Couvrir
la Palestine:
L'avenir incertain du journalisme en zone dangereuse
FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES JOURNALISTES
Rapport de la mission de la FIJ à Jérusalem et
en Cisjordanie, novembre 2001
Aidan White et Olivier Da Lage
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INTRODUCTION
Ce rapport fait suite à une visite à Jérusalem
et en Cisjordanie de la Fédération internationale des journalistes,
qui fédère des organisations membres tant en Palestine quen
Israël.
Au cours des deux dernières années, la crise qui frappe les journalistes
pris dans le conflit a été au cur des préoccupations
de la FIJ.
Deux événements clés ont mis en évidence le rôle
important que les médias jouent dans la guerre des mots et des images
et qui ont sans nul doute contribué au récent raidissement des
attitudes officielles envers le travail des journalistes. Le premier fut la
mort, le 1er octobre 2000, du jeune Mohammed al-Doura, âgé de 12
ans. Cet événement choquant et tragique a été filmé
par un reporteur dimages palestinien et diffusé par la suite dans
le monde entier. Cette image a provoqué à travers le monde une
vague de sympathie considérable pour la cause palestinienne. Quelques
jours plus tard, le 12 octobre 2000, un autre événement a présenté
un portrait complètement différent de la situation : le lynchage,
dans la ville cisjordanienne de Ramallah, de deux soldats israéliens
qui avaient trouvé refuge dans un commissariat de police palestinien.
Depuis lors, la situation des médias et des journalistes sest sensiblement
détériorée. En décembre 2000, le Comité Exécutif
de la FIJ a adopté une résolution sur les attaques contre les
journalistes et les violations de la liberté de la presse dans les Territoires
palestiniens.
Une partie de la résolution, annexée au présent rapport
(annexe 1), concerne lenvoi dune mission denquête. Lors
de la réunion du Comité Exécutif de la FIJ en octobre 2001,
les termes de référence de cette mission on été
approuvés.
Dans le contexte de cette atmosphère difficile et de plus en plus tendue,
les principaux objectifs de la mission consistaient à rechercher les
moyens concrets daider les confrères, et en particulier :
Au départ, les membres de la mission étaient Olivier Da Lage (SNJ,
France), Seamus Dooley (NUJ, Grande-Bretagne et Irlande), Hans Verploeg (NVJ,
Pays-Bas) et Aidan White, le Secrétaire Général de la FIJ.
Hans Verploeg sest désisté en septembre 2001. Seamus Dooley
a dû renoncer à sa participation pour des raisons de santé
et la NUJ a nommé dans un premier temps Christy Loftus, puis Paul Hardy
pour le remplacer. Malheureusement, aucun des deux na été
en mesure de se joindre à la mission.
La mission sest déroulée du 1er au 4 novembre 2001 ; des
rencontres ont eu lieu à Jérusalem, Bethléem, El Bireh
et Ramallah Les membres de la mission ont rencontré des dirigeants syndicaux
palestiniens et israéliens, des journalistes en activité des deux
côtés du conflit, ainsi que des correspondants étrangers,
des experts des médias et des diplomates. Il na pas été
possible de visiter Gaza pour des raisons de sécurité. Des rencontres
ont également eu lieu avec deux anciens dirigeants des journalistes palestiniens,
dont lun est à présent un haut représentant de lAutorité
Nationale Palestinienne et lautre à la tête de la Compagnie
Palestinienne de Radio-télévision. (La liste des personnes interviewées
est annexée, annexe 2).
CONSTATS DE LA MISSION
Alors que pour lensemble du monde, les conséquences des événements
du 11 septembre demeurent encore incertaines, il est clair quen Israël
et dans les territoires palestiniens, ces événements ont accéléré
le retour aux jours sombres de la confrontation, de la violence urbaine et aux
formes de terreur politique et dÉtat qui ont paralysé le
processus de paix. Des milliers de personnes font aujourdhui la douloureuse
expérience de ladministration militaire qui menace, par sa brutalité,
la notion fondamentale de la co-existence palestinienne avec Israël. Dans
cette pénible tragédie, les journalistes palestiniens sont en
première ligne.
Nous avons été témoins de lengrenage qui menace de
submerger tout progrès vers lindépendance professionnelle
et le respect de la liberté de presse. Alors que le processus de paix
est en cours de délitement, toutes les parties, palestinienne et israélienne,
considèrent la manipulation du message médiatique comme une nécessité
stratégique.
