Victor Cazes

CAZES Victor Bernard, fils de Justin Napoléon né en 1854 à Lavelanet et de Marie Victorine

Né le 22/7/1888, L'Isle-de-Noé, Gers
Caporal
Origine : 32 Mirande
N° A-481910  
34°DI De Lobit, 88e R.I.,  

Disparu
Roclincourt - Écurie 09/05/1915  
Arras
Pas-de-Calais (62)

"Le 88ème Régiment d’Infanterie engagé à Roclincourt est totalement décimé : 1200 soldats de ce régiment gascon laissent leur vie face à l’ennemi dans la campagne picarde en ce 9 mai 1915."

" Je voudrais vous écrire longuement pour vous dire combien il sont beaux, combien ils sont crânes, vos petits Gascons qui remplissent si bien leur devoir de soldats ou qui
donnent si héroïquement leur vie pour sauver la France ..." Colonel Mahéas, commandant du 88e RI.

Extraits de lettres de Victor Cazes

Dax, octobre 1914
Le pauvre homme, il pleurait en nous félicitant le mardi soir, et il est resté le dernier à partir en arrière car nous reculions pour nous refermer, et pendant que ses soldats passaient, il les encourageait avec des larmes dans les yeux. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas dans ces moments-là pour des chefs qui nous parlent ainsi : "Si tous avaient fait comme vous, mes enfants, aujourd'hui, la France aurait remporté une belle victoire."
"Je suis fier de vous et ainsi vous relevez le prestige et la gloire de notre vaillant régiment." Pour tous il avait de bonnes paroles, et il ne faut pas avoir du tout de coeur pour ne pas sentir ces quelques paroles. Ainsi il y en a beaucoup qui, comme lui, moi le premier, voyait venir les larmes au coin des yeux. Victor Cazes

Villa des tranchées, le 29 janvier 1915

Chers parents

Je fais réponse à votre lettre du 20 courant avec un peu de retard, mais ici, quoique l'on ait le temps d'écrire, parfois on ne s'y met pas ou on ne trouve pas la facilité d'expédier les lettres une fois écrites, car on ne les ramasse pas tous les jours.
Nous avons changé de secteur et nous sommes dans un endroit où les tranchées adverses sont parfois tellement prêts que l'on entend tout ce que l'on dit de part et d'autre, même en parlant doucement, aussi nous a-t-on recommandé - puisque nous sommes tous à peu près du midi - de parler patois, car comme cela ils ne comprendront pas ce que nous dirons. (Car il y en a beaucoup qui parlent le français, et l'autre jour, malheureusement, ils nous ont pris pendant que l'on mangeait la soupe, il y en avaient qui avaient dit "Ah, voilà la soupe qui arrive, ce n'est pas trop tôt !" Et les boches avaient compris, aussi, dix minutes plus tard, ils faisaient irruption sur le rebord de la tranchée, armés de bombes et fauchaient un secteur sans faire de quartier à personne. Il y en avaient qui voulaient se rendre, mais ils les ont tués tous à coup de baïonnette. On les entendait crier sans pouvoir aller à leur secours.) Cela fait bien mal au coeur, tout de même, de ne pas voir plus d'humanité. Aussi, on leur rendra bien la pareille un jour ou l'autre, si c'est possible.
Heureusement que dans quatre jours, nous allons avoir huit jours de repos et ils seront bien gagnés car il fait bien froid dans les tranchées, et toujours à surveiller en cas d'attaque.
(...)
L'artillerie arrose les boches, et on s'amuse à regarder arriver les obus qui sont gros comme ma tête et pèsent 100 kilos. C'est du 220 long.
Recevez de votre fils les meilleurs baisers en attendant de me revoir s'il plaît à Dieu. Victor Cazes

