SUR FOND DE FAILLITE DES REPUBLIQUES

Nouvelle jeunesse des monarchies arabes

La monarchie est-elle l'avenir du monde arabe ? On pourrait le croire, quarante ans à peine après la vague républicaine et nationaliste qui a parcouru le monde arabe, balayant au passage la royauté en Égypte, en Irak, au Yémen ou en Libye. Aujourd'hui, ce sont les républiques qui apparaissent sclérosées, leurs présidents s'accrochant à leur fauteuil aussi longtemps qu'un monarque et préparant leurs fils à la succession, alors qu'un certain dynamisme paraît s'être emparé des monarchies arabes. L'ouvrage dirigé par Rémy Leveau et Abdallah Hammoudi (1), issu d'un colloque organisé au printemps 2001 par l'IFRI (Institut français des relations internationales) pose franchement la question qui, voici quelques années seulement, aurait paru franchement incongrue. Mais après le retour de Zaher Shah en Afghanistan (certes, en dehors du monde arabe) et alors que la Grande Bretagne et les États-Unis envisagent ouvertement la restauration de la monarchie hachémite (Cherif Ali ben Hussein) en Irak après le renversement de Saddam Hussein, l'hypothèse est désormais loin d'être saugrenue et vaut d'être approfondie. «L’Orient du nouveau millénaire semble marqué du sceau de la monarchie», observe Frédéric Charillon.


Première remarque, un grand nombre de monarchies que l'on présentait comme fragiles, en sursis, dans les années soixante et soixante-dix se sont révélé être des «régimes plus durables que prévus» et elles représentent encore le tiers des membres de la Ligue arabe. Quant à celles qui ont été renversées, «les régimes qui ont ainsi survécu cherchent à se transformer en dynasties en assurant la préservation de leur pouvoir et de leurs bénéfices. Certains, comme la Syrie, se sont engagés dans cette voie sans pour autant garantir leur pérennité. D’autres y aspirent comme l’Égypte, l’Irak ou la Libye», notent R. Leveau et A. Hammoudi. À partir du moment où les républiques sont entrées dans une «dérive dynastique» (Phlippe Droz-Vincent), l’inévitable tension qui accompagne les successions ne justifie-t-elle pas que celles-ci soient institutionnalisées au sein de la famille ? Pour autant, les successions dans les monarchies arabes ne sont pas elles-mêmes exemptes de tensions ou d’incertitudes, ainsi que le démontrent les études de Frank Mermier (Oman), Fatiha Dazi-Heni (Bahreïn et Koweït) ou Alain Gresh (Arabie Saoudite). Dans cette dernière, en particulier, «les crises sont souvent très longues à se dénouer, car il faut dégager un consensus parmi les princes les plus influents».


Pourtant, les monarchies arabes n’ont pas toujours eu la forme que nous leur connaissons aujourd’hui. Nombre des dynasties en place ont été importées, ou confortées par l’étranger, notamment le protectorat britannique, qui a «européanisé» les formes monarchiques qui ont succédé à des règles ancestrales par l’introduction de la dynastie héréditaire et les régimes actuels (monarchies ou «républiques héréditaires») «ont peu de rapport avec l’islam ou les systèmes politiques arabes» (Peter Sluglett).


Reste que la faillite des républiques ne suffit pas à relégitimer les monarchies ni elles ne s’adaptent pas, estime le prince Moulay Hicham Ben Abdallah El Alaoui, cousin de l’actuel roi du Maroc, pour qui le pacte monarchique est à redéfinir : «Il paraît sage pour les monarchies de reprendre un style de gouvernement proche de celui qui était le leur avant la modernisation, c’est-à-dire d’abandonner les tâches de transformation et d’administration du territoire, des ressources humaines et naturelles, et de se replier sur l’exigence de la conduite morale et religieuse de la Communauté et de l’arbitrage des équilibres».

Olivier Da Lage


(1) Rémy Leveau et Abdallah Hammoudi (dir) Khadija Mohsen-Finan (coordination), Monarchies arabes - Transitions et dérives dynastiques, Documentation Française, Paris, 2002, 286 pages, 19 €.


 
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