Les preuves abondantes de tentatives de contrôle des médias témoignent
dune crise profonde pour la liberté de la presse.
Nous avons notamment constaté :
Cette crise est sans précédent et requiert lattention internationale.
Une action urgente simpose afin de protéger les journalistes et
les employés des médias, pour réaffirmer les principes
de liberté de presse et des droits de lhomme et pour promouvoir
un dialogue substantiel entre les professionnels des médias dOccident,
dIsraël et du monde arabe.
SUJETS DE PREOCCUPATION
1. Pression des autorités sur les journalistes et les médias
Suite au déclenchement de la deuxième Intifada en 2000, les problèmes
rencontrés par les médias et les journalistes ont considérablement
augmenté. Un rapport de lInstitut International de la Presse, lune
des nombreuses organisations de liberté de la presse qui couvrent la
région, a affirmé que plus de 100 violations de la liberté
de la presse ont été constatées à la date du 24
juillet 2001.
Parmi ces violations, 43 concernaient des meurtres de journalistes et 87 % des
incidents étaient imputés aux autorités israéliennes,
y compris larmée, les 13 % restants étant luvre
des Palestiniens.
Au cours de lannée 2001, trois journalistes palestiniens ont été
tués. Hisham Mekki, le directeur de la Compagnie Palestinienne de Radio-télévision,
tué par balles dans la bande de Gaza le 17 janvier par trois hommes masqués.
Un groupe palestinien, la Brigade des Martyrs dal Aqsa, a revendiqué
lattaque en prétendant quil était un responsable corrompu.
Deux journalistes, Mohammad Al Bishawi, 27 ans, photographe travaillant pour
un journal local, et Othman Abdel Qader Al Qatanani, 24 ans, photographe pour
la Kuna News Agency, sont morts durant une attaque militaire israélienne
le 31 juillet. Limmeuble comptait sept étages et abritait un bureau
du Hamas, ainsi quun centre de recherche pour les médias au deuxième
étage.
Les événements du 11 septembre aux États-Unis, laction
militaire qui a suivi en Afghanistan, la réoccupation par les forces
israéliennes de six villes palestiniennes de « zone A »
théoriquement placée sous contrôle palestinien selon les
accords de paix- puis lassassinat du ministre israélien
Rehavam Zeevi, le 17 octobre, ont renforcé la pression sur les médias.
Les journalistes palestiniens et les correspondants étrangers ont signalé
de nombreux cas de harcèlement et dintimidation routiniers, ce
qui rend quasiment impossible toute couverture objective des événements
en cours dans ce conflit tragique.
La plupart de ces incidents et des attaques précédentes à
lencontre des médias ont été abondamment recensés
par les groupes de défense des droits de lHomme et de la liberté
de la presse. Nous nous sommes fondés sur des informations fournies par
le Comité de Protection des Journalistes, à New-York, Article
19, le Centre International contre la Censure, et Reporters sans Frontières,
qui, à linstar de la FIJ, reçoivent des informations directement
de journalistes et de groupes de défense des droits de lHomme.
De leur côté, les autorités israéliennes critiquent
nombre de ces conclusions, rétorquant que seulement neuf des nombreux
incidents signalés peuvent être attribués à leurs
forces et méritent une enquête et parmi eux, un seul, selon le
Bureau de presse gouvernemental, a été reconnu comme relevant
directement de leur responsabilité.
Il a toujours été affirmé, en particulier par les autorités
civiles et militaires israéliennes, que les actions qui limitent la circulation
des journalistes ou qui interfèrent avec leur travail sont prises uniquement
pour des raisons de sécurité.
Ces raisons sont compréhensibles, mais les conditions de travail des
journalistes, et en particulier des journalistes palestiniens, se sont détériorées
pour atteindre un niveau intolérable, ce qui suscite de sérieux
doutes vis-à-vis de largument selon lequel la sécurité
est la seule cause des actes arbitraires de discrimination et de violence à
lencontre des professionnels des médias.
Parallèlement, des deux côtés, il est évident que
les autorités agissent pour réduire limpact de leur mauvaise
image ou manipulent les médias en fonction de leurs propres intérêts.