Le 26 février 1915

(...)
Je me suis sorti de ces dix jours d'attaque sain et sauf avec seulement quelques égratignures d'une balle qui a éclaté sur la baïonnette et qui l'a fendue en m'envoyant cela ainsi qu'un éclat un peu plus grand dans un doigt à la main gauche. (...)
On a été relevé pour deux jours seulement et on va recommencer soi-disant. Mais on n'en est pas certains car il nous manque beaucoup de monde au régiment, et si on fait reculer l'ennemi, ce n'est pas en lisant une carte, ni en faisant une manille.
Il ne veut pas en démarrer. Jusqu'à des tranchées blindées qu'ils on fait dans les bois, on a beau avoir du courage, on n'y arrive pas toujours à bout, mais tout de même on leur a enlevé un bon bout de hauteurs et on a un point de vue splendide depuis nos tranchées à présent.
Elle nous coûte cher aux gascons cette région de Perthes et Beauséjour, mais aussi, si le 11e corps ne valait rien au début de la guerre, à présent on a reconnu qu'il était bon à quelque chose, puisque c'est lui qui a fait tout ce travail. (...)
Nous avons reçu des félicitations du général commandant l'armée, mais cela ne fait jamais revenir ceux qui manquent. Mais la guerre est si exigeante qu'il faut consentir à beaucoup de sacrifices et suivre les fantaisies du destin en se disant "Dieu seul est notre maître". (...)
Ici nous avons eu le temps très bizarre ; avant-hier et hier, nous sommes restés dans la neige et il ne faisait pas bon dans les tranchées, surtout avec les attaques et contre-attaques, les bombes et les obus, sans compter les coups de fusil et l'arme blanche pour distraction. En somme, nous avons eu les quatre temps pendant cette semaine, et toujours ces coups de canon, on en est presque sourds depuis le matin jusqu'au soir et pendant la nuit, les trois quarts du temps, aussi je vous réponds que nous sommes contents de prendre deux jours de repos, car nous en avons besoin.
On était comme des cochons à proprement parler, de la boue jusqu'aux genoux, les boyaux de communication entre les tranchées n'étaient pas trop larges, aussi sur l'humidité, on se remplit les poches de boue, les manches, et puis pour mieux dire, tout. Hier, que la neige fondait, et faire deux kilomètres de tranchées, figurez-vous si on était propres lorsque nous sommes arrivés au bout. Aussi, aujourd'hui, on s'occupe à nettoyer nos effets et nos couvertures et à les faire sécher. Nous avons du soleil, une très belle journée de printemps.
Je vous dirai que j'ai été cité par le commandant de la compagnie à l'ordre du jour pour l'attaque de carnaval pour mon attitude énergique en reconduisant trente soldats sur la ligne de feu ; avant, le lieutenant Badens a été blessé à l'épaule et évacué. (...)
Je vous envoie deux fleurs que les boches n'auront pas. Vous direz qu'elles viennent de la côte 200 et 202, prise ces jours derniers par le 88e et 89e. Victor Cazes
(...)

Du Pas-de-Calais, le 6 Mai 1915

(...)
Je ne sais si la guerre finira bientôt, et si j'aurais le bonheur d'en revenir, ce qui n'est pas trop sûr encore, car d'après les procédés employés pour le moment, ils vous prennent avec toutes sortes d'engins pour vour faire rester sur le carreau. Ils vous empêchent même de respirer avec leurs fusées et bombes asphyxiantes, et elles n'ont rien de bon pour nous. (...) Victor Cazes

-----------------------------------------------------------


Département du Pas-de-Calais, le 7 Mai 1915

(...) Pourvu que l'on finisse par prendre le train pour chez nous, une fois. (...)Victor Cazes

(Victor Cazes a disparu lors d'une attaque, deux jours après avoir écrit cette dernière lettre, le 9 Mai 1915.)

 

 

 

 

 

 

 

Marie Victorine et Justin Napoléon Cazes

enfants : Victor, Jeanne morte à Foix de la grippe espagnole, Marie Joséphine, Gabrielle


L'oncle du Québec, Aimé Laprotte à Montréal