
Egypte
éternelle

Aucune civilisation
ancienne ne nous a légué un héritage aussi diversifié que l’Égypte. C’est
pourquoi, traditionnellement, les expositions d’art égyptien soulignaient
davantage l’importance documentaire de ce legs que le rayonnement d’un
art. Égypte éternelle est donc la première exposition à aborder cette
grand culture de l’humanité avec une approche d’historien de l’art. Il
s’agit également d’une première présentation au Canada d’artefacts
provenant exclusivement de la collection d’antiquités égyptiennes du
British Museum. À travers des chefs-d’œuvre et des trésors moins connus,
elle propose un survol de cette collection exceptionnelle par sa richesse
et son envergure.

La sélection des
œuvres a été faite par la commissaire invitée Edna R. Russmann,
conservatrice au Brooklyn Museum of Art de New York, en étroite
collaboration avec Nigel Strudwick du département d’antiquités égyptiennes
du British Museum. Les quelque 150 objets exposés couvrent toute
l’histoire pharaonique, du tout début de la 1re dynastie, vers
3100 av. J.-C., jusqu’à l’occupation romaine au quatrième siècle de notre
ère. Cette présentation chronologique met en lumière l’évolution de l’art
égyptien sur plus de trois millénaires. L’histoire de l’Égypte ancienne se
divise en quatre époques – l’Ancien Empire, le Moyen Empire, le Nouvel
Empire et la Basse Époque – et le parcours de l’exposition s’inscrit dans
cette chronologie. Dans chacune des sections, les visiteurs pourront
découvrir les innovations de l’art égyptien à chaque époque, ses styles,
ses formes et ses genres.

L’Ancien
Empire Cette section est consacrée à l’art des premiers pharaons,
datant des premières dynasties et de l’Ancien Empire (v. 3100-2150 av.
J.-C.). Parmi les thèmes abordés, signalons l’établissement d’un système
de conventions et de normes artistiques; la naissance du royaume et son
rôle déterminant dans la création d’un art égyptien; les développements
parallèles de l’art et de l’écriture hiéroglyphique et l’influence
réciproque de ces deux modes d’expression; enfin, la manière dont les
croyances religieuses et magiques ont mené à la représentation centrale de
la figure humaine dans l’art. On pourra y voir un choix d’œuvres créées
entre la chute de l’Ancien Empire et le début du Moyen Empire. Bien que de
facture simple voire naïve, ces œuvres transitoires ont conservé les
conventions artistiques de l’Ancien Empire.
Le Moyen
Empire Le volet de l’exposition dédié au Moyen Empire (v. 2060-1633 av.
J.-C.) montre le développement significatif de la sculpture en relief et
en ronde-bosse, avec l’adoption d’un plus grand naturalisme et de
nouvelles formes d’art telles que la statue-cube et le cercueil
anthropomorphe. Le portait – un genre inventé au début de l’Ancien Empire
et devenu courant par la suite dans l’art égyptien – y est également
représenté. Bien que des portraits soient exposés tout au long du
parcours, l’importance et la fonction du portait prennent toute leur
signification sous le Moyen Empire, en témoignent des images imposantes
telles l’effigie du souverain Sésostris III (v. 1878-1843 av. J.-C.) et
d’autres statues légèrement plus tardives représentant des
particuliers.

Le Nouvel
Empire Cette période (v. 1550-1070 av. JC) – qui vit l’expansion de
l’empire égyptien au cours de la XVIIIe dynastie, la révolution
religieuse de la période d’Amarna ainsi que les XIXe et
XXe dynasties de la période ramesside – est illustrée par des
statues et des objets ayant appartenu aux célèbres pharaons Aménophis III,
Akhénaton et Ramsès le Grand, et à certains de leurs successeurs. La
sophistication croissante de cette époque transparaît dans l’imagerie
nouvelle, dans la création de statues royales de taille colossale, dans
les innovations stylistiques excessives de l’esthétique amarnienne, ainsi
que dans l’art révisionniste de la contre-réforme qui a suivi. Des bijoux,
des miroirs, des contenants à cosmétiques et d’autres objets de luxe
largement produits sous le Nouvel Empire sont réunis dans cette
section.
La Troisième
Période intermédiaire et la Basse Époque forment la période la plus
longue, la plus complexe et la moins définie de l’histoire de l’Égypte;
elle va de la XXVIe dynastie (1069 av. JC) à la période
ptolémaïque grecque (d’Alexandre le Grand à Cléopâtre VII) qui s’achève
avec l’occupation romaine (30 av. JC – 642 apr. JC).