Les journalistes palestiniens sont persuadés que les premiers responsables
de leurs problèmes sont larmée et les autorités israéliennes.
Le syndicat a également produit un rapport sur la violation par Israël
des droits des journalistes.
Cependant, certains journalistes mettent également en cause les actions
et les décisions des responsables palestiniens vis-à-vis des médias
qui ajoutent à leurs difficultés. La brève fermeture du
bureau de la télévision Al-Jazira par les autorités palestiniennes
de Cisjordanie en mars 2001, et la faillite de la télévision privée
de Bethléem Al-Roa, sont deux exemples dactions qui inquiètent
les journalistes.
Cette inquiétude des journalistes locaux se reflète aussi dans
la déclaration du Syndicat des Journalistes Palestiniens exprimant leur
protestation contre les attaques de journalistes étrangers par des fonctionnaires
de lAutorité palestinienne.
La réoccupation des territoires palestiniens par les troupes israéliennes,
territoires censés être placés sous le seul contrôle
palestinien selon les accords de paix, a sans aucun doute affaibli la crédibilité
dune Autorité palestinienne déjà mal en point.
Dans le même temps, lAutorité palestinienne, cherchant à
tout prix à préserver son rôle dirigeant aux yeux de la
communauté internationale, a succombé à des tentations
politiques à la fois prévisibles habituelles pour empêcher
les journalistes de recueillir toute information pouvant présenter une
image négative au travers de reportages diffusés par les médias
internationaux.
Les difficultés auxquels sont confrontés les journalistes palestiniens
dans leurs propres régions sont aggravées du fait de labsence
de règles claires et de réglementation concernant les médias.
On compte plus de 40 petites télévisions communautaires locales
indépendantes et environ 15 stations de radios. Elles présentent
un utile antidote local aux programmes radio-télévisés
officiels, bien que leur programmation soit constituée bien souvent par
de la musique et du divertissement et non par des nouvelles et magazines dinformation.
La plupart des Palestiniens, environ 70 %, préfèrent regarder
la télévision Al-Jazira plutôt que la télévision
officielle palestinienne. La radio est une importante source dinformations
et de nouvelles locales.
Toutefois, la plupart de ces stations opèrent dans le cadre dune
réglementation provisoire et la loi sur les médias na toujours
pas été adoptée par le Conseil Législatif. Une partie
du projet de loi comprend une reconnaissance des droits des journalistes et
des professionnels des médias en veillant à ce que, dans léventualité
dune détention pour interrogatoire, cela se fasse sous lautorité
du Procureur général et non par du chef de la police.
Tant que ce droit limité nest pas reconnu, les journalistes continuent
dêtre à la merci des agents des forces de sécurité.
2. La négation du statut des journalistes palestiniens
Des années durant, les journalistes palestiniens se sont efforcés
dobtenir la reconnaissance professionnelle. Beaucoup dentre eux
ont reçu la carte de presse internationale de la FIJ et ont obtenu laccréditation
de presse auprès de lAutorité palestinienne. Cependant,
la seule carte reconnue en pratique par les autorités israéliennes
est celle qui est émise par le Bureau de presse du gouvernement (GPO)
à Beit Agron.
Pour un grand nombre de Palestiniens, cette carte na jamais été
disponible, soit parce quils navaient pas, aux yeux du GPO, demployeurs
clairement identifiables et acceptables, soit quils aient été
dans lincapacité de se rendre à Jérusalem où
sont installés les bureaux du GPO. Toutefois, un nombre significatif
dentre eux a bénéficié de cette accréditation
officielle au cours des huit dernières années. Cependant, cette
politique vient de changer.
Le GPO a fait savoir quaucune nouvelle carte ne serait émise en
faveur des journalistes palestiniens travaillant dans la bande de Gaza et en
Cisjordanie.
Dans une interview téléphonique, Daniel Seaman, directeur du GPO,
a spécifié que la décision était une décision
formelle du gouvernement et était une « affaire intérieure».
Les représentants des médias palestiniens ne recevront pas la
carte, même pour couvrir Israël. « Ces organisations nont
rien à voir avec le journalisme, dit-il, elles se consacrent à
la propagande et à lincitation à la violence et aux meurtres
dIsraéliens.
Pour les journalistes palestiniens, il sagit là dun nouvel
acte discriminatoire : « Nous ne sommes plus considérés
comme des journalistes mais comme des Palestiniens, et donc, comme un risque
pour la sécurité », nous a dit un journaliste à Bethléem
au cours de la mission.
