
NEFERTITI


Fascinante
souveraine, Néfertiti régna il y a 34 siècles
sur le puissant empire d'Égypte. Enfoui dans le
sol pendant des millénaires, son visage ressurgit
miraculeusement intact près des rives du Nil, dévoilant
sa beauté.
Mais
qui est Tadoukipa, que le peuple
surnomme Néfertiti ? Princesse de
Mitanni, elle devient à 17 ans la grande épouse
royale d’Aménophis IV, le futur Akhenaton,
pharaon de 12 ans amoureux des oiseaux et des
papillons régnant sur l'opulente Égypte de la
18e dynastie.

En
l'an 6 du règne (1539 avant J.-C.), Néfertiti et
Akhenaton quittent leurs palais de Thèbes et de
Memphis pour habiter la nouvelle capitale de
l'empire du monde, Akhet-Aton, « la ville de
l'horizon d'Aton », cité fabuleuse
construite de toutes pièces dans la plaine entre
les falaises et le Nil. Tell al-Amarna, ce nom
retentira 3300 ans plus tard comme un éclair,
révélant dans les débris d'Akhet-Aton la plus
stupéfiante révolution religieuse que les siècles
n'aient connue.
Leurs
rêves dépassent tout ce que l'esprit peut
imaginer sans sombrer dans la folie : un
monde où tous les hommes vénéreraient un dieu
unique: Aton, le disque solaire aux rayons
resplendissants. S’adressant à son peuple,
Akhenaton s’écrie : « J'ai construit
Akhet-Aton pour mon Père, Aton. »

Ce
dieu unique est universel, s'étendant à toute la
Création. Le Grand Hymne d'Aton proclame:
« Ô Dieu unique, dont la puissance est
unique ! Tu as créé la terre selon ton
coeur, toi seul, avec les hommes, les bestiaux,
les bêtes sauvages, tout ce qui existe sur terre
et marche sur pieds, tout ce qui est dans les airs
et vole de ses ailes, les pays étrangers, les
pays de Syrie, de Nubie, et le Pays d'Égypte. Tu
mets chaque homme à sa place, lui donnant le nécessaire,
avec leurs langues, leurs peaux et leurs formes
diverses, car tu différencies les peuples. »
C'est l’accent des futurs psaumes de la Bible.
Combattus
et jetés aux orties, ces innombrables dieux
mi-humains mi-animaux et temples érigés en leur
honneur. C'est l'éclosion des premiers bourgeons
de la démocratie. « Sa Majesté prend des
humbles pour en faire des princes », dit
l'intendant May. Un courtisan ajoute :
« Il passe tout le jour à nous instruire ».
Le peuple, libéré du riche et redoutable clergé
d'Amon, loue et acclame son pharaon Akhenaton et
la grande prêtresse Néfertiti, « la Belle
qui est venue ». Les puissances de la
contre-réforme se mettent en branle.

Cet
Aton est aussi dieu de Paix et de Joie. De grandes
armées sont dissoutes et l’art et
l'architecture connaissent d'audacieuses
transformations. Temples et palais s'allient à la
nature, en complète symbiose. Le temple d'Aton,
orienté à l'est comme le seront les églises des
premiers chrétiens, est à ciel ouvert. Chants et
hymnes célèbrent la communion du lever et du
coucher du soleil.
De
magnifiques parcs, jardins, lacs, bassins avec
animaux sont aménagés. Les arts picturaux et
sculpturaux, illustrant des scènes de la vie
familiale, officielle et cultuelle du couple
royal, deviennent étonnamment réalistes et
modernes. Un bas-relief dépeint Pharaon en
pleurs, tenant le petit cadavre de sa fille
Maketaton dans ses bras. Une statue montre
Akhenaton enlaçant tendrement Néfertiti assise
sur ses genoux.
Néfertiti
est au coeur de ce vaste chamboulement. Elle
dirige habilement le jeune Akhenaton, peu
intéressé à la politique. Ils s’aiment
d'amour, se cajolent en public, montent ensemble
le char or argent aux impétueux chevaux blancs. Néfertiti
enfante six filles, simplement, sans artifices
rattachés aux naissances royales. Les enfants
participent librement aux activités du palais.
Quel couple, Néfertiti à la beauté éclatante
et Akhenaton au corps efféminé et replet !

Leur
bonheur conjugual est de courte durée. Peu à
peu, la division s'installe au palais, les clans
se forment, leur relation s'envenime et le couple,
après 12 ans de cohabitation, se sépare définitivement.
Akhenaton, reniant sa promesse à Aton et à son
peuple, rentre à Thèbes, laissant Néfertiti
seule à Akhet-Aton. Ardente comme toujours, elle
s'acharne avec l'énergie du désespoir à
poursuivre le rêve chancelant.
C’est
alors que le grand maître sculpteur Thoutmès
taille l'immortel buste de Néfertiti. Elle a 25 ans,
elle est presque déchue, mais elle a un regard d'éternité.
Peu après, la capitale Akhet-Aton se vide
soudainement de ses habitants et est abandonnée
au sable du désert.

Le
règne d’Akhenaton dure 17 ans. Selon les étranges
traditions de la légitimité des pharaons, il
contracte entretemps une union avec sa première
fille, Méritaton, gouverne ensuite avec Semenkarès,
son corégent, et marie finalement sa troisième
fille, Ankhesenpaton, la future épouse de
Toutankhamon. Il meurt à 30 ans, après une
longue maladie, laissant une Égypte affaiblie, désarmée
devant ses voisins.
Néfertiti
tente de prendre le pouvoir. Elle écrit une
lettre renversante au roi hittite: « Mon époux
est mort et je n'ai pas de fils. Les gens disent
que tes fils sont adultes. Si tu m'envoies un de
tes fils, il deviendra mon époux, car je ne veux
prendre aucun de mes sujets pour en faire mon époux ».
Elle échoue; le valeureux fils Zannanza est
assassiné en franchissant la frontière d'Égypte.

Nul
ne connaît les circonstances de la mort de Néfertiti.
Elle serait morte à 35 ans. On ne retrouva
jamais sa momie ou son sarcophage, ni celui
d'Akhenaton.
Horemheb
et ses successeurs détruisent la Cité,
s'empressant d'effacer toute trace d'Akhenaton, de
Néfertiti et du dieu Soleil. Il en subsistera des
fragments. La religion Amon retrouve ses privilèges
et ses droits. L'Égypte reprend imperturbablement
son cours. Le rêve a duré 10 ans.

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