HATSHEPSOUT

  

 

 

Hatshepsout est la fille aînée du roi Thoutmosis I et de la reine Ahmès. Elle est née avant l'avènement au trône de son père. Dans le récit de sa jeunesse qu'elle a fait graver sur son temple de Deir el-Bahari, elle entend montrer que Thoutmosis I l'avait préparé très jeune au pouvoir .
 Quoiqu'il en soit, c'est d'abord Thoutmosis II, fils de Thoutmosis I et de Moutnefret, qui devient roi à la mort de son père. Hatshepsout, probablement plus âgée que lui, est sa « grande épouse royale ». Elle semble déjà jouer un rôle particulièrement important. Elle porte le plus souvent le titre « d'épouse du dieu ». A la mort de Thoutmosis II, après 3 ou 13 ans de règne, le jeune Thoutmosis III, issu de son union avec Isis, une épouse secondaire, monte nominalement sur le trône, mais c'est Hatshepsout qui exerce le pouvoir.

 

D'après les textes de la Chapelle Rouge, elle aurait accédé à l'autorité en un an 2, sans précision de règne. Cette date pourrait faire référence à Thoutmosis I ou Thoutmosis II. Si c'était le cas, il ne faudrait pas prendre le texte littéralement, ou il conviendrait de le considérer comme de la propagande a posteriori. Il est peut-être plus vraisemblable d'attribuer cet an 2 au règne de Thoutmosis III.En tous cas, elle prend tous les attributs de la royauté avant l'an 7, et est pourvue d'une titulature royale complète. Son nom de couronnement est Maâtkarê (« Maât est le ka de Rê »). Pour autant, elle n'usurpe pas le pouvoir du fils de Thoutmosis II, qui est mineur et continue à règner conjointement. Il s'agit donc d'une véritable corégence, même si Hatshepsout a clairement la prééminence politique. Cette corégence est une innovation. Hatshepsout aurait pu se contenter d'être simple « régente » comme les reines Aahotep II (régente lors de la minorité du roi Ahmosis), et Ahmès-Néfertary (auprès de son fils le roi Amenhotep I), au début de la dynastie. Elle se fonde probablement sur ces proches antécédents, mais franchit une étape supplémentaire en prenant tous les attributs de la royauté, faisant ainsi coincider la pratique et la théorie de l'exercice du pouvoir.

 

Sur les murs de son temple à Deir el-Bahari, elle justifie a postériori sa prise de pouvoir par le mythe de la théogamie : le dieu Amon se serait uni avec sa mère Ahmès pour l'engendrer .

Ses représentations la figurent souvent portant la barbe postiche et d'autres éléments typiques du costume masculin. Sur certains bas-reliefs, ses seins sont à peine visibles : il s'agit de montrer qu'elle est l'égale absolue des rois.

 

Deux campagnes militaires sont connues : l'une en Nubie, l'autre en Syro-Palestine. En l'an 9, elle envoie le chef du Trésor Néhésy mener une expédition au pays de Pount. Les Egyptiens nouent des contacts pacifiques avec les Pountites, et rapportent de nombreux produits exotiques comme des arbres à encens (voir photo ci-dessous). Le succès de cette expédition lointaine est mis en image sur les murs du temple de Deir el-Bahari. C'est assurément l'un des évènements les plus marquants du règne.

 

Son activité constructrice est particulièrement dynamique. Sur sa grande inscription du Spéos Artémidos, elle affirme même avoir restauré des bâtiments antérieurs laissés à l'abandon par les Hyksos . A Karnak, ses monuments sont nombreux : le VIIIe pylône et les sanctuaires de barque entre Karnak et Louqsor, le sanctuaire dit « chapelle rouge » (palais de Maât), le hall entre le IV et le Ve pylône (placement de deux obélisques, voir la scène ci-dessous provenant de la chapelle rouge), deux autres obélisques à Karnak est, etc (sur ses obélisques, voir la présentation de Shoji Okamoto). A Thèbes-Ouest, Deir el-Bahari, elle fait bâtir par son architecte Senmout, le chef du domaine d'Amon, un temple funéraire en terrasse à côté de celui de Montouhotep III. Elle construit également un petit temple d'Amon à Medinet Habou. Près de Béni Hassan, elle fait creuser dans le roc le Spéos Artémidos. Eléphantine (temple de Satis), Bouhen, Kouma (temple de Khnoum, Ermant (temple de Montou), Wadi Mourghara gardent également encore des traces de ses constructions.