La perte de la carte du GPO est un sérieux revers pour de nombreux journalistes
palestiniens. Ils se verront refuser laccès aux territoires où
se produisent des événements importants et ils seront dans lincapacité
de travailler dans des territoires soumis à la juridiction israélienne.
Cela pourrait également les priver de la protection minimale que cette
carte représentait, jusquà récemment, face à
des actes arbitraires de violence dans leurs rapports avec les soldats israéliens.
Cette décision menace également le travail de la presse étrangère
dans la région. Des correspondants étrangers indiquent que cette
mesure prise par Israël les empêchera de recourir à du personnel
palestinien, tel que des équipes de tournage et des reporteurs photographes
freelance qui vivent généralement dans les territoires palestiniens
autour de Jérusalem. Ces confrères représentent souvent
un soutien précieux en terme dexpérience et de connaissance
du terrain, qui se révèle indispensable pour la sécurité
et lefficacité du travail des médias dans les territoires
palestiniens.
Cette nouvelle politique, qui doit entrer en vigueur à la fin de lannée,
sest déjà traduite par de nombreux cas de confiscation immédiate
de cartes de presse détenues par des Palestiniens par les soldats aux
barrages ou aux points de contrôle.
Limpact sur les journalistes palestiniens sera également conséquent
car les freelances se verront dans lincapacité de travailler pour
les médias étrangers. La plupart des journalistes palestiniens
sont très mal payés et travaillent dans des conditions épouvantables.
Pour nombre dentre eux, cela représentera un nouveau coup, dévastateur,
qui affectera à leur capacité à gagner leur vie. Les conditions
de travail dun grand nombre de journalistes, travaillant en Cisjordanie
ou dans la Bande de Gaza, sont intolérables dues à de larges restrictions
à la liberté de mouvement, imposées par lOccupation
israélienne.Les conséquences sur la couverture médiatique
du conflit israélo-palestinien sont aussi désastreuses. Inévitablement,
lorsque les journalistes, pour relater les événements, se voient
contraints de dépendre pour leur information du téléphone
ou de témoignages indirects, la qualité du reportage en souffrira
et sa crédibilité sera sérieusement compromise.
En outre, les médias palestiniens luttant pour lindépendance
et leur professionnalisme seront plus que jamais contraints de sappuyer
sur les sources dinformation officielles palestiniennes souvent peu fiables.
3. Le Syndicat palestinien des journalistes et les préoccupations
liées à la sécurité
Le Syndicat palestinien continue de fonctionner bien que ses possibilités
soient de plus en plus limitées dans le contexte de la crise actuelle.
Le Syndicat continue de recruter des membres et une discussion sest ouverte
à propos de lextension de son champ dactivité afin
de prendre en compte les nombreux journalistes travaillant dans le secteur privé
de laudiovisuel. Beaucoup reste à faire pour restaurer en faveur
du syndicat la pleine confiance des journalistes palestiniens, dont beaucoup
voient leur professionnalisme remis en question par les nombreux intérêts
politiques en action dans la région.
Le Syndicat vise à renforcer ses activités syndicales et espère
étendre son travail dans le cadre dun projet ambitieux visant à
établir un Centre palestinien des médias à Ramallah. La
FIJ doit sefforcer, dans toute la mesure de ses capacités, de faciliter
le processus de changement.
La première priorité est une action urgente nécessaire
afin daugmenter la capacité du Syndicat à fournir aide et
assistance aux journalistes courant des risques en Cisjordanie et dans la bande
de Gaza.
La question de la sécurité figure également en tête
des préoccupations des correspondants étrangers et de la plupart
des organisations de défense des droits de lhomme. Tous les journalistes
palestiniens sur le terrain devraient, à linstar de la plupart
de leurs collègues travaillant dans les médias internationaux,
avoir accès à des gilets pare-balles, des casques et bénéficier
dune formation à la prise de conscience du risque. Ce travail peut
être facilité rapidement en impliquant les organisations de défense
des droits de lhomme idoines, le Syndicat et les correspondants étrangers
et les propositions de la FIJ appelant à des actions sans délais
seront bien accueillies de tous côtés. La FIJ doit également
examiner dans quelle mesure elle pourrait allouer un montant forfaitaire du
Fonds international pour la Sécurité pour dispenser une certaine
aide humanitaire aux journalistes victimes de la violence et à leurs
familles.
