contre : ces engagements n'ont jamais fait l'objet d'un accord
en bonne et due forme et il est temps de refuser l'engrenage.
Argument tactique.
Pour : l'ouverture de négociations n'est pas synonyme
d'adhésion et il sera toujours possible d'interrompre le processus
à tout moment, en proposant une autre forme de coopération,
par exemple un partenariat privilégié. Contre : l'histoire de l'Europe montre que toutes les négociations
d'adhésion se sont soldées par une entrée des candidats
dans l'Union.
Europe.
Pour : l'UE sortira renforcée d'un élargissement
à un grand pays comme la Turquie. Contre : l'Union se diluera dans des élargissements
sans fin, mettant ainsi un terme, comme le veulent les eurosceptiques et
les Américains, à toute possibilité de jouer un jour
un rôle dans les affaires internationales.
Daniel Vernet
Article paru dans "Le Monde" daté du 13 octobre 2004