Hatshepsout apparaît dans les sources la dernière fois en l'an 20, l'année où Thoutmosis III est représenté comme son égal pour la première fois. Manéthon donne à Hatshepsout une durée de règne de 21 ans et de 9 mois. Elle est succédée par son corégent Thoutmosis III. Celui-ci, à partir de l'an 42, fait subir à Hatshepsout une "damnatio memoriae" : il fait effacer son nom des monuments, peut-être pour se venger d'avoir été tenu à l'écart du pouvoir aussi longtemps (mais, dans ce cas-là, pourquoi a t-il attendu 20 ans?).Les listes royales de la XIXe dynastie ne la mentionnent pas. Cependant, il est vraisemblable de penser, avec Joyce Tydesley, que cette omission est due au fait que les ramessides la considéraient comme une corégente, et non qu'ils entendaient la faire oublier. A la XXIe dynastie, son souvenir est encore vivace : la reine Henouttaouy et son mari le grand prêtre d'Amon Paynedjem I nomment leur fille Maâtkarê (le nom solaire d'Hatshepsout), et un de leur fils Menkheperrê (le nom solaire de Thoutmosis III). Cette Maâtkarê a un statut royal : elle est divine adoratrice d'Amon. C'est donc la preuve qu'Hatshepsout fascinait aussi les anciens égyptiens. Il semblerait qu'Hatshepsout n'ait eu qu'une fille, Néférourê, dont Senmout était le tuteur.

 

Hatshepsout fait construire une première tombe quand elle n'était encore que grande épouse de Thoutmosis II. Devenue reine, elle fait creuser une seconde tombe pour être enterrée avec son père Thoutmosis I.

 

Hatshepsout la pharaonne ressuscitée

Hatshepsout est la seule femme à avoir régné sur l'Egypte antique au temps de sa splendeur. Et quel règne! Sa momie vient d'être identifiée 3 500 ans après sa mort.

Découverte en 1824, la tombe K20 fut identifiée en 1903 comme celle d'Hatshepsout et de Thoutmosis Ier par l'archéologue Howard Carter. Seul problème: elle était vide. Si, depuis, la momie du pharaon a été retrouvée - Le Museum of Fine Arts de Boston (Etats-Unis) l'a acquise - celle de la pharaonne s'était envolée. Elle vient d'être retrouvée et authentifiée au Caire.

Au début du xxe siècle, lors d'autres fouilles dans la vallée des Rois, diverses momies furent mises au jour, notamment dans un tombeau secondaire, non loin de K20. Anonymes, elles furent entreposées, puis oubliées dans un grenier du Musée du Caire. Dernièrement, les responsables des Antiquités égyptiennes en ont retrouvé quatre, qu'ils ont décidé d'examiner en leur faisant subir des tests ADN et en les observant au scanner.

Après une année d'enquête, une de ces momies, qui était accompagnée d'un petit coffret recelant une de ses dents, vient donc de se révéler être celle de la reine Hatshepsout. L'énigme de sa disparition aura duré plus de trente-cinq siècles.

Certes, il y eut Néfertiti et Cléopâtre... Mais, de toutes les figures féminines au pouvoir dans l'Egypte antique, Hatshepsout fut sans doute la plus brillante. La "première des premières", dont les reliques viennent d'être identifiées, fut la seule reine, pharaonne jusqu'au bout des ongles. Un personnage d'exception : en exerçant réellement le pouvoir il y a plus de trois mille cinq cents ans, alors que la civilisation égyptienne, à l'aube de la XVIIIe dynastie, se trouvait au faîte de sa grandeur, elle ne se cantonna pas à son rôle de grande épouse royale, comme Néfertiti. Ensuite, contrairement à Cléopâtre la Macédonienne, elle était du pays."

Hatshepsout descend en ligne directe de ce qui se fit de mieux en matière de pharaons: son arrière-arrière-grand-père, Ahmosis, bouta les envahisseurs hyksos hors du royaume; son père, Touthmosis Ier, fit de même avec les remuants Koush, au sud. Mais cet illustre guerrier eut à l'évidence plus de mal à assurer sa succession... Il eut trois fils: les deux premiers disparurent en bas âge et, devant le peu d'envergure du troisième, souvent présenté comme un demeuré, le pharaon décida d'associer sa fille au pouvoir et de la marier avec... son falot rejeton.