4. Le rôle des journalistes israéliens
Tout comme leurs collègues palestiniens, les journalistes israéliens
subissent une pression considérable les poussant à se conformer
aux orientations militaires et politiques décidées par les autorités
et pour la plupart soutenues par lopinion en raison des angoisses sécuritaires
largement répandues dans le contexte de la crise actuelle.
Depuis le début de la nouvelle Intifada, il ny a eu aucune attitude
claire de soutien des journalistes israéliens envers leurs collègues
palestiniens, en contraste total avec les actions de soutien de lAssociation
de la presse étrangère et le rôle positif que les journalistes
israéliens avaient tenu les années précédentes.
Il est indéniable que les difficultés internes de la Fédération
nationale des journalistes israéliens ont contribué à son
manque dengagement vis-à-vis de la FIJ et de ses actions dans la
région. La FIJ doit maintenant chercher prioritairement à encourager
le plus large soutien possible de la part de nos confrères israéliens
au développement de la solidarité professionnelle et à
des actions concrètes pour améliorer la situation de tous les
journalistes travaillant dans la région.
En outre, les journalistes syndiqués en Israël travaillent dans
le cadre de relations sociales parmi les plus dures, dans la mesure où
grande est lhostilité des employeurs à lencontre des
organisations syndicales. Lintroduction de contrats individuels et un
mode de gestion musclé constaté voici deux ans lors de
la confrontation avec les journalistes travaillant pour le Jerusalem Post
a sans nul doute contribué à affaiblir le syndicat des journalistes
israéliens.
Même sil ny a pas de preuve de contacts formels entre les
organisations israéliennes et palestiniennes de journalistes, une collaboration
informelle et utile a bel et bien été développée
soit par des journalistes à titre individuel avec des sources et des
contacts palestiniens, soit par des organisations non-gouvernementales qui ont
encouragé le dialogue et la coopération. Bien que cela soit positif
et utile, ces initiatives ne sauraient se substituer à une coopération
et une solidarité institutionnelles.
5. Établir des liens entre les médias et des structures de dialogue
Les correspondants israéliens manquent cruellement de témoignages
de première main sur le conflit israélo-palestinien. Le cas dAmira
Hass, correspondante du Haaretz à Ramallah, seule journaliste de la presse
israélienne à sêtre établie dans les territoires
palestiniens, est à ce jour unique. Même si lon prend en
considération les raisons de sécurité et les règlements
officiels qui insistent sur le fait que les citoyens israéliens, journalistes
inclus, doivent être escortés lorsquils visitent les territoires
palestiniens, la connaissance personnelle par les journalistes israéliens
des conditions dans lesquelles le peuple et les journalistes palestiniens vivent
actuellement fait cruellement défaut.
La conséquence en est que les principales sources dinformations
dont dépendent les médias israéliens sont des sources militaires
et gouvernementales israéliennes, la presse internationale et, parfois,
des contacts occasionnels avec les médias palestiniens.
Ces dernières années, les journalistes israéliens et palestiniens
ont entretenu des contacts professionnels, malgré les divergences politiques
et nationales entre leurs dirigeants, leurs organisations et eux-mêmes
en tant quindividus.
Une conséquence dommageable du récent regain de tension dans la
région a été la suspension de ces contacts professionnels,
même limités. Il faut noter également quun certain
nombre de projets spécifiques soutenus par la communauté internationale
et visant à promouvoir la coopération entre les médias
israéliens et palestiniens ont été interrompus.
Cest par exemple le cas du Forum israélo-palestinien des médias
(IPMF), lancé voici trois ans avec le soutien financier de lUNESCO,
qui a été lune des premières victimes de la nouvelle
Intifada qui a commencé en octobre 2000. Ce projet modeste, qui jouissait
du soutien de personnalités en vue des médias palestiniens et
israéliens, avait déjà entamé un travail exceptionnel
en offrant un cadre permettant les échanges professionnels et en établissant
une structure de dialogue. Le projet est aujourdhui gelé. Son bureau
situé à Jérusalem-Est reste inoccupé mais est prêt
à reprendre ses activités dès que les conditions le permettront.