Malgré
l’affaiblissement politique de la Basse Époque, la culture égyptienne est
demeurée passablement forte et l’art a maintenu une remarquable vitalité.
Le thème principal de cette section est le renouvellement de l’art
égyptien essentiellement par le recours à l’archaïsme, l’imitation
délibérée des œuvres du passé. À la période ptolémaïque (305-30 av.
J.-C.), il a fortement subi l’influence du style hellénistique. Ce volet
de l’exposition se penche sur le mélange complexe entre les traditions
artistiques fortes mais différentes de l’Égypte et de la Grèce. Des
exemples de ce style composite illustrent comment une tradition a pu
enrichir l’autre ou s’y opposer et vice versa. Ainsi, les momies de la
période romaine étaient enveloppées à la manière égyptienne mais la
personne défunte était souvent représentée avec une coiffure, des
vêtements et des bijoux d’inspiration gréco-romaine.

Figure de Méryrêhashtef marchant
à grands pas Cette statue en bois datant de l’Ancien Empire combine de
nombreuses caractéristiques de la statuaire de l’Egypte ancienne : la
figure a été taillée dans un seul bloc d’ébène, le mouvement du personnage
est rendu par l’inclinaison du torse et la jambe gauche portée en avant,
l’artiste a porté un grand soin à sculpter la perruque et à peindre les
yeux. Bien que la sculpture égyptienne soit assez conventionnelle dans
l’ensemble, un coup d’œil à cette statue nous révèle que son traitement
n’est pas conventionnel puisque le personnage en mouvement dégage une
impression d’énergie.

Le cortège du nomarque La
composition de ce relief peint est habilement rythmée par l’utilisation
d’horizontales et de verticales. La scène se lit de droite à gauche. En
tête du cortège figure un archer suivi de la chaise à porteurs dans son
axe horizontal, puis des gardes et fonctionnaires importants; l’espace
sous la chaise est occupé par le chien du propriétaire. Suit le porteur de
sceau dont l’énorme bouclier sépare verticalement le premier groupe de
personnes du reste du cortège. La partie la plus importante de la
composition – le nomarque dans sa chaise à porteurs et ses accompagnateurs
immédiats – est ainsi séparée des autres personnages.

Statue debout de Sésostris
III Voici l’une des images les plus fortes qui nous soit
parvenue d’un roi de l’Égypte ancienne. Sésostris III est célèbre pour
avoir repoussé les frontières méridionales en intégrant la Nubie au
territoire égyptien, et ainsi permettre l’accès aux produits de l’Afrique
de l’Est, mais aussi pour avoir restreint le pouvoir des nomarques ou
gouverneurs des provinces, et centralisé son gouvernement. En observant
attentivement son visage, croyez-vous que ce roi pouvait supporter la
contradiction ?

Sénenmout assis tenant la
princesse Néférourê Cette statue présente une composition
parfaite, dont les lignes verticales des deux personnages assis sur un
siège cubique contrastent joliment avec les courbes descendantes de la
perruque. La scène émouvante montre la jeune princesse portant l’index à
sa bouche, affectueusement enveloppée dans le manteau de son précepteur
qui la protège de ses mains.

Lion d’Aménophis III regravé
pour Toutankhamon Le traitement naturaliste de ce lion
contraste avec la représentation traditionnelle du sphinx, statue à corps
de lion et tête d’homme où l’animal est étendu, les pattes posées à plat
devant lui. Celui-ci est couché sur le flanc et a les pattes avant
croisées. C’est l’image d’un lion au repos et non celle du sphinx gardant
l’entrée du temple. Le contraste entre la crinière stylisée du lion et le
rendu naturaliste de son corps est tout aussi remarquable.