A la mort du père, c'est lui, Touthmosis II, âgé d'une vingtaine d'années, qui monte sur le trône pour un règne très bref (trois ou quatre ans). Lorsqu'il disparaît, prématurément, il faut donc chercher un héritier mâle du côté d'une concubine, Isis. Son nom? Touthmosis III, couronné à l'âge de... 5 ans. L'intelligence politique d'Hatshepsout sera de ne pas s'opposer à l'investiture de son neveu - de fait, c'est elle qui va gouverner, mais elle va tout faire pour le protéger et lui assurer la meilleure éducation.

En réalité, c'est bien elle, la pharaonne, qui dirige le pays. Elle devient même, à 25 ans, la première grande souveraine de l'humanité, à la tête d'un royaume si vaste qu'il lui faudra plusieurs années pour réorganiser son administration. Elle nomme un nouveau vizir, s'attire la bienveillance du clergé puis s'adresse symboliquement à son peuple : pour prouver qu'elle a hérité du courage guerrier de son père, la jeune femme lance une expédition punitive en Nubie, une région agitée de la moyenne Egypte. Enfin, alors que son neveu est encore trop jeune (10 ans) pour gérer le pays, elle organise sa propre cérémonie de couronnement pour asseoir définitivement son autorité. "Un tel événement montre que la situation politique était plus compliquée que ce que veut bien laisser entendre la propagande inscrite sur les fresques des temples".

Une souveraine éclairée
Dans ces autobiographies murales, comme celle du Spéos Artémidos ("caverne d'Artémis"), la souveraine va même jusqu'à s'inventer une filiation divine avec Amon, le "roi des dieux". Et, pour ceux qui ne liraient pas très bien les hiéroglyphes, elle fait dessiner ce qu'aucun autre pharaon n'a osé esquisser: la cérémonie d'intronisation par les dieux.

Dès lors, celle qui se veut déesse se fait représenter dotée de tous les attributs  masculins de pharaon (barbe postiche, fouet, sceptre...). La jeune femme tient le pays d'une main de fer, instaurant un état de paix prolongé dans lequel elle ne s'endort pas. Plus de territoires à conquérir, point de frontières à disputer ? Qu'à cela ne tienne, elle sera une "souveraine éclairée" en lançant une immense expédition scientifique dans le pays de Pount (près de l'actuelle Erythrée). La pharaonne prépare le voyage, mais n'embarque pas sur un des cinq navires expédiés. A leur bord se bousculent les plus grands savants égyptiens. Un an plus tard, ils rapporteront un trésor inestimable: ivoire, épices, ébène, plumes, oliban, myrrhe, etc. L'épopée vire au triomphe et Hatshepsout exulte... le temps de se trouver un nouveau défi.

Quel est le plus sûr moyen d'assurer sa postérité? Bâtir. Hatshepsout fait donc construire des palais, des obélisques (ceux de Karnak) et même la vallée des Rois...

Mais son héritage indiscutable est Deir el-Bahari, un temple en gradins doté de trois terrasses avec portiques, blotti contre la montagne, sur la rive gauche, en face de Thèbes. Un chef-d'oeuvre de dépouillement. Pour arriver à un tel ouvrage, qui remet en question les canons esthétiques de l'époque, la pharaonne s'est adjoint les services d'un gestionnaire un peu particulier, Senenmout. De lui, les historiens savent peu de choses, sauf qu'il cumula tous les titres et eut sur elle une influence prépondérante, au point d'avoir peut-être été son amant. Ancien soldat, fin lettré et intelligent, il avait tout pour être séduisant. Pourquoi se serait-elle privée, elle, la veuve d'un frère un peu dégénéré ?

Pourtant, Hatshepsout va brusquement disparaître des tablettes, après vingt-deux ans d'un règne fastueux. "A sa mort, il n'y eut pas de rupture. L'élite politique et religieuse qu'elle avait mise en place lui survécut. Justement, cette gloire - de surcroît féminine - était gênante pour son successeur et neveu, Touthmosis III. Le jeune pharaon avait besoin de récrire sous son nom le grand livre de l'Histoire. Il partira loin de la capitale pour de multiples campagnes guerrières, en Nubie, en Palestine et en Asie. Surnommé le "Napoléon de l'Egypte", il mènera ainsi le pays à son apogée, dans le sillage de sa tante, joliment passée à la postérité sous un nom qui fait éternuer.