Un certain nombre de projets liés aux médias, soutenus financièrement
par lUnion européenne et par différents consulats généraux
étrangers travaillant à partir de Jérusalem-Est, connaissent
le même type de suspension.
RECOMMANDATIONS
Des actions urgentes doivent être menées par la communauté
internationale des journalistes pour diminuer lampleur de la crise à
laquelle les journalistes de la région sont confrontés. La FIJ,
en coopération avec dautres agences non-gouvernementales et intergouvernementales,
devrait mettre ce qui suit à exécution le plus rapidement possible
:
1. Établir un Bureau pour la sécurité fournissant aux journalistes
palestiniens du matériel et des possibilités de formation afin
de diminuer les dangers auxquels le personnel des médias travaillant
dans la région est confronté.
2. Fournir de laide humanitaire aux journalistes et au personnel des médias
victimes de la violence en leur attribuant des ressources spécifiques
en provenance du Fonds international pour la sécurité des journalistes.
3. Protester vigoureusement et mener campagne contre les tentatives de négation
du statut professionnel des journalistes palestiniens et contre le retrait de
la carte du GPO.Parallèlement, la FIJ doit insuffler une vigueur renouvelée
au travail quelle accomplit en faveur de ses membres, tant en Israël
quen Palestine. Les conditions auxquelles les journalistes palestiniens
sont confrontés sont particulièrement difficiles et exigent une
attention renforcée. La nature du journalisme dans la région a
au-delà de la dimension politique de ses débuts. Aujourdhui,
les freelances et le personnel des médias du secteur privé représentent
une part importante de la communauté palestinienne des journalistes et
il faut faire davantage pour prendre pleinement leurs intérêts
en compte. Par conséquent, la FIJ devrait :
4. Renforcer les efforts consentis par le Syndicat palestinien des journalistes
pour améliorer son niveau de représentation et son action syndicale
effective pour la défense des droits sociaux des journalistes dans les
territoires palestiniens.
5. Soutenir des séminaires et des activités visant à encourager
la solidarité professionnelle. Ce travail devrait être centré
sur lamélioration des conditions sociales et sur laugmentation
du nombre de membres du Syndicat par le biais, si cela savère nécessaire,
dune révision des statuts du Syndicat.
6. Prendre note du projet du Syndicat de créer un centre de journalisme
à Ramallah, ouvert aux journalistes locaux et internationaux, et faire
ce qui est en son pouvoir pour soutenir cette initiative.
7. Essayer le plus rapidement possible dobtenir que la Fédération
nationale des journalistes israéliens (NFIJ) sengage à défendre,
dans la région, les journalistes victimes de violence ou de violation
de la liberté de la presse, quelle que soit leur nationalité.
8. Débattre avec la NFIJ des moyens de renforcer le syndicalisme et le
statut professionnel des journalistes en Israël et du besoin dune
solidarité professionnelle avec leurs collègues palestiniens,
malgré les opinions exacerbées et les divergences qui peuvent
exister dans les circonstances politiques actuelles, qui sont à la fois
légitimes et parfaitement compréhensibles.
À plus long terme, la FIJ devrait contribuer aux efforts pour améliorer
la compréhension entre les journalistes du monde arabe et leurs confrères
ailleurs dans le monde. La mission a noté un intérêt marqué
pour linitiative du Comité exécutif de la FIJ et un large
soutien à sa mise en uvre rapide.
À partir des constatations et des recommandations de cette mission, la
FIJ devrait immédiatement :
9. Entamer un dialogue avec les autorités politiques compétentes
tant en Israël quen Palestine et, au sein de la communauté
internationale, sassurer que les problèmes évoqués
dans ce rapport soient traités le plus rapidement et le plus efficacement
possible.
10. Suivre avec attention la crise en cours et continuer à transmettre
aux syndicats membres toute information sur les violations des droits des journalistes.
11. Exiger que les autorités israéliennes enquêtent sur
les nombreux cas dintimidation, de harcèlement et de violence perpétrés
à lencontre de journalistes ces derniers mois. Les autorités
civiles et militaires israéliennes devraient, le cas échéant,
prendre des sanctions contre les personnes coupables de violation des droits
de la presse et des médias ou les poursuivre pénalement.
