La flambée des matières premières pénalise l'économie mondiale


La demande exponentielle de la Chine entraîne une raréfaction de l'offre d'acier, de charbon, de cuivre et de nickel ainsi qu'une inflation des prix. La situation est appelée à durer, le temps de lancer de nouveaux investissements dans la production et le transport.

Personne n'aurait osé imaginer un tel retournement : l'économie mondiale manque d'acier. Alors qu'il y a à peine 18 mois les pays s'affrontaient sur les moyens de réduire de plusieurs dizaines de millions de tonnes la production sidérurgique mondiale et de protéger leurs producteurs nationaux, tous les industriels aux Etats-Unis, en Asie et en Europe cherchent partout des produits sidérurgiques.

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Cette situation exceptionnelle a une explication : la Chine. (...)

En quelques mois, la Chine s'est affirmée comme le premier consommateur mondial de toutes les grandes matières premières : elle consomme plus de 40 % de la production mondiale de charbon, 25 % de celle d'acier, de nickel, 19 % de celle d'aluminium. Cette irruption a bouleversé tous les équilibres. D'autant que les producteurs, habitués depuis près de trente ans à vivre avec des prix bradés et des croissances d'à peine 1 % ou 2 % par an, ont volontairement limité tous les agrandissements afin de préserver leurs marges.

Aujourd'hui, de nombreux acteurs découvrent les contraintes qui pèsent sur leurs approvisionnements. Ainsi, les grands pays producteurs de minerai de fer - Brésil, Afrique du Sud, Australie - n'ont pas de capacités portuaires susceptibles de faire face à la demande. Les bateaux ne sont pas assez nombreux pour transporter les marchandises. Le nombre de mineurs est insuffisant. Dans ce contexte, le moindre accident de train ou retard de bateau, la moindre inondation de mine font figure de catastrophe.

Ces tensions physiques nourrissent une inflation galopante. Le cours du platine est à son plus haut niveau depuis vingt-quatre ans, celui du coke a augmenté de 80 % en un an, celui du nickel de 55 %. Le coût du fret maritime, lui, a été multiplié par quatre depuis septembre 2003, et il devient parfois plus élevé que certaines cargaisons transportées. La spéculation surenchérit encore les coûts, les fonds d'investissement découvrant l'intérêt de ces marchés. La chute de 30 % du dollar a permis de limiter les effets de ces hausses. Mais l'addition reste très lourde.

De l'avis de nombreux intervenants, aucune accalmie n'est prévisible à court terme. Il faudra au moins dix-huit mois pour construire des quais de chargement supplémentaires dans les ports, ouvrir de nouvelles mines, relancer des projets d'exploitation afin d'augmenter l'offre. En attendant, l'économie mondiale doit s'habituer à vivre avec des matières premières très chères, des goulets d'étranglement de production, voire certains risques de pénurie.

LE SOUVENIR DE 1973


Pour tous les producteurs, le choc est rude. Depuis plus de vingt ans, ils s'étaient accoutumés à vivre avec une offre excédentaire de matières premières, à des prix bradés. "Il faut remonter au premier choc pétrolier de 1973, et à la flambée des matières premières qui l'avait accompagné, pour retrouver une situation comparable", souligne l'économiste Philippe Chalmin, auteur du "Cyclope", ouvrage annuel de référence sur les matières premières.

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Martine Orange
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 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 24.03.04


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