Papyrus avec vignettes
satiriques Les images représentées sur ce papyrus sont tout
à fait inattendues. L’artiste a laissé libre cours à son imagination en
créant une série de vignettes montrant des animaux, ennemis naturels,
s’amuser ensemble – un lion et une gazelle jouant à un jeu de table – ou
inversant les rôles – une hyène, un renard et un chat sauvage gardant un
troupeau d’oies et de chèvres. Et en même temps, nous pouvons apercevoir à
l’extrême droite de la scène, une gazelle ravie par un lion
triomphant.

Stèle de
Néferhotep Cette magnifique
stèle montre Néferhotep, un artiste-scribe du treizième siècle avant note
ère, en prière devant le roi Aménophis 1er et la reine Ahmès Néfertari.
Ces souverains qui ont vécu trois cents ans avant lui ont été déifiés.
Dans le registre inférieur gauche, on peut voir le scribe les bras levés
en signe d’adoration vers le couple royal assis dans le registre
supérieur. L’artiste a sculpté le roi et la reine en bas-relief (la figure
se détache du fond avec une faible saillie) alors qu’il s’est représenté
en creux (la figure est sculptée en creux dans la pierre). La
juxtaposition de ces deux techniques souligne adroitement la hiérarchie
des personnages. Etant donné que la sculpture en bas-relief était
habituellement réservée aux murs extérieurs des monuments et que le relief
en creux décorait les parois internes, il est possible que Néferhotep soit
agenouillé à l’extérieur d’une chapelle dédiée aux époux
royaux.

Livre des Morts, papyrus d’Ani :
le jugement d’Ani Cette vignette extraite du papyrus Le Livre des morts
montre la pesée du cœur du scribe Ani. Selon la tradition égyptienne, le
cœur était pesé et devait faire contrepoids à la plume de Maât,
représentant la déesse de la vérité et de l’ordre, pour certifier que le
défunt a eu une vie exemplaire. Le texte qui accompagnait habituellement
la scène est la proclamation d’innocence, parfois aussi appelée la «
confession négative », dans lequel, le défunt déclare n’avoir commis aucun
crime. Dans la vignette, le cœur d’Any est posé sur le plateau gauche de
la balance et la plume de Maât sur le plateau droit. À droite de la
balance, le dieu Thot à tête d’ibis s’apprête à noter le jugement.
Derrière lui est assis Amu, une bête hybride à tête de crocodile,
avant-train de grand félin et arrière-train d’hippopotame. Le monstre se
tient prêt à bondir pour dévorer le cœur du défunt si son âme est jugée
indigne de la vie éternelle.

Masque funéraire de
Satdjéhouty Ce masque, fait de cartonnage peint et doré,
était placé directement sur la tête de la momie. Aujourd’hui, cet
artefact est apprécié pour la qualité de son travail artisanal mais pour
les anciens Égyptiens, il était un moyen de protection efficace, visant à
représenter le défunt et à l’identifier à Osiris, le dieu mort et
ressuscité. Les Égyptiens croyaient qu’en récitant les prières appropriées
et en se faisant ensevelir selon les rites orthodoxes, ils auraient droit
eux aussi à la vie éternelle après la mort.

Portrait de femme sur
panneau Tout comme le masque funéraire précédemment décrit, ce portrait
d’un naturalisme étonnant avec son regard troublant était placé
directement sur la tête du corps momifié. Datant du début de la Période
romaine (IIe siècle apr. JC), il représente une femme dont les cheveux
frisés et la tunique de style gréco-romain dénotent l’influence
hellénistique sur l’Egypte. Le panneau est peint à l’encaustique, une
technique qui consiste à délayer les pigments dans de la cire d’abeille
liquide puis à appliquer la cire colorée directement sur la surface du
bois.


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