12. Exiger que les autorités palestiniennes agissent pour protéger
les droits des journalistes, pour lever les restrictions touchant les entreprises
de médias et pour prendre des sanctions à lencontre des
fonctionnaires qui gênent le travail des médias ou de journalistes
à titre individuel. Plus particulièrement, il faudrait que cessent
les saisies et les confiscations denregistrements, qui représentent
une menace pour la liberté de la presse.
Bruxelles, le 10 novembre 2001
Mission de la FIJ à Jérusalem
et en Cisjordanie , Novembre 2001
Annexe 1
DECLARATION DE LA FIJ SUR LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Le Comité exécutif de la FIJ, réuni à Sydney les
8 et 9 décembre 2000, déplore le récent déchaînement
de violence au Proche-Orient, qui a conduit à de nombreuses violations
des droits de lhomme, à des tueries aveugles et à des actes
de brutalité à lencontre de journalistes et de travailleurs
des médias.
La FIJ condamne toutes les formes de pression sur les journalistes, dans la
mesure où elles les empêchent de travailler et mettent gravement
en danger la sécurité du personnel.
En outre, la FIJ condamne le fait que des militaires israéliens sen
prennent aux médias palestiniens et note que ces agressions sont inspirées
par lexemple du bombardement de la télévision serbe par
lOTAN en avril 1999, qui lui-même constituait une violation du droit
international.
La FIJ ne peut tolérer que des accusations de propagande à lencontre
de lune ou lautre des parties puissent justifier que des militaires
agressent des membres des organes de presse ou du personnel des médias.
La FIJ refuse dadmettre les tentatives dintimidation et de manipulation
des médias de la part de lune ou lautre partie au conflit,
qui sont autant dattaques injustifiées contre la liberté
de la presse.
La FIJ exprime son entière solidarité à légard
des adhérents de ses organisations affiliées et dautres
travailleurs de la presse qui ont été chaque jour victimes de
violences et de discriminations de la part des autorités.
Le Comité exécutif de la FIJ a accepté :
1. le lancement dun appel international à la solidarité
en vue dapporter une aide durgence aux journalistes et au personnel
de la presse victimes de violences ainsi quà leurs familles, et
de mettre le Fonds de sécurité à leur disposition ;
2. dappuyer les appels à des actions internationales en insistant
sur la nécessité pour chacune des parties de respecter les conventions
de Genève et les protocoles qui interdisent de sen prendre aux
médias et aux journalistes ;
3. dexiger que les groupes de presse et toutes les parties belligérantes
respectent le code de pratique de la FIJ pour la sécurité des
journalistes ;
4. denvoyer durgence une mission dans la région en concertation
avec les organisations affiliées israéliennes et palestiniennes,
en vue dexprimer notre solidarité envers le personnel des médias
et de rechercher éventuellement dautres moyens de protéger
les journalistes.
Mission de la FIJ à Jérusalem
et en Cisjordanie, Novembre 2001
Annexe 2
Les membres de la mission ont rencontré un grand nombre de journalistes
et dexperts de médias. Les divers interviews ont concerné
les personnes suivantes :
Dr Shaul Zadka, Co-Director, Israeli Palestinian Media Forum
Eleanor Hammarskjöld, Deputy Consul, Representation of Sweden
Eva-Lotte Gustapson, Media Project Co-ordinator, Representation of Sweden
Raid Othman, General Director, Bethlehem Television
Orla Guerin, Middle East Correspondent, BBC
Walid Al Omary, Senior Correspondent Al Jazeera
Alia Arasoughly, Supervising Consultant, Global Dialogue and Democracy (MIFTAH)
Rami Bathish, Information Director, MIFTAH
Elias Zananiri, Correspondent, Gulf Today and RFI, Foreign Press Association
Naim Toubassi, President, Palestinian Journalists Syndicate
Hafez Barghouti, Editor in Chief, Al-Hayat Al-Jadidah
Tariq Kayyal, Vice-President, Majd Television, Hebron
Dan Perry, Chief of Bureau AP and Chair Foreign Press Association
Jean Breteche, Representative, European Union West Bank and Gaza Strip
Said Ayyad, Board Member, Palestinian Journalists Syndicate
Marius Shattner, Correspondent, Agence France Presse
Amnon Kapeliuk, National Federation of Israel Journalists
Radwan Abu Ayyash, Director, Palestine Broadcasting Corporation
Abdul Ahmed Rahman, Information Director Palestinian Authority