LA PENICHE DE  PEV 

                                               1961

                                    Port d' attache: Neuilly pont de Saint-Cloud.

Aucun appartement, aucune demeure, aucun parc ne pouvait donner l'air et l'espace indispensables à PEV 

Construite en 1913, PEV a conçu son cadre de vie en partant de trois idées clés : l'amour du bois, le goût des couleurs, l'importance des objets. Il a pensé confort et sécurité, extincteur dans la cale, réserve de gaz propane sur le toit, chauffage central au mazout, et bonne isolation.

L'extérieur a été repeint vert bouteille, avec volets et encadrements des fenêtres en blanc.

J'ai appelé ma péniche " Te Rangui Hiroa ", du nom d'un navigateur polynésien parti, au VII ème siècle de notre ère, vers le sud, sur sa pirogue à balancier.  

A bord, j'ai l'eau et l'électricité "de la ville" et aussi le téléphone, hélas ! Ma consolation, c'est mon numéro : il se termine par 73-53 ce qui sur le cadran correspond également aux lettres P.O.L.E.

Le soir quand je travaille dans ma péniche, j'aperçois les immenses enseignes au néon du pont de Saint-Cloud qui dansent dans les reflets de l 'eau.

VISITE                                                                                                                  ------------------------------  * SALLE D'EAU -----------------------------                                                   * CHAMBRE                                                  -----------------------------                                                   * CUISINE  -----------------------------                                                                         * LIVING-ROOM                                                                      -----------------------------  * BUREAU                                                  -----------------------------

J'ai un bateau amarré à ma péniche, que j'ai baptisé "Saint Brendan" qui était un moine irlandais du XII ème siècle parti vers le nord à la recherche du paradis et qui rencontra des icebergs. 

Il n'y a pas longtemps, on pêchait encore des écrevisses sous le pont des Arts. Toutes ces choses inconnues qui étaient là, à portée de main, en plein Paris et si loin de Paris ont grandement contribué à mon installation sur la Seine.

La péniche me permet d'habiter Paris sans y être. Aujourd'hui, Paris et son fleuve se tournent le dos. Le vrai fleuve de Paris, c'est ce torrent d'automobiles, avec sa brutalité, sa vitesse et son aveuglement de bête. Dans un monde qui ne rêve plus, la Seine est le dernier refuge des rêveurs, qui ont fini par former un monde à part. J'appartiens à ce monde.

Dans quelques jours, je serai reparti pour de nombreux mois. Je cèderai ma péniche à des amis, parce que les bateaux ne sont pas comme les maisons. Vides, ils meurent. Et, au retour, je retrouverai mes fenêtres sur la Seine, mes voisins, mes amis, les pêcheurs, les clochards, les amoureux.

" Alors, M'sieur Victor, on était encore parti ? "

                                                                                P.E.V.   1961